La République centrafricaine, connaît une insécurité chronique et une pauvreté grandissante. Près de 2,5 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire et 1,2 million de personnes, ont été déplacé de force. En pleine guerre civile, l’Union européenne et la Centrafrique signent pourtant un accord sur la biodiversité.
La République centrafricaine au cœur d’un conflit
Trois jours de deuil national ont été décrétés en Centrafrique après la mort d’au moins 60 personnes tuées dans une attaque le 15 novembre à Alindao (centre), selon un rapport interne de l’ONU publié le 21 novembre. Les violences entre groupes armés paralysent le pays et la population. Comme dans tous les conflits, ce sont les personnes les plus fragiles qui en paient le prix fort. En République centrafricaine, le taux de dénutrition s’élève ainsi à 61,8% selon un Indice mondial réalisé par les ONG irlandaise Concern Worldwide et allemande Welthungerhilfe. Plus de la moitié de la population ne mange pas à sa faim.
C’est dans ce contexte de guerre civile et de chaos politique que l’Union Européenne choisit d’allouer des fonds à l’environnement et la biodiversité. Un acte incompréhensible qui creuse encore plus la dette d’un pays dont la population n’a pas accès aux soins, à la nourriture, à l’éducation et à la sécurité.
Le cercle vicieux de la dépendance
Le concept de « l’aide » est un cercle vicieux qui rend dépendant le « bénéficiaire ». La mise sous perfusion d’un pays par une Institution lui ôte son pouvoir régalien et le prive du choix de ses priorités. Ainsi, sur l’année 2018, l’ensemble de l’aide humanitaire de l’Union Européenne s’élève à 25,4 millions d’euros pour la Centrafrique. En juillet 2018, le Conseil européen a également prolongé le mandat de la mission militaire de formation de l’UE en République centrafricaine (EUTM RCA) pour deux ans, soit jusqu’au 19 septembre 2020.
De plus, l’UA, l’UE et les Nations Unies ont l’intention d’accroître leurs coordinations et coopération, notamment dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 pour le Développement durable, priorité non pas africaine mais occidentale. En effet, Le Président de la Commission de l‘Union Africaine M. Moussa Faki Mahamat, le Président de la Commission européenne M. Jean-Claude Juncker et le Secrétaire général des Nations Unies M. António Guterres, se sont rencontrés le 23 Septembre 2018 au siège des Nations Unies à New York en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies.
Des fonds fiduciaires pour la biodiversité en Centrafrique
Dans son communiqué de presse du 9 novembre dernier, l’Union européenne assure contribuer « à l’amélioration de la gestion durable des ressources naturelles et de la biodiversité en République centrafricaine ».
Au cours de la cinquième réunion du Comité Interministériel de Suivi (CIS) du projet ECOFAUNE+, Yves Yalibanda, Directeur de Cabinet du ministre des Eaux, Forêts, Chasse et Pêche, Juan José Villa Chacon, chef de coopération, représentant la Cheffe de Délégation l’Union européenne et Andrea Ghiurghi, coordonnateur du projet ECOFAUNE+, représentant Muriel Vives, directrice du bureau d’études AGRECO, se sont réunis.
Cette rencontre concernait le projet financé par l’Union européenne à travers le Fonds Bêkou, à hauteur de 2.623.828.000 FCFA. ECOFAUNE+ « vise à sauvegarder les écosystèmes du nord-est et de l’est de la RCA menacés par la pression anthropique, l’instabilité et l’insécurité dans une perspective de développement durable et de lutte contre la pauvreté. » Ainsi, à travers ce projet environnemental, la RCA s’endette un peu plus auprès de l’Institution européenne.
Par ailleurs, Juan José Villa Chacon a rappelé que « le projet ECOFAUNE+ qui s’achève d’ici quelques jours, sera relayé par la composante Nord-Est du Projet ECOFAC VI du Programme Indicatif Régional (PIR), dont le démarrage opérationnel est prévu pour le début de l’année 2019. Egalement, la Composante Sud-Est de ECOFAC VI démarrera aussi en début d’année 2019 ».
Ces programmes qui suivront sont également financés par l’UE. Le Programme ECOFAC V coûtera 30 millions d’euros et durera 4 ans. Il est exécuté par le bureau d’études belge AGRER S.A. en partenariat avec le bureau italien Agriconsulting. Il concerne entre autres, la protection de la Forêt de Ngotto.
L’engrenage de la dette
Depuis les années d’indépendances africaines, chaque décennie a été le théâtre d’ingérence et de déstabilisation par l’intervention systématique des Institutions Financières Internationales (IFI). Ce sont des transferts de sommes astronomiques qui ont été injectées dans l’économie de ces nations par l’aide bilatérale (de gouvernement à gouvernement) ou multilatérale (par le biais des IFI). Cependant, le constat amer de situations toujours aussi préoccupantes aujourd’hui, suscite de nombreuses critiques quant à l’efficacité, l’utilité et les finalités du système de l’aide.
Entre 1970 et 2002, l’Afrique a remboursé plus qu’elle n’a emprunté, car les intérêts n’ont fait qu’augmenter. Elle a emprunté 539 milliards de dollars….et a remboursé 550 milliards à ses bailleurs de fonds. « (…) des bailleurs de fonds. Un terme qu’on utilise chaque jour comme s’il y avait des hommes dont le « bâillement » suffisait à créer le développement chez les autres », dénonçait très pertinemment Thomas Sankara, dans son discours sur la dette africaine, prononcé à la réunion de l’Organisation de l’Union Africaine en 1987.
La Centrafrique est un exemple parmi d’autres en Afrique. L’instabilité chronique entretenue par une dette grandissante et des intérêts politique et géostratégique maintiennent le pays dans l’impasse. Le projet environnemental semble correspondre à un agenda qui n’est pas adapté à la réalité des Centrafricains. Il correspond à une volonté exogène, celle-là même qui en simulant une « aide », enfonce un peu plus le pays dans la dépendance.