A environ 80 ans, le paysan burkinabé Yacouba Sawadogo a reçu le Prix Nobel alternatif pour sa technique agricole permettant rendre fertiles des terres arides et de freiner par là la progression du désert.
Yacouba Sawadogo, l’homme qui a arrêté le désert
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.media
Aujourd’hui, le Sahara fait partie intégrante de la géographie africaine. Beaucoup sont loin d’imaginer qu’il y a encore 10000 ans, le Sahara était un vaste espace de végétation.
Pendant plusieurs millénaires, cet espace s’est toutefois désertifié, entraînant d’importantes migrations de populations y résidant vers le reste du continent.
Aujourd’hui, le spectre du désert touche la région voisine su Sahel. Les populations de la région historique du Yatenga au nord du Burkina Faso en ont particulièrement subi les contrecoups dans les années 80 par le biais d’une famine. Cette situation a vu de nombreux habitants de la région la quitter. Yacouba Sawadogo, qui y exerçait alors la profession de commerçant, a décidé d’y rester pour trouver une solution au problème.
Il décida de se consacrer à l’agriculture et se réappropria le zaï, une pratique agricole ancestrale. Elle consiste à creuser des fosses peu profondes pour y recueillir les faibles précipitations et les utiliser pour fertiliser les racines des cultures.
L’innovation de Sawadogo par rapport au Zaï est double. Premièrement, il a utilisé des fosses plus profondes, espérant y recueillir plus d’eau. Ensuite, il a placé du fumier dans les fosses durant la saison sèche. Le fumier est en effet connu pour ses vertus fertilisantes que la pluie ne peut évidemment pas offrir durant la saison.
Une technique ancestrale pour stopper le désert
Les méthodes de Yacouba Sawadogo ont porté leurs fruits. Mil, sorgho, mais aussi des arbres ont poussé de manière inattendue, grâce aux graines présentes dans le fumier. Les agriculteurs vendent désormais ce bois comme source d’énergie et matériau d’ébénisterie.
Vingt ans environ après les débuts de ses expérimentations, une forêt de 250 m2 s’était dressée face au désert, conduisant de nombreux émigrés du Yatenga à revenir sur leurs terres à nouveaux fertiles. Grâce à ces résultats, Yacouba Sawadogo, sa méthode et ses résultats ont attiré l’attention internationale, tout d’abord par le biais d’un film du réalisateur américain Mark Dodd intitulé The Man Who Stopped the Desert (2010).
Les efforts de Yacouba Sawadogo pour mettre fin à l’avancée du désert sont toutefois entrés en conflit avec le gouvernement burkinabé, lorsqu’une ville voisine s’est appropriée 80% de la zone en 2009, incluant la maison où étaient stockées des graines pour continuer à mettre à bien sa méthode.
Cherchant depuis à lever plusieurs dizaines de milliers d’euros pour acheter ces terrains, il a été en 2018 récompensé du Right Livelihood Award, ou Prix Nobel alternatif, récoltant un peu plus de 60000 euros de récompense.
Espérons que ce prix permettra à Sawadogo, qui a orienté ses activités vers la médecine traditionnelle, de permettre ses descendants de freiner définitivement la progression du désert, ce que ses ancêtres d’il y a des milliers d’années n’avaient pas réussi à faire.
https://www.nofi.media/2018/02/wangari-muta-maathai-la-femme-des-arbres/1062