La justice enquête sur la corruption du Groupe Bolloré concernant les conditions d’obtention des concessions portuaires d’Afrique de l’Ouest.
Le groupe Bolloré mis en examen pour « corruption »
Le 13 décembre 2018, la holding Bolloré SA est mise en examen pour corruption, six mois après la garde à vue de son patron dans l’affaire des concessions portuaires en Afrique de l’Ouest. [1] Sans surprise, le groupe nie, par voie de communiqué, les irrégularités qui lui sont reprochées.
« La holding Bolloré SA, qui n’est en rien concernée par les faits objets de l’investigation, a décidé d’exercer un recours afin d’être mise hors de cause » [2]
Le 24 avril 2018, dans le cadre de soupçons de corruption autour de l’attribution de concessions portuaires en Afrique de l’Ouest, la 10ème fortune française était placée en garde à vue à Nanterre. Plus précisément à l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) [3], par les juges financiers Serge Tournaire et Aude Buresi. Il devait répondre à l’accusation de « corruption d’agent public étranger ». L’instruction doit également déterminer si le groupe Bolloré a utilisé ses activités de conseil politique, via sa filiale Havas (anciennement appelée SDV), pour obtenir la gestion des ports de Lomé, au Togo et de Conakry, en Guinée.
Les bons comptes font les bons amis…ou l’inverse?
Notons par exemple que SDV avait obtenu la gestion du port de Conakry quelques mois après l’élection d’Alpha Condé, fin 2010. Le groupe avait également remporté la concession à Lomé peu avant la réélection en 2010 de Faure Gnassingbé au Togo. Ceci, alors qu’ils étaient tous deux conseillés par Havas… Hasard ou réalité scientifique ? Pour le président de la République de Guinée, il n’y aurait rien de mal à cela.
« Bolloré remplissait toutes les conditions d’appel d’offres. C’est un ami, je privilégie les amis. Et alors ? » [4]
Ce dossier est la suite d’une enquête préliminaire ouverte en juillet 2012 par le parquet de Paris. Elle fut par la suite transférée au parquet national financier. Sont concernés également Gilles Alix, PDG de Bolloré, et Jean-Philippe Dorent, responsable du pôle international de l’agence de communication Havas [5].
Après 48 heures de garde à vue, « le français le plus puissant d’Afrique » sera mis en examen et référé devant les juges, pour «corruption d’agent public étranger», «complicité d’abus de confiance» et «faux et usage de faux» [5]. Il encourt notamment 10 ans de prison ferme et d’une amende d’un million d’euros [6].
Un dossier qui s’alourdit
Vous l’aurez compris, le Groupe Bolloré n’a rien d’angélique. En effet :
- L’ONU a mis en cause des entreprises associées au groupe Bolloré pour leur « exploitation illégale » de ressources naturelles, dans certaines régions d’Afrique, dont le commerce nourrit le trafic d’armes.
- Dans un rapport d’avril 2001, l’ONU indique que SDV (désormais Havas), filiale à 100 % du groupe Bolloré, figure « parmi les principaux maillons de ce réseau d’exploitation et de poursuite de la guerre. Des milliers de tonnes de colombo-tantalite ont ainsi été chargées à partir de Kigali (Rwanda) ou ont transité par le port de mer de Dar es Salam (Tanzanie) » [7].
- Un rapport de 2002 place SDV sur la liste des entreprises qui « violent les principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE] à l’intention des entreprises multinationales » [8].
- En , un article du quotidien Libération révèle que le Groupe Bolloré a été pris en flagrant délit de fraude concernant ses activités au Sénégal [9].
- Un reportage de Benoît Collombat, diffusé le 29 mars 2009 et intitulé Cameroun, l’empire noir de Vincent Bolloré, lance une controverse sur certaines activités africaines du groupe.
On en passe et des meilleures (comme la tragique catastrophe ferroviaire d’Eseka). Il ne s’agirait pas de froisser le sieurs Bolloré dont le jeu favori semble être celui d’utiliser les poursuites judiciaires pour faire taire les journalistes…
Vincent Bolloré placé en garde à vue pour soupçon de « corruption d’agents publics étrangers »
Notes et références
[1] « Le groupe Bolloré mis en examen pour « corruption » dans l’affaire des ports africains« , lemonde.fr, publié le 13 décembre 2018
[2] « Ports africains. Le groupe Bolloré mis en examen pour « corruption »« , ouest-france.fr, publié le 13 décembre 2018
[3] « Concessions portuaires en Afrique : Vincent Bolloré mis en examen« , lemonde.fr, publié le 25 avril 2018
[4] « Concessions des ports de Conakry et de Lomé : Vincent Bolloré en garde à vue« , jeuneafrique.com, publié le 24 avril 2018
[5] « VIDEO. Soupçons de corruption en Afrique: Vincent Bolloré est mis en examen« , 20minutes.fr, publié le 25 avril 2018
[6] « Vincent Bolloré en examen : que risque l’homme d’affaires ?« , rtl.fr, publié le 26 avril 2018
[7] « Les guerres africaines de Vincent Bolloré », monde-diplomatique, publié en avril 2009
[8] Ibid.
[9] « Sénégal vincent bollore epinglé pour un flagrant delit de fraude fiscale« , le360.ma, publié le 22 septembre 2018