Bokilifu Boni, chef de guérilla des Nègres Marrons du Suriname

Connaissez-vous Bokilifu Boni, fondateur de la fière ethnie des Aluku ou Boni de Guyane ?

Bokilifu Boni, chef de guérilla des Nègres Marrons du Suriname

Boni était le fils d’un Hollandais et de sa maîtresse, une africaine réduite en esclavage, répudiée par la suite. Alors qu’elle était enceinte, elle s’est enfuit dans la forêt tropicale surinamaise, vers les Cottica-Maroons [1]. C’est dans ce village de Nègres Marrons que le dénommé Boni verra le jour, aux alentour de 1730. 35 ans plus tard, Boni succéda à Asikan Sylvester [2] et devint le chef de la communauté marronne, qui allait être connus sous son nom : « Boni« , et les organisa afin qu’ils deviennent le pire cauchemar des esclavagistes hollandais et français.

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Dessin du village « Bushinengue » de Lantiwei, sur la rivière Cottica (Suriname). © Rijksdienst voor het Cultureel Erfgoed

Dès lors, les fiers Boni menèrent de nombreux raids contre des plantations situées dans l’est du Suriname, en particulier le long de la Kotika-liba (rivière Cottica en Sranan Tongo). Beaucoup d’esclaves  en fuite vinrent grossirent les rangs de cette marée noire assoiffée de liberté et de justice. Du point de vue des esclavagistes européens,  la perte de leur « bétail humain » entraîna une perte de capitaux considérable.

La base d’opération de Bokilifu Boni et de ses guerriers était une grande forteresse encerclée par un mur de 4m de haut, située dans un environnement marécageux dans la région côtière de Commewijne [3], qu’ils ont appelé Fort Boekoe (ou Fort Bookoo en Sranan Tongo). Le terme Boekoe signifie poussière en néerlandais. Ce nom peu sembler étrange, mais il s’agit d’une référence explicite à la détermination des Boni/Alukus, qui préféraient être réduits poussière plutôt que de capituler face à l’ennemi.

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« The Black Hunters » des esclaves chasseurs d’esclaves, aussi connu sous le nom de Redi Moesoes, à cause des chapeaux rouges qu’ils portaient.

Fort Bookoo était une forteresse difficile d’accès, quasi-imprenable, munie de fusils et d’un canon. Il n’y avait qu’un seul moyen d’atteindre Fort Bookoo en toute sécurité et il s’agissait d’un chemin secret créé sous l’eau, de sorte qu’il n’était pas visible depuis la rive. En outre, Bokilifu Boni avait fait construire de faux chemins afin de perdre leurs assaillants en plein milieu des marécages. Du fait du nombre impressionnant de raids et d’expéditions punitives lancés depuis le quartier général des Boni/AlukusFort Bookoo devint rapidement la bête noire (sans mauvais je de mot) des esclavagistes et constituait pour les esclaves une véritable lueur d’espoir.

« Quasi-imprenable » disions-nous plus haut, car nombreux ont été les forces armées hollandaises à se casser les dents sur Fort Bookoo. Citons, par exemplele colonel Louis Henri Fourgeoud (1708-1779), militaire suisse employé par l’armée néerlandaise qui s’attaqua à la forteresse, à maintes reprises, sans succès. Parmi ses hommes, se trouvait John Gabriel Stedman, qui rédigea ses expériences dans un livre.

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Manière dont combattent les Nègres, entre les buissons. © Archives départementales de la Martinique

En effet, dans The Narrative of a Five Years Expedition against the Revolted Negroes of SurinamStedman décrit, entre autres, comment de petits groupes de 4 ou 5 hommes, en bougeant et en tirant rapidement, donnaient à l’ennemi l’impression d’être bien plus nombreux. Ces tactiques de guérilla permirent à Bokilifu Boni de venir plus d’une fois à bout de ses ennemis.

Comme souvent, la seule manière pour les esclavagistes/colons européens de subjuguer les populations noires assoiffées de liberté est d’appliquer le tristement célèbre adage : « diviser pour mieux régner« . En effet, les colons Néerlandais avaient promis la liberté à 300 esclaves s’ils combattaient Bokilifu Boni et ses hommes. Ces esclaves formaient le corps d’armée « The Black Hunters« .

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Marche à travers un marais de la Guyane. [Tardieu L’aîné, D’après William Blake] © Archives départementales de la Martinique
Après un siège de 7 mois, le chemin secret sous-marin qui donnait accès au fort, fut découvert en 1772. Pendant que les troupes esclavagistes simulaient une attaque, les esclaves à leur solde attaquèrent le fort par le passage secret. Le fort fut détruit, mais Boni parvint à s’échapper à l’Est et à traverser le fleuve Maroni, frontière avec la Guyane française. Pendant plus de 20 ans, Boni a continué sa bataille contre les dirigeants. Ce sera (comme souvent) la trahison qui mettra fin à la Résistance Noire dirigée par Bokilifu Boni. Le leader des Alukus fut assassiné le 19 février 1793 par un dénommé Bambi, un chef des Ndyuka, sous la pression du lieutenant Stoelman, commandant des Redi Moesoes [4].

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Guerrier Ndyuka, entouré par ses quatre femmes, sa fille et son fils. © Collectie Stichting Nationaal Museum van Wereldculturen

Quoi qu’il en soit, le phénomène du « grand marronnage », dont Bokilifu Boni fut l’un des plus éminents représentants, remit en cause de la manière la plus radicale qui soit le système esclavagiste qui présidait à l’existence même de des colonies hollandaises et françaises. Puisse l’esprit de ce fier Nègre Marron nous inspirer.

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Notes et références :

[1] Kotika-liba ou Cottica est un village situé dans le district de Sipaliwini, Suriname. Il est situé à la frontière avec la Guyane française. Le fleuve Maroni traverse le village.

[2] Asikan Sylvester (1690-1769) était un chef Nègre Marron, prédécesseur de Bokilifu Boni. Il forma un groupe d’esclaves en fuite fortement structuré avec lequel il tint tête aux chasseurs de primes lancés à leurs trousses. Il fut en charge du groupe pendant plus de 50 ans, avant de passer le pouvoir en 1765.

[3] Commewijne est un district du Suriname, situé sur la rive droite de la rivière Suriname. La capitale de Commewijne est New Amsterdam.

[4] Le peuple Ndyuka est l’un des six peuples Marrons du Suriname et de la Guyane française.

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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