Produits au 18ème et au 19ème siècles sur les murs des palais des rois de Dahomey, les bas-reliefs d’Abomey (actuelle République du Bénin) peuvent être considérés comme une forme de bande dessinée africaine très originale.
Les bas-reliefs d’Abomey
Par Sandro CAPO CHICHI de New African Cultures / nofi.media
Pour beaucoup d’entre nous, le terme de ‘bande dessinée’ renvoie à une réalité bien définie. Il désigne des séries de cases remplies de dessins. Chaque dessin remplissant une case représente graphiquement une partie limitée d’un moment. Pourtant, il renvoie à un événement, qui s’il avait été reproduit au cinéma par exemple, aurait été plus complexe. Une case, pour le lecteur, symbolise donc un événement bien plus détaillé. La suite de cet événement est énoncée dans une case une autre case. En outre, la place de ces cases dans l’espace détermine le sens de l’occurrence de ces événements dans le temps, ou du moins, le sens dans lequel le narrateur veut nous transmettre ces événements.
On retrouve ces caractéristiques dans les bas-reliefs de la ville d’Abomey, capitale du royaume de Dahomey, particulièrement ceux qui ornent le palais principal du roi Glélé (1858-1889).
Des séries verticales de trois cases sont alignées latéralement sur les murs de celui-ci. Dans chacune de ces séries verticales de trois cases, celle du milieu symbolise un événement. La case médiane de la série verticale au premier plan ci-dessus représente par exemple l’amazone Tata Adjatchè tuant un ennemi avec sa propre pioche.
Des BD sur les murs dans l’Afrique du 19ème siècle
Une différence majeure semble toutefois apparaître entre le fonctionnement de ce qu’on appelle ‘bandes dessinées’ et les bas-reliefs d’Abomey. Des bulles ou des rectangles remplies de mots accompagnent régulièrement les premières. Les bulles font référence aux paroles des protagonistes. Or, les rectangles donnent des informations supplémentaires sur les conditions de réalisation et la localisation de l’événement représenté.
A première vue, on pourrait penser que les bas-reliefs d’Abomey ne sont que des successions de cases symbolisant des suites temporelles (?) d’événements sans indications complémentaires que peuvent fournir l’écriture qui remplit les bulles et rectangles.
Comment lire et comprendre les bas-reliefs
Il n’en est toutefois rien. En effet, dans les séries verticales de trois bas-reliefs des palais royaux d’Abomey, comme je l’ai dit, les cases médianes symbolisent des événements. Ce n’est pas le cas des cases aux étages inférieur et supérieur.
Les premières sont remplies par un lion ayant toujours la même posture sur les murs du palais. Or, le lion est le symbole du roi Glélé. Il représente le propriétaire du palais et place souvent l’action décrite ci-dessus sous son règne. Sur le palais de Ghézo, dans les séries verticales de trois cases, le lion de Glélé est remplacé par le buffle de son père.
Aussi, le registre supérieur, dans ces séries de trois cases, contient des représentations symbolisant des divinités ou des ancêtres. Ils prennent souvent la forme de récades, des bâtons symbolisant l’autorité royale ou divine. Dans l’exemple du bas-relief représentant l’amazone Tata Adjatchè, l’étage supérieur est une référence au roi Guezo et à sa métaphore de la jarre trouée.
Il s’agit peut-être d’une référence à l’unité du royaume qui a permis l’exploit de Tata Adjatchè ou simplement à la protection de Ghézo.
Une signification complexe
Au-delà de l’événement principal décrit dans la case médiane et qui correspond aux dessins des bandes dessinées, les registres inférieur et supérieur fournissent des informations complémentaires. Ils offrent notamment des repères temporels et les causes ayant permis la réalisation de l’événement. Ces deux registres sont donc comparables, comme les bandes dessinées sont accompagnées de bulles et de rectangles. Leur organisation spatiale indique également l’ordre dans lequel le narrateur souhaite porter les éléments de la bande dessinée et des bas-reliefs à notre connaissance.
On me fera remarquer que les informations accompagnant les dessins des bandes dessinées sont beaucoup plus précises que celles des bas-reliefs. Les bas-reliefs d’Abomey fournissent toutefois une autre de ces nombres sources d’inspiration aux nouvelles générations d’artistes africains, qui en les enrichissant et les peaufinant, pourront donner naissance à de nouvelles cultures africaines qui feront la fierté du continent et du monde entier.
https://nofi.fr/2017/04/divinites-pantheon-yoruba-deviennent-super-heros-de-bande-dessinee/37752