Esclavage moderne : les Africains cueilleurs de tomates en Italie

Dans le sud de l’Italie, plusieurs milliers de jeunes Africains sont exploités pour la production de tomates par des organisations mafieuses. Cette pratique est considérée par des observateurs comme une forme d’esclavage moderne.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.media

Dans une conférence de l’Union Européenne tenue en septembre 2018 en Autriche à propos de la sécurité et de l’immigration, Matteo Salvini a comparé les migrants africains en Europe à des esclaves. Si ces propos ont été perçus comme une provocation du leader italien d’extrême droite à l’endroit  des Africains, de nombreux migrants Africains dans le sud de l’Italie sont effectivement traités dans des conditions comparables à de l’esclavage.

Les tomates, symboles de la cuisine italienne produites sur l’exploitation d’Africains

La province de Foggia, située dans la région italienne des Pouilles est productrice du tiers des tomates transformées de l’ensemble du pays. A son tour, l’Italie produit 13% des tomates transformées à l’échelle mondiale et 48% à l’échelle continentale, avec un chiffre d’affaire dans ce secteur atteignant les 3,2 milliards d’euros.

Ces dernières années, des efforts ont été mis en place par plusieurs médias pour dénoncer l’envers du décor d’une partie de cette production de tomates.

Dans la province de Foggia, plusieurs milliers migrants, principalement des hommes africains en situation régulière, vivent dans de véritables bidonvilles. Faute de trouver le travail qu’ils sont venus chercher en Italie, ils sont recrutés par des chefs de gangs appelés ‘caporali’. Ceux-ci, qui sont souvent eux-mêmes des migrants, servent d’intermédiaires  avec des agriculteurs italiens à la recherche d’une main d’oeuvre peu coûteuse et les autres migrants cherchant du travail.

Les caporali sont souvent payés  un peu moins de dix euros par les propriétaires de terrains italiens pour leur fournir  une caisse de tomates, alors que les cueilleurs ne se voient rémunérer que de la moitié. A la fin d’une journée de travail sous la chaleur de l’été sud-italien, les cueilleurs sont très loin de recevoir le salaire minimum local de 53 euros pour six heures et demie au maximum par jour. Des revenus dérisoires des travailleurs sont souvent déduits les frais de repas et les transports nécessaires pour pouvoir se constituer une habitation décente. L’absence d’autres perspectives de travail conduit les travailleurs africains à accepter ces offres, principalement durant l’été, malgré les conditions déplorables de travail et de vie auxquelles elles contraignent. La mafia calabraise, N’drangheta, apparaît comme largement liée à cette forme d’exploitation. Certains observateurs ont cru reconnaître sa main dans des accidents de la route en août 2018 qui ont vu la mort de 18 cueilleurs de tomates en l’espace de 48 heures. Ces accidents auraient été volontairement causés pour ne pas avoir à payer les cueilleurs de tomates.

Suite à ces événements, des manifestations de travailleurs africains réclamant de véritables conditions de travail ont jeté une nouvelle lumière sur ce fléau.

Les revenus considérables générés par le secteur des tomates et les bénéfices qu’en touche la mafia jouent manifestement beaucoup, dans le maintien des filières migratoires africaines en Italie. Il s’agit là d’un combat qu’a affirmé vouloir mener Matteo Salvini face à la mafia. En accentuant sa politique contre l’immigration incontrôlée, il espère réduire le nombre de personnes exploitables par la mafia, conduisant à son affaiblissement.

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