La loi du 20 mai 1802, ou quand Bonaparte rétablissait l’esclavage dans les colonies

En 1802, Napoléon restaurait la condition servile des Noirs dans les colonies en rétablissant l’esclavage.

« Je suis pour les blancs, parce que je suis blanc ; je n’en ai pas d’autre raison, et celle-ci est la bonne » [1]

La loi française du 20 mai 1802 (30 floréal de l’an X, selon le calendrier révolutionnaire) fut votée dans le but d’abroger la loi du 4 février 1794 (16 pluviôse) qui avait aboli l’esclavage dans toutes les colonies françaises :

La Convention nationale déclare abolir l’esclavage dans toutes les colonies ; en conséquence, elle décrète que tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français, et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution.[2]

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Dans les faits, la première abolition, qui aurait du être l’un des plus grand acquis de la Révolution française, ne fut suivi que de très peu d’effets. A l’île de La Réunion par exemple, les colons refusèrent l’application de la loi du 4 février 1794. Il en fut de même à la Martinique, ou le gouvernement colonial refusa de la ratifier en raison d’une insurrection royaliste, représentée par le planteur Louis-François Dubuc, préférant signer le traité de Whitehall à l’Angleterre [3]. Le 6 février 1794, les Anglais commencent leur conquête militaire de la Martinique. Celle-ci s’achèvera le 21 mars 1794, l’abolition de l’esclavage ne sera donc pas effective sur l’île.

La Paix d’Amiens par Jules-Claude Ziegler (1853).

La loi du 20 mai 1802 concernait explicitement les territoires qui n’avaient pas appliqué la loi de 1794 et était liée au traité d’Amiens de 1802 qui rétablissait la Martinique à la France [4]. La loi de 1802 ne s’appliquait donc pas à la Guadeloupe et à la Guyane. La position de Napoléon était plus caractérisée par le pragmatisme que par n’importe quelle inclination «idéologique». La loi n’a eu que peu d’effet à Saint-Domingue, sauf pour ré-enflammer la rébellion et accélérer sa marche vers l’indépendance en 1804. Le 24 juillet 1802, le général Leclerc (commandant de l’expédition de Saint-Domingue) écrit à l’amiral Denis Decrès pour l’inviter à renoncer à restaurer l’esclavage à Saint-Domingue.

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Insurgés face à la Légion polonaise durant la bataille de Saint-Domingue.

L’intervention de Joséphine de Beauharnais en faveur du rétablissement de l’esclavage est probablement un mythe, puisqu’il n’y a aucune preuve, elle a eu peu d’influence politique sur Napoléon et son parti pris pro-esclavagiste n’a pas été clairement démontré. Le maintien et la réimposition de l’esclavage étaient beaucoup plus influencés par la Grande-Bretagne et ses alliés.

Nofi vous propose la retranscription de la Loi du 30 floréal an X (20 mai 1802) relative à la traite des Noirs et au régime des colonies :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS, BONAPARTE, premier Consul, PROCLAME loi de la République le décret suivant, rendu par le Corps législatif le 30 floréal an X, conformément à la proposition faite par le gouvernement le 27 dudit mois, communiquée au Tribunat le même jour.
DÉCRET.

ART. Ier Dans les colonies restituées à la France en exécution du traité d’Amiens, du 6 germinal an X, l’esclavage sera maintenu conformément aux lois et règlements antérieurs à 1789.

II. Il en sera de même dans les autres colonies françaises au-delà du cap de Bonne-Espérance.

III. La traite des noirs et leur importation dans les dites colonies, auront lieu, conformément aux lois et règlements existants avant ladite époque de 1789.

IV. Nonobstant toutes lois antérieures, le régime des colonies est soumis, pendant dix ans, aux règlements qui seront  faits par le Gouvernement.

Collationné à l’original, par nous président et secrétaires du Corps législatif. A Paris, le 30 Floréal, an X de la République française. Signé Rabaut le jeune, président ; Thiry, Bergier, Tupinier, Rigal, secrétaires.

SOIT la présente loi revêtue du sceau de l’Etat, insérée au Bulletin des lois, inscrite dans les registres des autorités judiciaires et administratives, et le ministre de la justice chargé d’en surveiller la publication. A Paris, le 10 Prairial, an X de la République.

Signé BONAPARTE, premier Consul. Contre-signé, le secrétaire d’état, Hugues B. Maret. Et scellé du sceau de l’Etat.

Vu, le ministre de la justice, signé Abrial.

Vu par le Ministre de la Marine et des Colonies, pour être exécutoire dans les colonies.

Loi sur la traite des Noirs et le régime des colonies, 30 floréal an X 1802.

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Notes et références

[1] Napoléon Bonaparte, « Mémoires sur le Consulat, 1799 à 1804 , par un ancien conseiller d’État« , (propos tenus par le Premier Consul Bonaparte au Conseil d’Etat en 1802)

[2] Décret n° 2262 de la Convention nationale, du 16 pluviose, an II de la République française, une et indivisible qui abolit l’esclavage des Nègres dans les colonies

[3] Le Traité de Whitehall, signé le  entre les Britanniques et les colons de Saint-Domingue, la Martinique et la Guadeloupe, permet aux colons français de combattre les troupes révolutionnaires et l’émancipation des noirs, et aux Britanniques de récupérer la lucrative fiscalité sur les plantations françaises de canne à sucre.

[4] Le Traité d’Amiens, est le nom donné à la période de paix qui s’amorce avec le traité d’Amiens signé le 25 mars 1802 entre le Royaume-Uni, d’une part, et la France, l’Espagne et la République batave, d’autre part. La paix d’Amiens ne dure pas treize mois et prend fin le 18 mai 1803. C’est la seule période de paix en Europe depuis l’ouverture des hostilités entre la France et le Saint-Empire au printemps 1792 jusqu’à la première abdication de Napoléon en 1814.

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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