Nana Asma’u (1793-1864) était la plus grande femme savante du nord de l’actuel Nigéria, au 19ème siècle.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.media
Origines
Asma’u naît avec son frère jumeau Hassan en 1793 dans la ville de Degel, dans le nord du Nigéria dans l’état haoussa de Gobir. Elle est la fille d’Ousmane Dan Fodio, un savant peul musulman et conseiller du souverain de Gobir et de Maimuna, l’une de ses épouses. La tradition musulmane veut que des jumeaux soient nommés Hassan et Hussein, comme le furent les jumeaux du prophète. Pourtant, si Ousmane Dan Fodio nomme l’un de ses jumeaux Hassan, il nomme l’autre Asma’u. Par là, il souhaitait sans doute prédestiner sa fille à une vie similaire à Asma fille d’Abou Bakar, qui au 7ème siècle de notre ère, apporta de la nourriture au prophète lorsqu’il se cachait de ses ennemis de la Mecque. Ayant publié cette même année un texte sur un renouveau du style de vie du prophète, il pensait peut-être déjà à devoir accomplir une guerre sainte, où sa fille lui serait d’une aide similaire à celle d’Asma au prophète. C’est ce qui se produisit lorsque Yunfa, le souverain de Gobir expulsa Ousmane Dan Fodio de son territoire. Asma’u et le reste de sa famille l’accompagnèrent dans son exil. Elevée dans une tradition soufie et lettrée comme toutes les femmes de sa famille, Asma’u a été très tôt sensibilisée à la thématique du Jihad ou guerre sainte, et de sa nécessité. Dès son enfance, elle avait mémorisé le Coran par coeur et était devenue familière avec les écrits de son père et de ses frères. Sa curiosité intellectuelle l’avait aussi conduite à apprendre dès son jeune âge la langue touareg en plus du haoussa et du peul qu’elle connaissait déjà.
Durant la guerre sainte qui opposa entre 1804 et 1808 les suivants musulmans fondamentalistes d’Ousmane dan Fodio et l’armée de Yunfa et des autres souverains des cités-états haoussas, la jeune Asma’u accomplit avec les autres femmes de sa communauté des taches de soutien aux hommes au combat comme les soins médicaux, la préparation des armes, de vivres et le ravitaillement. Assistant directement aux batailles, Asma’u aurait donné de nombreux et précieux conseils à son père, son frère Mohammed Bello et son époux Gidado. Elle s’y serait aussi distinguée par un miracle entraînant une victoire décisive de l’armée des siens, grâce à un incendie.
Après la guerre qui a vu la victoire des musulmans fondamentalistes et l’établissement du sultanat de Sokoto dirigé par son père, Nana Asma’u a établi un réseau d’enseignement et d’entraide pour femmes, particulièrement précarisées après cette période de guerre. Pour ce faire, elle s’est basée sur des structures déjà pré-existantes dans les cités-états haoussas. Dirigées par des jaji, les Yan Taru étaient des enseignantes ambulantes se déplaçant parfois d’un foyer à l’autre pour fournir un enseignement basé sur les poèmes d’Asma’u aux jeunes femmes ne pouvant pas ou n’ayant pas le droit de se déplacer.
Grâce à ses très nombreux écrits Nana Asma’u était aussi reconnue dès son époque comme une savante de renom jusque dans le Maghreb contemporain. Parmi ses plusieurs dizaines d’écrits, on trouve souvent des poèmes au style original des faits de l’histoire du sultanat de Sokoto et leur mise en parallèle avec la vie de Mahomet et de ses compagnons.
Des siècles après sa mort, Asma’u est restée chez les femmes haoussa, peules puis musulmanes en général comme un exemple du statut qu’elles jugent légitime de la femme dans l’Islam. Celui d’une catégorie d’êtres, qui en dépit des rôles différents des hommes qui leurs sont attribués dans la société, se doivent d’avoir accès au plus haut de la connaissance.
Muhammad Baghayogho, grand savant ouest-africain du 16ème siècle