Bordeaux, deuxième port négrier de France au 18e siècle, a choisi de révéler son passé colonial au grand jour en consacrant 2 expositions permanentes à l’esclavage et la traite au Musée d’Aquitaine.
Bordeaux veut assumer son devoir de mémoire
Classé n°1 des destinations touristiques françaises les plus attractives en 2016, récompensé du prix de l’Europe, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, reconnu mondialement pour son vin…Bordeaux est une ville à l’architecture de pierres qui fait la beauté de ses rues. Beauté malgré tout teintée de côtés sombres, car elle doit pour une grande part son essor à son passé négrier.
La ville a été le deuxième port négrier de France après Nantes, au XVIIIe siècle. La traite négrière à Bordeaux, qui est à l’origine de 508 expéditions et de la déportation de plus de 130 000 esclaves noirs, se dévoile au grand jour grâce à un important devoir de mémoire.
Longtemps ignoré, ce passé s’est traduit depuis une dizaine d’années par plusieurs avancées, grâce notamment à l’appui des associations bordelaises: l’installation du buste de Toussaint Louverture au parc des Angéliques en 2005, la pose d’une plaque commémorative sur les quais en 2006 et l’ouverture de salles permanentes dédiées à l’esclavage et à la traite au Musée d’Aquitaine en 2009.
Bordeaux au XVIIe siècle, le commerce atlantique et l’esclavage
Au mois de mai 2009, le musée d’Aquitaine a rénové ses salles permanentes consacrées au XVIIIe siècle en accordant une place importante à la traite des Noirs et à l’esclavage et au rôle important de la ville de Bordeaux dans ce trafic. Le premier parcours du Musée, intitulé « Bordeaux au XVIIe siècle, le commerce atlantique et l’esclavage » se compose de 4 espaces distincts.
- Le premier espace témoigne des transformations urbaines et architecturales de la ville à l’époque du royaume de France. Celles-ci, encore visibles de nos jours et faisant la réputation de la ville, questionnent le visiteur sur les raisons de cette prospérité.
- Le second espace est dédié aux modes et enjeux du commerce maritimes bordelais. Une collection d’objets de navigation et de maquettes de vaisseaux illustrent le commerce triangulaire. Avec 508 expéditions recensées et la déportation de 120 000 à 150 000 personnes, Bordeaux devient à la fin du siècle le second port négrier de France. Un livre interactif permet au visiteur d’appréhender à travers les sources d’archives l’ensemble des informations relatives à ces expéditions. Cet espace montre également les conditions dramatiques des déportés, les guerres coloniales ainsi que les modalités du négoce auprès des marchants africains afin de « rompre de nombreux préjugés ».
- Le troisième espace se consacre à l’organisation du système esclavagiste dans les « îles à sucre », en particulier à Saint-Domingue (actuelle Haïti). La « Perle des Antilles », comme nommée à l’époque, est le premier producteur mondial de sucre dont Bordeaux tire économiquement son développement. Aussi, le visiteur découvre que la majorité des Blancs qui contrôlaient les plantations à Saint-Domingue était originaire d’Aquitaine. L’on peut également assister à de courts documentaires retraçant les conditions de vie dans les plantations, la vente des esclaves, les sévices corporels, le marronnage…
- Enfin, la visite s’achève sur les conséquences de l’esclavage et de la traite. Il présente les révoltes des esclaves et les combats pour l’abolition qui ont menés à la fin de ce trafic. Cet espace aborde aussi les questions de métissage à travers les héritages politiques et culturels (littératures, musiques…). Pour clore la première partie, le Musée a érigé un mur d’images représentant les portraits de Bordelais d’origine africaine et antillaise qui participent à la vie sociale, économique, associative et politique de la ville, symbolise le chemin parcouru.
Bordeaux port(e) du monde: 1800-1939
La deuxième exposition intitulée « Bordeaux port(e) du monde: 1800-1939 » se compose également de 4 espaces, ouverts en 2014, retraçant le passé de la ville durant l’entre-deux-guerre. Avec une muséographie enrichie de vidéos et d’ambiances sonores, elle nous relate les relations entre Bordeaux et les colonies d’outremers.
- Le premier espace est une transition entre les 2 expositions. La salle est dédiée à la Révolution française et à ses conséquences sur la ville
- Vient ensuite la transformation et le développement du port bordelais. Malgré la perte de Saint-Domingue, devenue la République d’Haïti en 1804, le trafic des marchandises est en plein essor. Bordeaux devient 3ème leader mondial de clippers (bateaux à voiles) et entreprend une politique de grands travaux (pont, hangars, bassin à flots…)
- Le troisième espace est dédié au commerce avec les colonies. Le sucre pour les Antilles, le Sénégal, la Gambie et la Casamance pour l’arachide, le rhum et le sucre pour La Réunion…toutes ces activités participent à la fortune et la prospérité de Bordeaux.
- Le dernier espace confirme le tout. L’expansion de la ville engendre des travaux d’urbanisme importants. Celle-ci, du au développement de l’artisanat et des industries alimentaires, est possible grâce à l’importation de produits coloniaux.
La fin de la visite de cette deuxième exposition se consacre aux images des guerres mondiales. Une prochaine exposition sur les évènements du XXe et XXI siècle est en cours de rénovation.