Les scarifications sont traditionnellement utilisées comme un titre de citoyenneté dans plusieurs sociétés africaines.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.media
Dans de nombreuses cultures africaines, des scarifications sont historiquement ou traditionnellement tracées sur le visage d’individus pour marquer leur appartenance ethnique, sociale ou religieuse.
C’est le cas, plus récemment, chez plusieurs sous-groupes ethniques yoruba du Nigéria et du Bénin. Leur utilisation est peut-être attestée sur les sculptures en terre cuite et en bronze de la civilisation d’Ife du début du second millénaire de notre ère.
Comme l’ont montré plusieurs chercheurs, l’association de de marques avec des groupes ethniques aurait été très variable avec le temps.
Dans plusieurs langues yoruba, les scarifications faciales sont appelées ila kikO. Effectuées durant la petite enfance, elles octroyaient à son porteur une sorte de titre de citoyenneté ou d’ethnicité. Lorsque cette citoyenneté était associée au prestige, les scarifications étaient un trait de beauté et leur absence à la laideur ou à la pauvreté, leur porteur étant parfois interprété comme trop pauvre pour s’offrir les services d’un artiste les réalisant. Dans son article intitulé Beyond Diversity: Women, Scarification, and Yoruba Identity (2008), Olatunji Ojo écrit que dans la ville d’Ibadan, le mot pour ‘personne non-scarifiée’ est ilaikOla. Il y signifie aussi ‘étranger’, ‘non-civilisé’, ‘ringard’ et laid.
Les nombreuses divergences de scarifications faciales pouvaient aussi avoir cet effet. Au cours d’une vie, la déchéance et l’acquisition d’une citoyenneté pouvaient être marquées par le changement, l’addition ou l’effacement de scarifications.
Chez les Yoruba, les scarifications se subdivisent en deux types majeurs: utilisés dans l’ouest du pays yoruba et les abaja, généralement composés de lignes verticales et associées à l’ouest du pays yoruba et les pele, composées généralement de lignes verticales et attestées à l’est du pays yoruba.
Après le rapatriement d’anciens esclaves non-scarifiés des Amériques, notamment brésiliens, en Afrique de l’Ouest, leur nomination à des postes de pouvoir durant la colonisation va en faire des modèles de modernité. Le port des scarifications, au Nigéria même, va devenir ringard désuet et les enfants le portant, victimisés par leurs camarades. Ojo (2008), raconte par exemple que ces enfants sont souvent moqués par leurs camarades qui leur disent « qu’ils se sont battus avec des chats ».
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