Réginal Théodore Bien-Aimé est un jeune étudiant haïtien qui souhaite poursuivre ses études secondaires en France. En Guadeloupe précisément. Remplissant pourtant les conditions pour l’obtention de son visa, le document lui a été trois fois refusé au prétexte d’intentions malveillantes qui lui sont prêtées. Afin de protester contre cette décision, lui et ses soutiens lancent la campagne « Like 4 justice ».
Désireux de poursuivre ses études en France pour contribuer au développement d’Haïti, Réginal Théodore Bien-Aimé se voit empêcher par les autorités françaises de poursuivre son projet professionnel. S’acquittant pourtant des démarches administratives nécessaires, seuls des refus lui sont opposés. Pour des raisons géographiques, Théodore a formulé une demande de visa long séjour le 1er juin 2017, avec la volonté de suivre un cursus en Sciences de la Santé, à l’université de la Guadeloupe pour la rentrée de septembre de la même année. La Guadeloupe se situant à moins de de 2h d’Haïti par avion. Alors que la première année scolaire tire sur sa fin, le jeune étudiant est toujours bloqué à Haïti. Si les recours s’enchaînent, le consulat reste opposé à sa venue sur le sol français. Un dossier complexe.
Le parcours du combattant d’un jeune haïtien qui rêve d’entreprendre
Réginal Théodore Bien-Aimé a un projet pour sa terre natale. En effet, conscient des difficultés économiques que traverse Haïti, renforcées par les catastrophes naturelles, Bien-Aimé, qui aura bientôt 25 ans, a le fervent désir d’apporter sa contribution à l’amélioration « des conditions de vie de plus de 5 millions d’haïtiens ». Son choix se porte donc sur le secteur de l’agro-alimentaire. Pour lutter contre la malnutrition et l’insécurité alimentaire, qui menacent des millions de ses compatriotes, il souhaite créer des emplois dans ce domaine. Pour ce faire, il doit se former et obtenir les diplômes nécessaires à l’élaboration d’un tel projet. Aussi, après un bac de série C (scientifique), il commence par intégrer l’Ecole supérieure de chimie d’Haïti, Chemtek, en 2013, pour y suivre un DUT de trois ans. Toutefois, selon lui, l’irrégularité des cours l’oblige à compléter son cursus par des cours complémentaires à l’Université de Quesquya. Un rythme qui ne lui permet pas d’étudier dans les meilleures conditions et donc pas, non, plus d’obtenir son diplôme.
D’autant qu’à cette époque, il doit en plus assumer un petit boulot. C’est ainsi que, malgré ses excellents résultats (80,83/100 pour la première année; 74/100 la seconde année); il quitte la structure en cours de dernière année. Faisant le point sur sa situation, il décide de chercher ailleurs les établissements capables de lui offrir la formation de son choix. Afin d’anticiper la période des rentrées scolaires, il dépose sa première demande de visa de long séjour pour études en juillet 2016, auprès du consulat de France à Haïti, afin d’intégrer une seconde professionnelle, spécialité « systèmes électriques et numériques » au lycée Blanchet de la Guadeloupe. Sa démarche est sanctionnée par un refus. L’étudiant tente à nouveau sa chance et dépose une deuxième demande du même visa, pour intégrer la même filière avec une spécialité différente: « Froid et climatisation ». Un changement d’orientation que les institutions compétentes perçoivent de façon douteuse et qui donne lieu à sa situation actuelle.
Un projet d’études jugé « insuffisamment sérieux »
Obtenir un visa d’étudiant pour la France lorsqu’on est étranger est un parcours du combattant. Ainsi, les motivations des candidats qui les formulent peuvent être incomprises ou mal interprétées par les services de l’immigration. C’est le cas de Réginal Théodore Bien-Aimé. En effet, son interruption volontaire de cursus à Chemtek, dont lesdites irrégularités n’ont pas été confirmées par l’établissement, ainsi que les changements de demandes de filières par lesquelles monsieur Bien-Aimé souhaitait anticiper son arrivée prochaine, apparaissent aux commissions comme « un risque de détournement de l’objet du visa à des fins migratoires ».C’est à ce motif que les autorités lui refusent le document. L’intéressé fait usage de son droit de recours et dépose une requête avec son avocat le 23 novembre 2017, auprès de la Commission de recours contre les décisions de refus de visas d’entrée en France (CRRV) . Cette requête est elle aussi rejetée, par le ministère de l’intérieur, pour les mêmes motifs. Le contexte actuel de psychose autour de l’immigration non-contrôlée sur le territoire français pèse évidemment dans le traitement de ce dossier et des autres, qui sont systématiquement rejetés.
En effet, c’est avec une profonde déception que je vous adresse cette correspondance au regard de l’importance que constitue l’obtention dudit visa vis-à-vis de mes plans de carrière professionnelle. Lettre adressée à la CRRV le 25 août 2017.
Depuis sa seconde demande, le jeune Théodore peut pourtant justifier de l’appui d’un mécène solide, qui s’est porté garant pour lui, monsieur Thierry Larrous. L’homme, qui dispose de moyens financiers confortables, se consacre à l’accompagnement de jeunes talentueux depuis plusieurs années. Il a ainsi hébergé et favorisé l’insertion professionnelle de plus de 30 jeunes originaires d’Afrique, d’Haïti et en Guadeloupe principalement, leur mettant à disposition un cadre optimale pour la poursuite de leurs études. Pourtant, la fiabilité de ses intentions dans le dossier Reginal Théodore Bien-Aimé est contestée. Il s’en était d’ailleurs expliqué dans une l’émission Forum Liberal, diffusée sur la chaîne Canal 10 le 7 avril 2018. Les institutions se renvoient la balle, affirmant que la formation sollicitée par le jeune homme est disponible dans son pays d’origine et qu’il n’y a donc pas de raison valable à son arrivée sur le territoire. Une situation qui lui offre peu de perspectives quant à ses projets. Mais contre cela, il a décidé de se battre.
La campagne « Like 4 justice »
Maître Nicolas Faye, le défenseur de Théodore, poursuit la bataille par mémoires interposés avec le ministère de l’Intérieur. Le trio qu’il forme désormais avec Thierry Larrous et Réginal Théodore Bien-Aimé ne compte pas en rester là. Selon eux, ce refus est illégal. Théodore s’interroge également sur la justice lorsqu’un étudiant comme lui se voit empêcher de poursuivre ses études hors de ses terres natales, sur cette terre d’immigration qu’est la France, pays dit des Droits de l’Homme. Ainsi, ils lancent la campagne digitale « Like 4 justice », afin d’interpeller les internautes sur le cas de cet étudiant depuis déscolarisé et dans l’espoir de faire avancer l’affaire auprès de la commission d’attribution des visas. Chaque ‘like » représente un soutien. Le protagoniste a d’ailleurs enregistré une vidéo pour exposer son projet d’étude et la nécessité pour lui d’aller au bout de sa formation. L’histoire de Théodore est celle d’un citoyen haïtien qui refuse de rester immobile face aux dysfonctionnements de son pays et souhaite donc mettre sa matière grise au service d’un développement sur le long terme. Il conclut d’ailleurs sa vidéo sur la phrase suivante: « Ayiti, nen pòt kijan sa ye, se pitit ou ki gen pou leve tèt ou ! », en français: « Haïti, d’une façon ou d’une autre, tes enfants te relèveront. » Entravé par la lourdeur de la machine administrative et les considérations politiques, il est pour l’instant dans l’impasse. Suivez l’évolution du dossier sur la page Facebook Like4Justice.