Des migrants subsahariens ont affirmé avoir été torturés et vendus comme esclaves en Algérie, la plupart dans la ville de Tamanrasset, d’après nos confrères de Reuters.
Bras de fer entre l’ONU et l’Algérie
Depuis plusieurs jours, un bras de fer se joue entre l’ONU et Alger à propos du sort que réserve le pays aux migrants subsahariens. L’ONU a sévèrement critiqué l’Algérie mardi 23 mai appelant le pays à cesser les expulsions “arbitraires” des ressortissants subsahariens en soulignant qu’elles sont contraires aux conventions internationales.
“Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a appelé, ce mardi à Genève, l’Algérie à cesser les expulsions collectives de migrants, notamment originaires d’Afrique subsaharienne”, a rapporté l’organe de communication de l’ONU. Des ONG ont également dénoncé les “expulsions massives de migrants”.
“Alors que les chiffres exacts sont difficiles à obtenir, le nombre de personnes expulsées est estimé à plusieurs milliers”, a indiqué Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissariat lors d’un point de presse à Genève.
Les experts du Haut-Commissariat, envoyés à Agadez, Niamey et Arlit au Niger, ont interrogé 25 migrants expulsés de l’Algérie ces derniers mois.
“Il ressort de ces témoignages que les autorités algériennes organisent fréquemment des rafles massives de migrants subsahariens dans diverses localités du pays”, a-t-on ajouté. De nombreux migrants sont détenus dans des conditions “inhumaines et dégradantes”, selon le bureau des droits de l’homme de l’ONU.
Face aux critiques des associations, Alger parle de « campagne malveillante » et dénonce des propos « inacceptables » fondées sur de « simples allégations parcellaires approximatives et non vérifiées ». « Les centres d’accueil sont spécialement aménagés à cet effet », précise le communiqué et le transport jusqu’à Tamanrasset est assuré par « des autobus dotés de conditions optimales de confort ».
Le communiqué rétorque également que la priorité de la communauté internationale devrait être de lutter contre les causes profondes qui poussent les migrants à quitter leurs pays.
Expulsions massives de migrants subsahariens
Les nombreux communiqués sur la page Facebook de l’Organisation internationale pour les migration au Niger (OIM Niger) révèlent l’ampleur de la crise migratoire. Depuis le début de l’année 2018, l’organisation a mené 18 opérations de sauvetage dans le désert nigérien, à la frontière algérienne. Des vagues de migrants refoulés d’Algérie prenaient la route du désert dans l’espoir de rejoindre la Libye puis l’Europe. Ils sont rapatriés au centre de transit d’Agadez où des ONG les prennent en charge car beaucoup sont malades et déshydratés.
Ci-dessous, le communiqué d’une opération menée le 15 mai 2018.
Quelques jours plus tard, 2 hommes sont morts de soif dans le désert et 80 autres ont été sauvés par l’OIM.
En avril dernier, Issoufou Boubacar ABDOURAHMANE, assistant du Secrétaire Permanent du Dispositif National de Prévention, de Gestion des Catastrophes et crises Alimentaires de la région d’Agadez explique au micro du journal « La Nation » :
‘’On a enregistré (…) de nombreux malades, à cause certainement des conditions du voyage et de l’état de la route. Certains dans une situation très critique ont été vite pris en charge par le district sanitaire d’Agadez avec l’appui de l’ONG Médecins Du Monde (…) Aux urgences, nous avons enregistré trois personnes dont deux femmes et un homme(…) Une autre grande particularité de cette vague des migrants refoulés d’Algérie que nous avons accueillis ici à Agadez, elle compte un bébé de moins d’un mois qui a perdu sa maman à partir de l’Algérie mais qui été accompagné par la grande sœur de sa maman(…) D’autres vagues vont encore suivre mais nous espérons qu’il n’y aura pas des malades même si aujourd’hui au niveau du Dispositif National de Prévention, de Gestion des Catastrophes et Crises Alimentaires de la région d’Agadez nous avons l’habitude de gérer ces refoulés qui arrivent par centaine ».
Des témoignages parlant d’esclavage
Mercredi 30 mai 2018, nos confrères de Reuters ont dévoilé des témoignages de migrants subsahariens qui affirmaient avoir été torturés et vendus comme esclaves par des « passeurs » qui étaient le plus souvent de leur propre nationalité, dans la ville de Tamanrasset, en Algérie.
Reuters cite, en plus de témoignages rassemblés par l’agence à Agadez au Niger, une enquête de l’Organisation internationale pour les migrations (IOM), qui a questionné des milliers de migrants après qu’ils ont quitté l’Algérie.
Des “dizaines de témoignages”, selon l’agence de presse britannique, ont fait état des détails de travail forcé et d’esclavagisme imposés à des migrants de différentes nationalités subsahariennes. Les ONG craignent que cette vague de migration vers l’Europe ne soit utilisée pour des rapts et une traite humaine.
“La première fois, ils m’ont vendu pour 100 000 francs CFA (170 dollars)”, a déclaré à Reuters Ousmane Bah, un ouvrier guinéen de 21 ans qui a affirmé avoir été vendu deux fois en Algérie par des ravisseurs non identifiés. Un migrant togolais a indiqué pour sa part avoir été torturé dans la ferme à moutons où il avait été forcé de travailler.
Selon Abdoulaye Maizoumbou, membre d’une organisation caritative à Agadez au Niger, interrogé par l’agence de presse, une vingtaine des 30 migrants renvoyés de l’Algérie qu’il a rencontrés ont également affirmé avoir été esclaves. La plupart ont indiqué avoir été vendus à Tamanrasset, une ville à l’extrême sud de l’Algérie, dans la chaîne montagneuse du Hoggar.
Reuters note par ailleurs que l’esclavage des migrants ne peut pas être aussi répandu qu’en Libye, “l’Algérie ayant un système de justice qui fonctionne et une police forte”. Mais pour Bachir Amma, un ancien passeur nigérian, également interrogé par l’agence, ce qui se passe en Algérie dépasse ce qui se passe en Libye.
“Les ONGs ne le savent pas car elles focalisent uniquement sur la Libye”.
https://nofi.fr/2018/03/conference-afrique-ue-sur-limmigration-clandestine-et-le-trafic-humain/49891
Sources: