Christelle Amoussou et l’industrie du « made in Bénin »

Par Sewa Sourou. Omani est une pâtisserie, chocolaterie et glacier située dans le quartier résidentiel « Les Cocotiers » de Cotonou. Ce qui fait sa touche personnelle, en dehors de ses produits pâtissiers très demandés, c’est la promotion des produits locaux par la fondatrice, Christelle Amoussou. Omani fait partie des rares lieux du pays où il est possible de trouver des produits 100% béninois, de très bonne qualité et bien conditionnés. Entrepreneure depuis 21 ans, la patronne a accordé un entretien à Nofi dans lequel elle revient sur son parcours de chef d’entreprise africaine.

 Que signifie Omani ?

Omani est un sigle pour Omnium Mixte Africain de Négoces et Industries.

Omani s’impose parmi les références en matière de commercialisation des produits « made in Benin». Pourquoi avez-vous choisi de les valoriser ?

Christelle Amoussou: Parce qu’aujourd’hui, on a pris conscience que nos parents et grands-parents consommaient les produits locaux et vivaient mieux et plus longtemps. J’ai constaté que beaucoup d’artisans font des efforts pour affiner leur produit, ils les conditionnent mieux et essayent, tant que faire se peut, de se conformer aux normes internationales.  Je suis impressionnée par l’inventivité des petits producteurs et aussi par les innombrables vertus de nos produits locaux. J’ai pensé que je devais les aider en les faisant profiter du réseau d’Omani.

 Vous êtes une femme entrepreneur depuis 21 ans, racontez-nous votre parcours.

Christelle Amoussou: J’ai étudié l’économie et la comptabilité à l’Université Paris 12. J’ai très tôt eu envie d’entreprendre. Quand je suis rentrée au Benin en 1993, j’ai créé Omani avec mon père  pour faire de l’import export. A la dévaluation, on a dû arrêter parce qu’on a perdu trop d’argent. Et là j’ai dû avouer à mon père que ce qui m’intéressait c’est la pâtisserie et la technique du chocolat. Je suis allée  apprendre à Abidjan Chez Michel Eynard et son fils Daniel. Puis mon  père m’a soutenue financièrement et moralement pour l’installation d’Omani pâtisserie. Apres son décès, j’ai géré la librairie familiale, la librairie Bufalo, tout en gérant Omani. Puis j’ai remis les clés de Bufalo à ma mère pour revenir me consacrer à Omani.

Vous faites la promotion du « made in Bénin », quelle est la part de l’Afrique donc dans votre travail ?

CA: L’Afrique ??? La mère nourricière (rires). Nous, les Africains, sommes bénis mais n’en tenons pas compte. Sur notre continent, on a tout pour être heureux. Un ami me disait dans la semaine qu’un de ses amis allemand lui a dit récemment: « vous les africains, vous êtes bizarres, vous êtes assis sur de l’or et  vous n’en faites rien. Si vous ne savez pas faire, on reviendra vous coloniser mais cette fois on ne fera  pas l’erreur de partir. » ça m’a laissé songeuse. Donc, l’Afrique a une place très importante dans ce que je fais et cela se manifeste  par la promotion des produits béninois par Omani.

Selon vous, que manque-t-il  aux entrepreneurs béninois pour être plus concurrentiels sur le marché international ?

CA: Le courage d’aller jusqu’à la perfection de leur produit. Connaître le cœur de cible de leur clientèle. Souvent, ils produisent et n’ont aucune idée de qui constitue leur vraie clientèle, de ce que celle-ci attend d’un tel produit. La prise en compte de l’environnement, de leur  appartenance à la Terre. Ils n’ont souvent pas la bonne information ou  carrément pas d’information. Ils ont beaucoup de difficultés à conditionner leurs produits car il y a très peu d’industrie d’emballage au Benin. Le coût d’importation est souvent une mobilisation de ressources qu’ils ne peuvent pas se permettre.

 Quelles sont les qualités nécessaires à tout entrepreneur pour se lancer ?

CA: Je ne sais pas si je suis une grande entrepreneure, mais je sais que je mets du cœur dans tout ce que je fais. Je suis rigoureuse au travail. Je puise mon bonheur dans le bonheur de mes clients, dans la satisfaction de mes clients.

 Quelle est votre vision à long terme pour Omani et quels sont vos projets proches pour cette entreprise ?

CA: A long terme, la mise aux normes de tous nos processus de production et franchiser Omani. A court terme, utiliser au maximum les produits locaux dans ma pâtisserie et revisiter mes recettes.

S’il n’y avait pas Omani, quel aurait été votre job de rêve ?

CA: Décoratrice d’intérieure certainement, architecte d’intérieur. J’aime beaucoup rendre beau, améliorer le confort, rendre agréable.

Sur votre parcours, avez vous déjà été déçue au point de tout laisser tomber ?

CA: Quand je gérais la librairie familiale, oui, j ai abattu un travail titanesque mais je n’ai pas été soutenu, alors j’ai tout abandonné.

Quel a été votre plus grand moment de joie dans cette aventure ?

CA: L’ouverture d’Omani pâtisserie.

Que seriez-vous prête à sacrifier pour le Bénin et pour l’Afrique ?

 CA: Je me sacrifie pour l’Afrique tous les jours en prenant soin de mes enfants à travers l’éducation africaine que je leur donne et c’est ce que fait chaque femme africaine fait tous les jours. Les premières personnes à faire des sacrifices pour le continent, c’est nous, les mères.

 

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