D’après l’historien Ibrahima Thioub, l’esclavage est « la réduction par un acte martial, marchand ou pénal d’un individu, la privation de sa liberté pour en faire sa propre propriété en le déshumanisant, en le dépersonnalisant et en le désocialisant, en le coupant de son histoire et de son identité pour le reconstruire comme objet ».
Aucune civilisation n’a été exempte d’esclavage. Un autre historien, Marcel Dorigny, confirme que « l’esclavage n’est pas une invention de l’époque coloniale, consécutive aux Grandes Découvertes. C’est une pratique permanente qui n’est attachée ni à une civilisation, ni à un espace géographique, ni à une époque donnée ». Puisqu’une large partie des historiens s’accordent à dire que le mot « esclave » vient de « slave » qui, dès l’Antiquité, désignait « ceux que l’on peut asservir », on pourrait donc ajouter que le terme n’est pas non plus (fondamentalement), attaché à une couleur de peau.
A partir du VIIe siècle, l’expansion de l’empire musulman engendre l’exportation de millions d’Africains à travers le continent et au-delà de ses frontières, à destination du Moyen-Orient. Puis viendra le commerce triangulaire arrachant les hommes et les femmes de leur terre. Commence alors un sombre chapitre qui bouleversera toute l’histoire de l’humanité.
Les « traites d’exportation » ont occasionné l’établissement de comptoirs et de forts partout où étaient achetés et vendus les esclaves. Des navires allaient et venaient sur les autoroutes des océans à la recherche d’une main d’œuvre à exploiter. Ces négriers partant d’Afrique en direction de l’Europe et des Amériques, étaient la propriété de grandes familles et de Compagnies privées. De nombreuses villes portuaires se sont enrichies grâce à la traite, ce sont les ports négriers. L’historien Léon Vignols qualifie de « négrier » tout port armant pour la traite négrière, sans considération de taille.
Peu de nations, sinon aucune, n’a entièrement refusé la déportation d’esclaves africains entre le VIIe et le XXe siècle. Parmi les principaux ports situés dans la partie nord du continent africain, trois se distinguent comme étant les principaux lieux de départ d’esclaves en direction du Moyen-Orient et de la Méditerranée (Europe).
Ports négriers d’Afrique du nord
- Tunis (Tunisie)
- Tripoli (Libye)
- Le Caire (Egypte)
A partir du Xe siècle, Le Caire devient la plus grande ville de la région et le point de convergence du commerce d’esclave. Se tisse alors un immense réseau de traite où des milliers d’esclaves transitent par les routes transsahariennes.
A la fin du Moyen-âge, le Portugal entre dans la course, le commerce prend une autre ampleur. Puis viennent les Hollandais, les Anglais, les Espagnols et les Français. Au XVIIe siècle, toutes les côtes africaines sont alors assaillies de ports d’embarquement d’où partent les négriers en direction des Caraïbes, des Antilles et des Amériques.
Ports négriers d’Afrique subsaharienne
- Arguin (Mauritanie)
- Lagos, Badagry, Calabar (Nigeria)
- Ouidah, Elmina (Bénin)
- Sao Tomé
- Brazzaville, Loango, Pointe Noire (Congo)
- Unguia (Zanzibar)
- Kormantin (Guinée)
- Côte du Kenya (îles Pate, Lamu et kilwa)
- Bimbia, Limbé (Cameroun)
- Cap Lopez (Gabon)
- Artokor, Prinzenstein (Ghana)
- Cacheu, Bassamar (Guinée-Bissau)
- Luanda (Angola)
- Gorée, Saint-Louis, Casamance (Sénégal)
- Bounce Island (Sierra Leone)
- Mozambique
- Tanzanie
- Ethiopie
- Somalie
- Massaoua (Erythrée)
L’Atlantique devient, au XVIIe siècle, le champ de bataille de la guerre du sucre. Les navires occidentaux se disputent les Caraïbes pour y cultiver la canne à sucre. Durant trois long mois, ce sont jusqu’à 600 esclaves africains qui subissent le trajet entassés à fond de cale dans les négriers partis d’Europe.
Ports négriers d’Europe
- Liverpool, Londres, Bristol, Whitehaven, Glasgow, Dublin, Playmouth (Royaume-Uni)
- Nantes, Bordeaux, La Rochelle, Le Havre, Lorient, Rochefort, Bayonne, Brest, Dunkerque, Saint-Malo, Marseille (France)
- Amsterdam, Rotterdam (Pays-Bas)
- Lisbonne (Portugal)
- Cadix, Grenade (Espagne)
- Venise, Gènes (Italie)
- Danemark
Selon les historiens, entre 6 millions et 50 millions d’Africains furent arrachés de leur terre natale durant ces siècles d’esclavage. Mais comme le disait si bien l’écrivain poète et philosophe martiniquais Edouard Glissant: «l’esclave de l’esclavage est celui qui ne veut pas savoir».
Sources :
https://www.thinglink.com/scene/651720949619490817?buttonSource=viewLimits
DIAKITÉ Tidiane, La traite des Noirs et ses acteurs africains, Paris, Berg international, 2008.
Entretien avec Ibrahima Thioub. Esclavage : https://www.humanite.fr/node/396296
https://www.rts.ch/info/monde/9472947–les-routes-de-l-esclavage-une-histoire-millenaire.html
https://www.nofi.media/2015/05/participation-de-noirs-a-l-esclavage/17572