La victoire de l’équipe de France de football lors de la coupe du monde 2018 a donné lieu à de nombreux propos soulignant, de manière positive comme négative, les origines africaines de la plupart des Bleus.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.media
De Barack Obama à Nicolas Maduro en passant par un ancien sélectionneur croate et des internautes anonymes à l’insulte décomplexée, nombreux sont ceux à avoir souligné le nombre important de joueurs d’ascendance africaine récente en équipe de France de football.
Le phénomène avait pourtant précédé juillet 2018 et le sacre de l’équipe de France de football lors du mondial russe.
Dans un précédent article datant de janvier 2015, je pointais du doigt le mauvais procès fait à Alain Finkielkraut-au demeurant piètre philosophe et négateur d’un crime contre l’humanité-sur ses propos tenus en 2005 sur l’équipe de France ‘Black-Black-Black, qui fai(sai)t la risée de toute l’Europe’.
Comme je le rappelais à cette occasion, Finkielkraut n’avait à ce propos rien à se reprocher. Il n’avait fait là que décrire une opinion déjà très répandue hors de France, celle qui considère comme anormal le phénotype largement noir de l’équipe nationale d’un pays européen comme la France.
Pour s’en rendre compte, il suffit comme je le disais, de visionner des vidéos vieilles de plusieurs années de joueurs français durant la Marseillaise. Dans une vidéo de 2006, les commentaires sont salés. En voici un échantillon:
On notera, dans ces commentaires faisant suite à un match de Coupe du Monde de 2006, le même contenu que dans ceux qui font polémique en juillet 2018. « C’est l’équipe de l’Afrique, pas de la France », « ce sont des singes », etc.
La différence avec l’équipe de 2018 est que celle de 2006 était davantage composée d’Antillo-Guyanais (Henry, Malouda, Silvestre (ou Abidal), Thuram, Gallas) que de joueurs d’ascendance africaine (Makélélé, Vieira (et Zidane)) plus récente.
On voit donc que la controverse qui a fait suite au sacre de 2018 relève non seulement du problème de l’immigration récente mais aussi de la question ethno-raciale (même si nombre d’observateurs du monde entier ont manifestement du mal à comprendre que les DOM-TOM sont légalement français).
Pour beaucoup d’observateurs, l’Europe, le ‘Vieux Continent’reste un territoire blanc, où la diversité ethnique n’a pas été légitimée par la colonisation et l’esclavage des Noirs , comme ce fut le cas dans le ‘Nouveau Monde’ américain. Lorsque représentée en majorité par des joueurs noirs, même non-issus de l’immigration, une équipe européenne ne passe donc pas auprès de ce public, au demeurant actuellement obnubilé par une peur grandissante d’une invasion migratoire.
Cela dit, ayant régulièrement regardé des résumés de matches du mondial sur la chaîne youtube FIFATV, j’ai remarqué que l’équipe nationale d’Angleterre, pourtant composée d’un nombre de titulaires afro-descendants identique à celui de l’équipe de France avait été bien plus épargnée par les commentaires (modérés au fur et à mesure) du type ‘C’est l’équipe d’Angleterre ou du Nigéria?’.
La raison est probablement que beaucoup de ces joueurs sont métis et ont un parent anglais blanc. Le phénotype de Kieran Trippier, par exemple, bien que clairement métissé, tend vraiment vers l’Européen.
Même lorsque certains de ces joueurs n’ont pas un parent anglais blanc, le phénotype est moins typé africain-et donc moins ‘menaçant’- que celui d’un Pogba, d’un Umtiti, voire d’un Thuram en son temps. Leur nom est anglais, comme ceux d’Ashley Young et de Raheem Sterling, tous d’eux d’ascendance jamaïcaine exclusive.
L’ascendance européenne blanche et le phénotype plus blanc semblent donc apporter une légitimité aux Afro-descendants jouant dans une équipe européenne. Une telle réaction peut être attendue dans un monde où domine encore le droit du sang.
Cela semble confirmé par les nombreux critiques reçues par les joueurs de l’équipe d’Angleterre des moins de 16 ans au phénotype bien plus marqué, accusés d’être l’équipe du Nigéria ou du Sénégal plutôt que celle de l’Angleterre.
Lorsqu’ils ne sont pas passés par la case du métissage, les joueurs afro-descendants sont donc considérés par beaucoup d’observateurs comme des étrangers illégitimes en Europe. Qu’ils soient ou non nés ou aient grandi sur le territoire les différencie peu de migrants ou de joueurs étrangers fraîchement naturalisés.
https://nofi.fr/2018/07/igor-stimac-croatie-vs-france-afrique/56277