« Step Sisters » ou la question de l’appropriation culturelle

La culture d’un peuple lui appartient-elle exclusivement ? Entre revendication, lutte pour l’émancipation des Noirs américains et héritage africain, la question de la réappropriation culturelle revient comme un véritable enjeu de société. C’est notamment la question posée par le films « Step Sisters », de Charles Stone III, sorti en janvier 2018 et actuellement diffusé sur Netflix.

La plateforme de diffusion Netflix propose en ce moment le film « Step sisters », de Charles Stone III avec Megalyn Echikunwokue et Naturi Naughton (Power). Un film qui pose la question de l’appropriation culturelle. Jamilah Bishop (Megalyn Echikunwokue) est une jeune étudiante afro américaine brillante. Impliquée dans plusieurs activités extra-scolaires, la jeune femme est sportive, jolie, sûre d’elle et occupe un poste enviable, en qualité de stagiaire, au sein de l’administration de son université. Mais Jamilah rêve d’Harvard, pour y suivre le meilleur cursus de Droit, comme l’ont fait ses deux parents avant elle. Lorsqu’elle apprend qu’ils ne soutiendront pas sa candidature, elle se retrouve dans une position délicate. Car pour être admise à Harvard, il faut être coopté et parrainé par un ancien étudiant de la Faculté. Une opportunité va se dégager pour l’aspirante juriste: son supérieur va lui proposer d’initier une sororité blanche au Stepping, en échange du soutien à sa candidature. Jamilah a des réticences, car elle sait ce que représente le stepping en termes d’héritage culturel Noir et le combat pour le préserver. Aux Etats-Unis, le stepping est Noir, et seuls les afro américains ont la légitimité de le pratiquer. Mais l’ambition l’emporte parfois sur la conscience.

Le stepping

Au début du XXème siècle, les étudiants des fraternités noires américaines décident d’affirmer leur identité à travers une danse : le stepping. Créé à partir de mouvements de leur culture tels que le break dance et mêlé à des bribes de danses africaines ancestrales, le stepping est l’art d’utiliser son propre corps comme instrument. Les pieds claquent sur le sol en cadence, les mains en rythme et le tout est agressif, revendicatif, puissant. Une histoire d’héritage car, le stepping, démocratisé bien plus tard, est un mode de communication dont les esclaves se servaient sur les plantations afin de communiquer. C’est pourquoi il sonne comme les percussions. En effet, lorsque les maîtres comprirent que les tambours et autres caisses servaient en fait aux captifs de langage pour se parler, s’avertir du danger, se faire passer des messages qu’ils ne pouvaient comprendre et donc intercepter; certains en interdirent l’usage sur leurs terres. Rivalisant d’ingéniosité et, dans l’urgence, les esclaves reproduisirent ces signaux à partir de leur personne. Le morse reprend d’ailleurs ce mode de communication. C’est pourquoi cette forme devenue artistique est strictement Noire et que tout « empreint » s’apparente naturellement à de l’appropriation culturelle.

Appropriation cuturelle

L’appropriation culturelle est un phénomène qui revient au coeur des débats de société. Défini comme étant la récupération d’éléments culturels par une communauté dominante sur une autre, dominée, le concept prend sa source aux Etats-Unis. Au sein d’une nation clivée où communauté noire et communauté blanche tentent de cohabiter, et bâtie sur l’esclavage des premiers par les derniers, la notion de domination est incontournable. Il désigne donc le blanchissement et l’exploitation de concepts de la culture noire par les Blancs. Ce qui induit également la notion de propriété culturelle. Sur le même modèle que l’esclavage, le dominant s’attribue les mérites et les retombées substantielles de ces éléments, sans citer ses sources ni redistribuer. Une question économique, sociétale et communautaire qui oppose deux camps de concitoyens et suscite de vives passions chez les Noirs, qui se sentent spoliés.

Une problématique qui ne date donc pas d’aujourd’hui et qui, après l’abolition, s’est gravement exprimée durant la période ségrégationniste. Notamment pour la musique dont beaucoup de titres d’artistes noirs étaient repris par des artistes Blancs, sans accord ni redistribution, et culminaient en tête des charts. Un pillage évoqué dans la comédie musicale « Dream Girls », de Bill Condon (2007). Récemment, plusieurs polémiques ont éclaté concernant les chanteurs Iggy Azalea et Bruno Mars, dont la musique s’illustre comme un exemple d’appropriation culturelle. Ce phénomène peut s’exprimer de façon plus subtile dans la mode vestimentaire, les coiffures, les expressions…

 

 

Trahison, intégration, réconciliation ?

En acceptant de relever le défi, Jamilah choisit de trahir sa communauté, ses valeurs. Le dilemme, ainsi que la trahison, sont des thématiques sous-jacentes au thème pricipal du film. En effet, si Jamilah hésite au départ, c’est parce qu’elle sent que cette position de Robin des Bois du stepping va la mettre en difficulté. Elle va devoir choisir entre la loyauté enver ses soeurs et celle envers ses nouvelles amies. Une position difficile quelle connaît par ailleurs, elle qui est en couple avec un Blanc. 

Un Blanc au fait sur l’histoire des Noirs, qui semble parfois plus engagé qu’elle (Dane aka Matt McGorry); opposé au personnage incontournable de la seule noire de la sonorité blanche, rejetée par les siens (Saundra aka Nia Jervier); puis au Noir adopté par des parents Blancs (Kevin aka Marc Richardson). Une trio de personnages étrange mais capitaux dans l’intrigue et des tous les riches qui posent des questions communautaires, identitaires. Etrangement, c’est en accomplissant cette mission qu’elle va finalement se rapprocher de sa communauté et d’elle-même. Le film délivre un message plutôt confus et universaliste entre revendidcation légitime pour les Noirs et paratge de cultures avec les autres pour favoriser une intégration sociale interraciale, humaine. Peut-on parler d’appropriation culturelle lorsqu’une communauté fait « un don » de sa culture à une autre ? «Step sisters » est un support de réflexion plutôt intéressant. Surtout, c’est un film à voir et revoir entre copines !

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SK
SK
SK est la rédactrice/ journaliste du secteur Politique, Société et Culture. Jeune femme vive, impétueuse et toujours bienveillante, elle vous apporte une vision sans filtre de l'actualité.

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