Le scandale de la « génération Windrush » a fait grand bruit au Royaume-Uni. Les enfants d’immigrés Caribéens venus il y a plusieurs dizaines d’années, sont aujourd’hui menacés d’expulsion. Une affaire qui prouve douloureusement pour certains, qu’il ne suffit pas de vivre au Royaume-Uni depuis plus de 40 ans pour être considéré comme Britannique.
Les Britanniques découvrent la manière indigne dont les travailleurs Caribéens du Commonwealth ont été traités. Encouragés à venir en Grande-Bretagne après la Seconde Guerre mondiale pour pallier la pénurie de main-d’œuvre et reconstruire le pays, ils sont maintenant contraints de prouver leur légitimité d’être sur le sol qu’ils ont aidé à reconstruire, sous peine d’expulsion.
L’arrivée de la « Génération Windrush »
Après la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), le Royaume-Uni, bien que sorti vainqueur, se retrouve dévasté. Il faut reconstruire le pays et pour cela, une main d’œuvre jeune et solide est indispensable. Les anciennes colonies britanniques, regroupées dans le Commonwealth, sont appelées à venir en renfort, en particulier la Jamaïque.
En juin 1948, ce sont 492 Jamaïcains qui accostent à Tilbury, près de Londres, à bord de l’Empire Windrush, un paquebot britannique. Ces immigrés jamaïcains, et ceux qui suivront porteront par la suite le nom de « génération Windrush », du nom de ce bateau qui les amena. Ce sont pour la plupart d’anciens combattants. Le Royaume-Uni en ruine, a besoin d’infirmiers, de cheminots, d’ouvriers…et accueille à bras ouverts ces immigrés en quête d’une nouvelle vie. Le pays leur donne le droit de s’installer, mais sans fournir de papiers officiels. De nombreux enfants viendront avec leur oncle ou leur tante, profitant d’une politique favorable à l’immigration.
Entre 1948 et 1973, 550 000 Caribéens issus du Commonwealth ont débarqué au Royaume-Uni.
Une politique « hostile à l’immigration »
Aujourd’hui, 70 ans après l’arrivée des premiers immigrés qui ont fait leur vie au Royaume-Uni, le gouvernement leur demande la preuve qu’ils sont en règle. Plusieurs dizaines de Caribéens, n’ayant pas réclamé leurs papiers à l’époque, sont maintenant menacés d’expulsion.
En 2012, Theresa May, alors Ministre de l’Intérieur, met en place une politique d’immigration drastique. Son gouvernement conservateur s’adonne a une véritable chasse aux étrangers avec des contrôles permanents, dans une campagne assumée promouvant un « environnement hostile à l’immigration illégale ». Propriétaires, employeurs, médecins, sont encouragés à la délation par le contrôle systématique de la régularité de leurs locataires, salariés, patients…
Pis encore, la Ministre finance la mise en place de camions publicitaires d’une rare violence (photos ci-dessous) sur lesquels est inscrit le slogan suivant:
« Illégalement au Royaume-Uni? Rentrez chez vous ou risquez l’arrestation »
Cette campagne a suscité l’indignation de l’opinion publique britannique qui a réagi en masse sur les réseaux sociaux, dénonçant un racisme d’Etat. Les photos ont été détournées de manière satirique et le hastag « #racistVan » s’est répandu sur la toile.
Quelles conséquences pour les immigrés?
En ce moment au Royaume-Uni, les conséquences de la politique menée dans les années 1950 et la gestion actuelle posent de réelles questions sociétales. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le racisme latent du pays. Comment sont effectués les contrôles, sur quels critères? Comment reconnaître un Britannique, d’un immigré…si ce n’est par sa couleur?
En 2010, les dernières preuves incontestables de la légalité de « la génération Windrush » ont été détruits: les tickets de débarquement furent intégralement détruits par les autorités. Depuis lors, de nombreux Caribéens ont été expulsés, ne pouvant prouver la régularité de leur situation.
Pour l’heure, 60 000 personnes risquent l’expulsion. Ils sont des dizaines à témoigner d’un harcèlement psychologique: perte de travail, de logement, refus de soins médicaux…cela, parce qu’ils n’ont pas les papiers démontrant leur légalité sur le sol britannique.
David Lammy, politicien britannique membre du Labour, parlementaire pour Tottenham depuis 2000 et ancien ministre, s’est exprimé, non sans émotion sur ce scandale:
En avril dernier, Theresa May, Premier Ministre britannique, a refusé de recevoir la délégation des 12 Ambassadeurs des Etats du Commonwealth qui réclamaient justice. Elle a par la suite présenter publiquement ses excuses. De son côté, la Ministre de l’Intérieur Amber Rudd, a succombé à la pression de l’opposition politique en démissionnant le 29 avril 2018.
Le Home Office britannique a fini par annoncer que « les membres de la génération Windrush arrivés au Royaume-Uni avant 1973 seront éligibles à la libre citoyenneté. »
https://nofi.fr/2018/03/lafrique-caraibes-anglophones-commonwealth/50514
Sources: