Malgré les discours officiels minimisant l’influence de l’armée française en Afrique, cette présence militaire constitue depuis les indépendances, un des piliers du néocolonialisme.
La loi de planification militaire des années 2014-2019 renforce la « justification pénale du recours à la force » introduite en 2005 ce qui offre une plus grande impunité aux soldats français lors d’opérations à l’étranger. En outre, les victimes et les organisations de défense des droits de l’homme ne peuvent plus engager de poursuites civiles en cas de crime commis par des soldats français. La loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 fixe quant à elle les orientations relatives à la politique de défense et trace une trajectoire de programmation des moyens militaires pour la période 2019-2025. Ces nouvelles orientations préconisent à la France de « poursuivre le développement de ses partenariats stratégiques en Afrique ».
Le prétexte de «la guerre contre le terrorisme»
La présence militaire de la France en Afrique, imposée comme gage de sécurité et de stabilité, est observée depuis plus de 50 ans. Cette «spécificité française» est l’un des aspects de la politique mise en place lors de l’indépendance de l’Afrique en 1960. L’objectif était de préserver les intérêts économiques de l’ancienne métropole (pétrole, uranium, bois, etc.) et de maintenir les pays africains dans son sphère d’influence. Afin de contrôler et d’équiper l’armée et les gardes présidentiels, les dictateurs fidèles aux intérêts français corrompus ont été mis au service. Après avoir tenté de légitimer le maintien de sa loi martiale en Afrique par une «nouvelle doctrine» à la fin des années 1990, la France utilise aujourd’hui le prétexte de «la guerre contre le terrorisme».
L’opération Serval, lancée au Mali en janvier 2013, visait officiellement à empêcher les forces armées salafistes de s’emparer de la capitale Bamako. Il a été confirmé que l’opération était en réalité préparée pour résoudre les problèmes entre les services secrets français et le mouvement MNLA (le mouvement national pour la libération de l’Azawad), alors qu’aucun problème de territoire ou de sécurité n’était réglé dans le nord du Mali.
Un autre cas d’intervention militaire est la création de l’opération Barkhane: 3 500 personnes ont été mobilisées dans la zone sahélo-saharienne. Cette recolonisation militaire est officiellement approuvée par la loi de planification militaire pour les années 2014-2019. L’accent étant mis sur les relations franco-africaines, ce qui confirme les objectifs néocoloniaux de la politique étrangère française, notamment en ce qui concerne l’Afrique subsaharienne. Cette politique est due à l’inaction de certains alliés (Tchad, Cameroun, Mauritanie), encourage les déviations par rapport aux mesures de sécurité d’autres pays, se cache derrière la lutte contre le terrorisme et ne résout aucun problème politique et social permettant aux groupes armés de prospérer.
Exemples d’ingérence française en Afrique
2002-2014 CÔTE D’IVOIRE
Opération «Licorne».
Prétexte: intervenir entre les belligérants.
Objectif: affaiblir le soulèvement, faire pression sur le régime de Gbagbo qui a mis en cause les intérêts français et obtenir une part du pouvoir.
Crimes documentés: massacres des civils en novembre 2004 (plus de 2 000 blessés).
2002-2013 CENTRAFRIQUE
Opération «Boali»
Soutien aux forces armées de la RCA sous divers prétextes
2003 CONGO
Opération «Mamba», puis «Artémis»
Prétexte: aide humanitaire
Objectifs probables: entretien des milices pro-rwandaises.
Crimes documentés: Tortures réalisées par des soldats français (preuves des soldats suédois).
2006 (octobre-novembre) CENTRAFRIQUE
Interventions des avions françaises «Mirage»
Objectif: défendre la dictature de F.Bozizé des révoltes.
Mars 2007: opération aéroportée à Birao (pour la même raison)
2008 TCHAD
Saisie de la direction de l’aéroport de Ndjamena pour aider Déby et, selon certaines données, participation des forces spéciales à la lutte contre le soulèvement
2008 DJIBOUTI
Mobilisation de 200 personnes à la frontière pour garder Erythrée.
2008-2009 TCHAD-CENTRAFRIQUE
Opération «Eufor-Minurcat Tchad-RCA»
Objectifs: apeurer les rebelles, donner une légitimité européenne à la dictature d’Idriss Déby
2009 SAHEL
Opération «Sabre» des services spéciaux français dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme ».
mars-octobre 2011 LIBYE
Opération bombardement «Harmattan» (alors dans le cadre d’OTAN)
Prétexte: protection des civils avant l’assassinat du dictateur Kadhafi
janvier 2013 – juillet 2014 MALI
Opération «Serval»
(4000 soldats en février 2013, 2500 en janvier 2014), puis «Barkhane» de 2014 à aujourd’hui
Dès le décembre 2013 CENTRAFRIQUE
Opération «Sangaris»: de 2000 à 600 soldats.
Dès le juillet 2014 MAURITANIE, MALI, BURKINA FASO, NIGER, TCHAD
Opération «Barkhane»: 3500 soldats.
Accords de coopération militaire et de défense
Dans le cadre des accords d’assistance technique et de coopération militaire, la France a formé, supervisé et doté de nombreuses armées africaines en armes et équipements militaires. Leurs conseillers militaires sont chefs d’état-major. Cette coopération devrait également s’étendre aux postes de police et aux forces de l’ordre. Jusqu’à récemment, il y avait huit accords de défense, y compris des dispositions secrètes: des programmes contre les menaces internes (par exemple, la mobilisation contre la dictature) en échange du droit préférentiel de fournir à la France des matériaux stratégiques (pétrole, uranium). Ces accords ont été révisés par Nicolas Sarkozy, mais la suppression documentaire de ces traités n’a pas changé la tradition d’intervention et de pillage des ressources. De nouveaux accords, partiellement secrets, conclus sous la direction de François Hollande dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme» avec le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie et le Tchad, autorisent les soldats de «Barkhane» à organiser des événements sans se présenter aux autorités des pays respectifs.
Base militaires françaises
L’appareil militaire français en Afrique se compose aujourd’hui officiellement de deux bases importantes «opérationnelles»: à Djibouti (1 700 personnes) et en Côte d’Ivoire (600 personnes). Sur les bases du Sénégal et du Gabon, les forces ont été réduites à quelques centaines de personnes. Cette unité complète la base de la Réunion et de Mayotte. Certaines opérations externes (Opex) prévoient effectivement la présence constante des soldats. Il s’agit de l’opération maritime «Corymbe» dans le golfe de Guinée ou de l’opération antiterroriste «Barkhane», qui a remplacé en juillet 2013 l’opération «Serval» au Mali et «Epervier» au Tchad (cette dernière s’est poursuit depuis 1986). Les troupes principales restent dans ces deux pays, mais le nombre de bases de forces spéciales ou conventionnelles plus limitées a également augmenté dans la zone sahélo-saharienne. Le Niger a une base de reconnaissance qui comprend des véhicules aériens sans pilote français.
De plus, le premier ministre Édouard Philippe a annoncé en septembre 2017 une hausse significative du budget de la Défense pour l’année 2018. Ainsi, le budget de la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 passera de 32,77 milliards dépensés en 2018 à 44 milliards prévus en 2023.
Source:
Revue stratégique de défense et de sécurité nationale 2017
LOI n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025