Les dirigeants des banques centrales africaines ont discuté, mardi 29 mai 2018, de la possibilité de détenir le yuan dans leurs réserves de change, soulignant la montée de la devise chinoise comme l’une des principales devises de réserve du monde.
Des responsables gouvernementaux de 14 pays d’Afrique orientale et australe se sont réunis le 29 mai 2018, dans la capitale zimbabwéenne Harare, afin de discuter de la gestion de la réserve souveraine. Le forum est organisé par l’Institut de gestion macroéconomique et financière de l’Afrique orientale et australe (MEFMI), un établissement régional comprenant des membres tels que :
- l’Angola,
- le Kenya,
- la Tanzanie,
- la Zambie,
- la Tanzanie.
En plus d’élaborer des stratégies pour améliorer les positions extérieures affaiblies des pays membres pendant le ralentissement économique mondial, les décideurs débattront également de la façon de suivre les grands changements dans l’économie mondiale, où la Chine est devenue un acteur dominant et perturbateur [1].
Selon la porte-parole du MEFMI, Gladys Siwela-Jadagu :
« La plupart des pays de la région MEFMI ont des prêts ou des subventions de la Chine et il serait économiquement logique de rembourser en renminbi (yuan chinois) . Avec la Chine comme premier partenaire commercial de plus de 130 pays, le principal défi pour les pays africains est de savoir comment tirer parti de la nouvelle structure du commerce international. » [2]
Cette décision souligne la volonté de la Chine d’internationaliser sa monnaie afin de promouvoir le commerce et l’investissement, en plus de renforcer sa puissance douce. Cela est particulièrement vrai à l’époque de Xi Jinping, dont l’autorité élargie [3] et la gouvernance absolue [4] devraient remodeler le rôle diplomatique, militaire et économique de la Chine dans prochaines années. C’est aussi très révélateur de la place de la Chine comme plus grande puissance désireuse de combler un déficit financier.
Pour l’Afrique, l’intérêt actuel pour le yuan c’est l’augmentation des relations sino-africaines, d’autant plus que la Chine propose des prêts, en finançant des projets allant de l’énergie et des transports à l’agriculture, aux télécommunications et aux infrastructures. Alors que la Chine assume de plus grandes responsabilités en tant que puissance mondiale, de nombreux pays africains s’engagent également à rejoindre sa La Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, financée internationalement qui offrent des prêts aux économies émergentes avec moins de conditions [5] ; une action qui pourrait, selon certains, piéger beaucoup de nation africaines endettées [6].
Le contrôle serré de Pékin sur les flux de capitaux et le manque de transparence des politiques monétaires continuent cependant de freiner la confiance des investisseurs dans le yuan [7]. Pourtant, cela n’a pas empêché le Fonds monétaire international d’ajouter le renminbi à la liste du panier des droits de tirage spéciaux, un actif de réserve global alternatif au dollar [8].
Cela a poussé les banques à remplacer les réserves en dollars par le yuan, y compris la Banque centrale européenne qui a converti 500 millions d’euros de ses réserves en dollars américains dans la monnaie chinoise l’année dernière [9]. En mars, le Nigeria a également signé un échange de devises d’une valeur de 2,4 milliards de dollars avec la Chine, permettant aux entreprises d’éviter la difficulté de négocier des dollars en faisant des affaires en Chine et vice-versa [10].
https://nofi.fr/2018/01/chinafrique-francafrique-2-0/46852
Notes et références
[1] « Chine. L’offensive internationale du yuan« , humanite.fr , publié le 30 mai 2018
[2] « African finance leaders to debate China’s yuan as a reserve currency « , reuters.com, publié le 29 mai 2018
[3] « Le rêve africain de Xi Jinping« , lemonde.fr, publié le 27 avril 2015
[4] « China is getting more aggressive in dismissing US comments about its influence in Africa« , qz.com, publié le 29 mars 2018
[5] « Le Kenya rejoint la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures« , agenceecofin.com, publié le 4 mai 2018
[6] « Herman Cohen: «Les Chinois plongent les Africains dans la dette»« , rfi.fr, 19 mars 2018
[7] « China’s transparency challenges« , brookings.edu, publié le 8 mars 2016
[8] « Chinese Renminbi to be Identified in the IMF’s Currency Composition of Foreign Exchange Reserves« , imf.org, publié le 4 mars 2016
[9] « Pour la première fois, la BCE échange des dollars contre des yuans« , latribune.fr, publié le 13 juin 2017
[10] « Le Nigeria et la Chine concluent un accord « Swap » de 2,4 milliards de dollars« , latribune.fr, publié le 3 mai 2018