La population Mahoraise entame sa quatrième semaine de grève. Les raisons de ce mouvement de contestation populaire, sont liées à l’insécurité grandissante sur l’île. La grève est menée par une intersyndical Mahoraise et le Collectif des citoyens de Mayotte.
Le peuple Mahorais a décidé de faire entendre son indignation face à la crise sociale que traverse l’île depuis plusieurs années. Tout à commencé le 20 février, lorsque des bandes rivales se sont affrontées avec des barres de fer, au lycée Kahani, provoquant une insécurité telle, que les enseignants et les chauffeurs de bus scolaire (dont les véhicules sont très souvent caillaissés), ont décidé de cesser d’exercer. 21 élèves auraient été renvoyés définitivement de l’établissement. La délinquance et la violence ont augmenté de façon exponentielle sur tout le territoire, sans exception. La cause : aucune perspective en vue pour une jeunesse dépourvue d’idéal. En 2015, 23,5 logements sur 1000 ont été cambriolés à Mayotte, contre 7 sur 1000 dans l’hexagone. Récemment, les ports et les routes ont été bloqués ainsi que les services publiques comme les hôpitaux ou les pharmacies. Ces deniers ne sont d’ailleurs même plus approvisionnés en médicaments, appareils médicaux, linge et nourriture. Les professionnels du domaine médical craignent pour la plupart, une crise sanitaire importante, au vu des proportions que prend le mouvement de protestation actuel, qui tombe au plein milieu d’une épidémie de bronchiolite, touchant les jeunes enfants. Mayotte est également la maternité la plus grande d’Europe avec 10 000 naissances par an et accueille des femmes enceinte des îles environnantes. En somme, la grève générale paralyse les plus importantes activités de l’île.
Avec un taux de chômage de 26 % contre 9 % pour la France, Mayotte est l’un des départements français les plus pauvres. Une jeunesse dépourvue d’idéale, livrée à la débauche et à la délinquance, lorsque les institutions ne sont pas en mesure de leur proposer un avenir certain. L’île est aussi la destination de très nombreux migrants venant des îles voisines des Comores, dont la plus proche n’est qu’à soixante-dix kilomètres de ses côtes. Certains manifestants estiment que la montée de la délinquence est dûe à la migration clandestine.
Les habitations Mahoraise rappellent fortement celles du Brésil: d’un côté, on apperçoit des habitations hérissées de barbelés (où vit la population Mahoraise) et équipées de télésurveillance, de l’autre ces banga (cabanes) de tôle, qui s’entassent à flanc de colline, sur des terrains privés ou appartenant à la communauté, où logent sans droits les immigrés clandestins venus pour la plupart des Comores en kwassa-kwassa (bateaux migratoires) à partir de l’île d’Anjouan, distante de 70 kilomètres des côtes Mahoraises.
Les manifestants expriment un sentiment d’abandon de la part de l’État, et réclament plus de sécurité mais aussi plus de fonds. Le comité de coordination des maires a présenté un « plan de convergence » sur dix ans, chiffré à environ 1,8 milliard d’euros. Pour Saïd Omar Oili, le président de l’association des maires, c’est le prix que doit payer l’État s’il veut « mettre en place les conditions de tranquillité des Mahorais ».
Les besoins chiffrés pour le bon équilibre de l’île:
- 40 millions d’euros seraient attribués à des équipements sportifs et culturels ;
- 500 millions à l’habitat ;
- 480 millions à l’eau potable et à l’assainissement ;
- 238 millions aux routes et transports ;
- 480 millions aux constructions scolaires.
La ministre des Outre-Mer, Annick Girardin, est arrivée à Mayotte lundi 12 mars au matin, dans le but de tenter de trouver une solution au mouvement de protestation contre l’insécurité et l’immigration. Les organisateurs de la grève doute vivement des capacités de la ministre à trouver une solution à la crise que travers l’île depuis des années et dénoncent sa méconnaisance du territoire.
Cela n’est pas sans rappeler la situation de crise que vit en ce moment la Guadeloupe, concernant les manques de fonds pour les hôpitaux et la délinquence constante qui règne sur l’île. Les Outre-Mer font face à des difficultés sociales que l’on ne retrouve pas, ou à moindre échelle dans l’hexagone. Rappelons qu’en 2011, Mayotte avait été sujette à une grève générale pour la vie chère, identique à celle du LKP en Guadeloupe, 2 ans plus tôt. Les traitements sociaux entre les départements français de l’hexagone et les départements « d’Outre-Mer » (terme décrié par l’écrivain et penseur Patrick Chamoiseau) ne sont, à l’évidence, pas pris avec la même mesure et cela se ressent dans les conditions sociales précaires que vivent les populations des îles françaises. Mayotte, qui est devenu, il y a moins de 10 ans un département français, ne doit-elle pas, à l’instar des Antilles françaises, prendre en considération les difficultés dans laquelle elle est plongée et songer à développer des partenariats avec ces vosins, afin de poser les bases d’un terrain économique fort et prospère ? À l’évidence, attendre de la France, un pays loin de 7837 km, le secours nécessaire à son épanouissement est une chimère sans équivoque.