Stephen Wiltshire est un artiste autiste capable de reproduire des paysages complexes de mémoire. Ses extraordinaires capacités lui ont valu le surnom d’ ‘appareil photo humain’.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.media
La vulgarisation de la photographie a eu un effet contradictoire sur la réalisation de dessins et de peintures de la réalité. Si la première a contribué au déclin de la seconde, elle l’a aussi rendu plus facile, rendant sa pratique plus accessible. Dans un passé pas si lointain en effet, la reproduction de mémoire de la réalité était une étape obligatoire à toute oeuvre de ce type. Ce type d’exercice, où l’artiste avait accès à son modèle pendant une durée limitée a été très largement facilité par l’utilisation généralisée de smartphones comme appareils photo. Grace à ces derniers, les artistes n’ont plus aucune limite de temps et de mémoire pour avoir accès à leur modèle.
Dans cette période de l’histoire de l’art où la mémoire visuelle comptait autant que la technique de dessin et de peinture, on aurait aimé voir comment se serait illustré Stephen Wiltshire.
Né en 1974 en Angleterre de parents caribéens, Stephen Wiltshire est diagnostiqué autiste à l’âge de 3 ans. Ce n’est qu’à cinq ans qu’il prononce son premier mot et à neuf ans qu’il maîtrise la communication parlée. Ses premiers mots auraient été prononcés à l’école, où alors qu’il ne faisait que dessiner, ses enseignants lui retirèrent ses dessins pour le forcer à s’exprimer. Son premier mot aurait été ‘papier’.
Intéressé par le dessin de voitures, d’animaux, et de caricatures humaines, Wiltshire se spécialisera dès ses sept ans sur les paysages londoniens. Son extraordinaire mémoire eidétique lui permettant de mémoriser visuellement un grand nombre d’images à la fois le conduit à participer à plusieurs concours de dessin pour enfants, par le biais d’un de ses enseignants. A l’âge de sept ans seulement, il devient une sensation médiatique. L’année suivante, il reçoit une commande de la part du Premier Ministre britannique de l’époque pour dessiner une cathédrale.
Sa célébrité et son talent s’exportent bientôt à l’international où il voyage fréquemment, étant l’objet de plusieurs expositions, livres et de documentaires. Dans le cadre de plusieurs de ces derniers tournés dans les années 2000, il reproduit au termes de survols de villes en hélicoptère de quelques dizaines de minutes, des reproductions incroyablement détaillées de zones de celles-ci. La plus grande reproduction d’une ville de mémoire sera sa reproduction en 2005 de la ville de Tokyo immortalisée dans la vidéo ci-dessous.
On peut se demander aujourd’hui se demander comment cet artiste anobli par la Reine d’Angleterre, dont les oeuvres ornent aujourd’hui les lieux les plus emblématiques de mégalopoles du monde entier et dont les performances et expositions attirent des records de spectateurs dans le temps aurait brillé dans d’autres époques de l’histoire de l’art. Aurait-il pu se reposer sur son extraordinaire mémoire visuelle pour acquérir par l’étude une meilleure technique picturale et une plus importante puissance créatrice, le tout sous la contrainte des sujets choisi par des commanditaires? Contrairement aux apparences, les intérêts et les techniques artistiques de Stephen Wiltshire sont bien plus diverses que la reproduction exacte de paysages urbains par le dessin. Il est aussi capable de peindre, de dessiner des portraits, des caricatures et des paysages fictifs.
Si la personnalité autiste est souvent associée à l’intérêt restreint d’une personne pour un domaine de la société, il semble que celui de Stephen Wiltshire n’ait pas été que celui de la reproduction de paysages par le dessin, mais celui de l’art visuel en général. Comme il l’a lui même dit, jusqu’à ses cinq ans, l’art était son langage. On peut donc rêver à ce que dans une période plus lointaine où l’art était largement déterminé par les demandes de ses commanditaires, Stephen Wiltshire ait mis toutes les chances de son côté pour s’exprimer et devenir l’un des plus grands artistes de son époque.
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