Ce 23 mai 2018, les marcheurs vinrent par milliers pour honorer la mémoire des victimes de l’esclavage colonial. Cette manifestation anniversaire fut à la fois la concrétisation d’un projet mémoriel d’envergure mais aussi, l’occasion du passage de témoin entre les initiateurs de ce combat et les générations futures.
20 ans après la marche historique du 23 mai 1998, les citoyens français étaient nombreux à faire le déplacement pour commémorer cette mobilisation, à l’époque spontanée, qui découla sur une politique de la mémoire de l’esclavage inédite. Personnalités politiques et médiatiques; acteurs et actrices; collectifs; artistes; présidents d’associations; partisans…Tous engagés pour rendre hommages à ces ancêtres victimes de l’esclavage colonial; aïeux pour certains; parents perdus lors de la déportation pour d’autres. Massés place du Louvre, à Paris, ils attendaient que le cortège se forme afin d’entamer la marche, cette action symbolique et circulaire qui était l’occasion d’un bilan: désormais, depuis 20 ans, les descendants d’esclaves savent qu’ils n’ont pas à rougir de leur ascendance et que cette sombre partie de l’Histoire fut un pan essentiel de leu construction. Cependant quel constat peut-on en faire aujourd’hui ?
C’est en réponse à cette interrogation que ce 23 mai était également placé sous le signe la lutte contre le racisme, conséquence désastreuse de cet esclavage. Ils n’étaient cette fois pas seulement question que les afro-caribéens occupent l’espace publique mais qu’ils soient rejoints dans leur combats par tous leurs concitoyens, considérant indéniablement l’esclavage comme crime contre l’humanité et conscients que l’idéal de cohésion nationale ne saurait exister sans que les descendants des victimes et les descendants des bourreaux, ainsi que tous les autres, ne décident de lui faire face ensemble. Pour cette marche de retrouvailles donc, on a pu noter la présence d’élus blancs, de békés, de présidents d’associations juives et arméniennes venus exprimer leur solidarité en se tenant à leurs côtés, jusqu’à la place de la République.
Passage de témoin
La politique mémorielle en France a fait du chemin depuis ce fameux samedi 23 mai 1998. En ont découlé, notamment, la formation du CM98; la construction d’archives patronymiques (anchoukaj); l’entérinement du 23 mai comme journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage depuis 2017 et surtout, l’érection d’un mur des noms, au Jardin des Tuileries. Un projet important que le CM98 défend depuis quelques années et qui sera co-financé par la Fondation que dirige Serge Romana. Le président Emmanuel Macron s’est engagé à ce que devienne concrète cette initiative et c’est une autre victoire dont les militants de la première heure peuvent se féliciter: enfin, l’existence de ces personnes -autrefois biens-meubles- que les bénévoles ont retrouvé sera saluée car gravée dans la pierre en plein coeur de la capitale de l’ancien Empire.
Néanmoins, cette avancée ne constitue pas l’aboutissement de la lutte, et les personnalités présentes, dont l’actuel président du CM98, Emmanuel Gordien, tenaient à le souligner. Mais s’ils ont donné tout d’eux-mêmes pour en arriver là, ils comptent sur les générations futures, celles qu’ils ont enfantées, celles à venir. Le désir étant qu’elles prennent enfin conscience de leur citoyenneté, de leur humanité et se sentent enfin libres et légitimes dans leur pays. C’est la raison pour laquelle dénoncer les racismes, ce racisme colonial, était un axe important de la mobilisation de ce jour.
Ainsi, 20 ans plus tard, ce 23 mai 2018, cette marche tout aussi historique, fut l’occasion pour les anciens de passer le flambeau.