« Le rêve Français », hommage aux âmes exilées des Antilles

Le rêve français est un téléfilm réalisé par Christian Faure et produit par les studios Eloa Prod. Il raconte les soubresauts politiques traversés par la Guadeloupe, à travers le prisme de  l’ impossible idylle entre Samuel et Doris. Un récit poignant et l’occasion de revenir sur une page de l’histoire française longtemps occultée. La première partie sera diffusée sur France 2 ce mercredi 21 mars.

Le rêve français est un téléfilm signé Eloa prod. La première partie sera diffusée sur France 2 ce mercredi 21 mars. L’histoire retrace les mouvements politiques qui ont secoué la Guadeloupe entre les années 1960 et les années 1980, à travers le regard des protagonistes Samuel (Yann Gaël) et Doris (Aïssa Maïga), qui vivent le drame d’un amour impossible et de l’exile en France métropolitaine. Samuel et Doris s’aiment innocemment dans leur Guadeloupe natale. Jeunes et pleins de rêves, ils assistent au déchirement social que vit leur île.

1967: la tension est à son comble sur l’île aux colibris, dont une partie de la population exige l’indépendance de la métropole. Bien que la loi sur la départementalisation soit en vigueur depuis 1946, faisant passer la Guadeloupe de son statut de colonie à celui de département français, la situation de domination par l’indifférence semble ne pas avoir évolué. Des groupuscule se forment et instaurent un bras de fer avec l’hexagone. Le combat atteindra son paroxysme à l’issue d’une grève qui paralysa l’île durant des semaines. Plusieurs jeunes tomberont sous les balles des forces de l’ordre.

Au-delà des morts, on dénombrera de nombreux disparus, en plus des activistes qui vivent cachés. Le frère aîné de Samuel est parmi ceux-là, de ces âmes jeunes, déterminées à en finir avec le colonialisme, au péril, parfois au prix, de leur vie. En temps de guerre, personne n’est épargné et il devra également quitter l’île, laissant ses amours et ses illusions à l’aéroport La jeunesse a ses propres exigences qui ignorent celles de la politique et des affaires des grands. Samuel aime donc sa Doris, qui est la soeur cadette de son meilleur ami, dont le père s’est saigné aux quatre veines pour l’envoyer faire son Droit en France. Le patriarche ne voit d’ailleurs pas d’un bon oeil cette amourette, lui qui préférerait donner sa fille à un homme de bonne famille. Mais qu’importe puisque l’Etat ne considère pas ces vies sans intérêt, et emploie tous les moyens pour maintenir l’ordre sur ses territoires. Les cassures ne font donc figure que de dommages collatéraux. Afin d’asseoir davantage son autorité, Paris a élaboré, quelques années auparavant, un plan politique, maquillé avec les meilleures intentions.


Découvrez les réactions du public de l’avant-première parisienne:


1963: Robert Debré crée le Bureau pour le développement des migrations (Bumidom). Une cellule qui permettra de répondre à la pénurie d’ouvriers en métropole, qui vit une époque de prospérité importante: les 30 glorieuses. En plus de répondre à un besoin grandissant de manoeuvre, il permet également d’éloigner les indépendantistes et tous ceux qui propagent des idées d’émancipation, de leur île, les exilant ainsi à des milliers de kilomètres. Toutefois, afin d’appâter ces jeunes antillais vigoureux et pleins d’attentes, le projet n’est pa présenté de la sorte. C’est la déception qui viendra cueillir les candidats (et même ceux qui ne l’étaient pas) à leur arrivée en France métropolitaine. Pas de cursus universitaire ou autre filière de choix, ce sera le petit fonctionnariat avec l’usine pour ces messieurs et une carrière de domestique pour ces dames.

Samuel s’adapte tant bien que mal à sa nouvelle vie, loin de tout ce qu’il connaît. Ici, il est quelqu’un d’autre et parce qu’il est brillant, les opportunités semblent à portée de main. Le Droit, la politique, le pouvoir, Samuel se débrouille plutôt bien. Il fonde une famille et retrouve même son ami d’enfance qu’il garde près de lui. Doris, longtemps restée au pays, saisit finalement sa chance avec le Bumidom et arrive en province. Son expérience est bien moins glorieuse, car la vie n’est pas clémente avec une jeune noire et mère, fraîchement débarquée .Dans cette mésaventure, elle trouvera une alliée de taille, son amie Prisca (Laurence Joseph), arrivée un peu plus tôt et qui combat l’enfer de la situation par une énergie incroyable et beaucoup d’humour. comme dans une tragédie grecque, Doris retrouvera son amour d’enfance (ou l’inverse). Pourtant, même des années plus tard, l’idylle restera de l’ordre du rêve inatteignable.

« Le rêve français », un film nécessaire

La force de ce téléfilm, initialement proposé comme mini-série, est de réussir à balayer en quelques heures toutes les problématiques liées à la douloureuse histoires des populations Antillaises en métropole. Entre désir de liberté et d’auto-détermiantion; entre amours loupés et déchirure; entre exile et résilience. Car le Bumidom est toujours tabou, on ne le raconte pas, ni dans l’espace public, ni en privé. On en souffre et on en subit les répercussions. Par ailleurs, dans le contexte de domination dans lequel se sont construites ces populations ultramarines, les complexes inconscients et les carcans de la morale rythment le rapport à la vie. L’homme blanc comme planche de salut; le colorisme; le sacrifice non récompensé; la honte; la haine; le déni. Ces différentes problématiques sont portées par le panel d’acteurs brillants qui raniment ces blessures, ces tranches de vies oubliées, méprisées.

La productrice France Zobda réussit encore une fois le pari de mettre en images un de ces épisodes d’histoire, que l’on tente de cacher sous le tapis, en partant de l’humain. Le spectateur s’attache ainsi à l’histoire de ces amoureux malchanceux et des autres hommes et femmes qui les entourent dans leurs expériences; sans forcément se rendre compte qu’il aborde un pan important de la construction identitaire de ses concitoyens des Antilles et de La Réunion. Une approche efficace pour une fiction nécessaire. La  production a d’ailleurs fait le choix de s’adresser d’abord aux premiers concernés:  le premier épisode  était diffusé sur Martinique 1ère et Guadeloupe 1ère mardi 20 mars. La diffusion nationale aura lieu dès ce soir sur France 2. La seconde partie, qui scelle le téléfilm, sera diffusée mercredi 28 mars. Un grand moment de cinéma à vivre confortablement installé sur le divan.

Vous avez dit « Mé 67 » ? Découvrez cet extrait de notre documentaire « Mé 67: 50 ans de blessures » où plusieurs générations s’expriment sur ce sombre épisode:

SK
SK
SK est la rédactrice/ journaliste du secteur Politique, Société et Culture. Jeune femme vive, impétueuse et toujours bienveillante, elle vous apporte une vision sans filtre de l'actualité.

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