« Umkhonto we Sizwe » ou les combattants de la liberté d’Afrique du Sud

Le 31 mai est une date particulière en Afrique du Sud, puisqu’elle marque l’anniversaire de l’Union des Nations sud africaines, donc la fête nationale. Plutôt que de vanter la naissance d’un des état les plus négrophobes de l’Histoire, nous dédions cet article à « Umkhonto we Sizwe », la branche militaire du Congrès national africain.

L’Union de l’Afrique du Sud-Est, l’ancêtre de la République d’Afrique du Sud actuelle, a été créée il y a 108 ans, le 31 mai 1910, suite à l’unification de quatre colonies britanniques précédemment séparées et/ou rivales :

  • La colonie du Cap
  • La colonie de Natal,
  • La colonie du Transvaal ( Zuid-Afrikaansche Republiek)
  • L’État libre d’Orange (Oranje-Vrystaat)
Cette image montre l’origine de l’Union sud-africaine, formée suite à la guerre entre britanniques et Boers.

Le South African Act [1], votée par le Parlement britannique et qui a créé l’Union de l’Afrique du Sud, était ségrégationniste. Elle était dans la continuité de la politique dite du « Coulour Bar » [3], c’est-à-dire, de ségrégation raciale habituelle dans les anciennes colonies britanniques. Il faut savoir que la constitution du dominion britannique n’incluant pas de Bill of Rights [3], permet elle la mise en place d’une loi raciste envers les Noirs. Les populations autochtones seront exclues géographiquement, via le Native Land Act [4], et politiquement. Ces dispositions légales sont en réalité un avant-goût de l’Apartheid qui sera mis en place en 1948. À cette période, l’African National Congress (ANC) [5] a vu le jour afin de défendre, au mieux les intérêts de la majorité noire contre la minorité blanche aux commandes du pays.

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51 ans plus tard, le 31 mai 1961, à l’issue d’une consultation populaire, l’Union d’Afrique du Sud devient une république . La fin de la monarchie ainsi que la sortie du Commonwealth sont décidées et la République d’Afrique du Sud-Est proclamée. C’est sous cette République négrophobe, ayant pratiqué une colonisation sanglante, l’esclavage et la ségrégation raciale que l’ANC débutera alors la lutte armée à travers l’Umkhonto we Sizwe.

Logo du mouvement uMkhonto weSizwe.

UMkhonto we Sizwe était l’aile armée de l’ANC. Co-fondée par des figures telles que Nelson Mandela et Chris Hani ou encore Jacob Zuma, à la suite du massacre de Sharpeville [6] qui causa la mort de 69 personnes d’origine africaine en 1960. Ce massacre perpétré par la police (blanche) sud-africaine à ouvert les yeux aux cadres de l’ANC sur la nécessité de ne plus se limiter à la protestation non-violente. UMkhonto we Sizwe qui signifie « la Lance de la Nation » a donc pris les armes afin de lutter contre le gouvernement sud-africain.

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À l’été 1961, ce groupe paramilitaire aussi surnommé « MK » avait averti le gouvernement sud-africain qu’il allait entrer en résistance contre le racisme du gouvernement d’Apartheid et les violence policière racistes. L’objectif étant pour UMkhonto we Sizwe de forcer le gouvernement sud-africain de l’époque à prendre des mesures en faveur d’une réforme constitutionnelle et à accorder les droits politiques aux populations indigènes. C’est le 16 décembre 1961 que le MK s’est pour la première fois lancé dans la lutte armée, en s’attaquant à des installations gouvernementales. Très vite, ces combattants de la liberté ont été déclarés par le gouvernement d’Afrique du Sud et des États-Unis, (normal entre ségrégationnistes), comme une organisation terroriste. Il sera donc interdit et opérera dès lors dans la clandestinité.

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Mandela s’adressant à la foule lors du procès de Rivonia en 1964.

Cette attaque sera suivie par de nombreux sabotages ou attentats meurtriers. Parmi les actions les plus spectaculaires d’UMkhonto we Sizwe :

  • l’attentat contre le complexe de raffinage du groupe Sasol en 1980.
  • sa tentative de sabotage de la centrale nucléaire de Koeberg près du Cap, en janvier 1982.
  • l’attentat de Church street, à Pretoria du 20 mai 1983 qui fera 19 personnes morts et 217 blessés
  • l’attentat à la voiture piégée du 14 juin 1986, à Durban, devant le Magoo’s Bar casant la mort de 3 personnes et en blessant 69 autres.
  • l’attentat au tribunal de Johannesburg en 1987 qui se soldera 3 morts et 10 blessés.
  • l’attentat contre la banque Standard de Roodepoort en 1988 dont le bilan s’est élevé à 6 personnes tuées et 18 blessés.

Pendant une courte période, UMkhonto we Sizwe installera son quartier général à Rivonia, une banlieue huppée de Johannesburg. C’est là que le 11 juillet 1963, 19 dirigeants de l’ANC et du MK, dont Nelson Mandela seront arrêtés suite à un raid policier. 10 d’entre eux ont été traduis en justice pour avoir commis 193 actes militants conçus, selon le tribunal de Rivonia, pour « fomenter une révolution violente » [7].

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C’est lors de ce procès que Nelson Mandela a prononcé le célèbre discours « I Am Prepared to Die » (« je suis préparé à mourir« ), considéré comme l’un des plus grands discours du XXe siècle, où il a souligné les motivations qui ont conduit à la formation d’Umkhonto We Sizwe : [8]

« Au début du mois de juin 1961, après une longue et angoissante évaluation de la situation sud-africaine, quelques collègues et moi, en sommes venus à la conclusion que, comme la violence dans ce pays était inévitable, il serait irréaliste et une erreur pour les dirigeants africains de continuer à prêcher la paix et la non-violence à un moment où le gouvernement a répondu à nos revendications pacifiques avec force.

Cette conclusion n’a pas été facilement obtenue. Ce ne fut que lorsque tout le monde a échoué, lorsque tous les canaux de protestation pacifique nous furent interdits, que la décision fut prise de s’engager dans des formes violentes de lutte politique et de former Umkhonto We Sizwe. Nous l’avons fait non parce que nous avons souhaité un tel recours, mais uniquement parce que le gouvernement ne nous avait d’autre choix. Dans le Manifeste d’Umkhonto publié le 16 décembre 1961, qui est l’exposition AD, nous avons déclaré :

Il arrive un temps dans la vie de toute nation où il ne reste plus que deux choix : se soumettre ou se battre. Ce temps est maintenant venu en Afrique du Sud. Nous ne devons pas nous soumettre et nous n’avons d’autre choix que de frapper par tous les moyens en notre pouvoir pour défendre notre peuple, notre avenir et notre liberté.

Tout d’abord, nous croyons qu’en raison de la politique gouvernementale, la violence des populations africaines est devenue inévitable et qu’à moins qu’un leadership responsable ne soit donné pour canaliser et contrôler les sentiments de notre peuple, il y aurait des éclats de terrorisme qui produiraient une intensité d’amertume et d’hostilité entre les diverses races de ce pays qui ne sont pas produites même par la guerre. Deuxièmement, nous avons estimé que, sans violence, il n’y aurait aucun moyen pour les Africains de réussir dans leur lutte contre le principe de la suprématie blanche. Tous les modes légaux d’expression de l’opposition à ce principe ont été fermés par la législation, et nous avons été placés dans une position dans laquelle nous devions soit accepter un état d’infériorité permanent, soit prendre le gouvernement. Nous avons choisi de défier la loi. Nous avons d’abord brisé la loi d’une manière qui évitait tout recours à la violence; Lorsque cette forme a été interdite par la loi, et que le gouvernement a recouru à la force pour écraser l’opposition à ses politiques, alors seulement nous avons décidé de répondre avec violence. »

Par la suite, Umkhonto we Sizwe s’est exilé dans les pays frontaliers, notamment l’Angola où le groupe paramilitaire était allié au Mouvement populaire pour le gouvernement de la libération de l’AngolaLes combattants MK ont également été les alliés du Syndicat populaire africain du Zimbabwe, avec le Front de libération du Mozambique (FRELIMO) et avec l’Organisation populaire sud-ouest de l’Afrique (SWAPO) en Namibie.

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L’histoire de l’Afrique du Sud est jalonnée d’épisodes d’oppression à l’égard des population noires. Cependant, la résistance s’est immédiatement organisée d’abord contre les colons hollandais et britanniques puis contre le régime négrophobe d’Afrique du Sud. Umkhonto we Sizwe, « La Lance de la Nation » est un parfait exemple de de cette lutte des noirs pour le Liberté, la Justice et l’Égalité.

 

Notes et références :

[1] Le South African Act était une loi constitutionnelle adopté par le parlement britannique le 20 septembre 1909 et qui établissait la formation de l’Union sud-africaine. Elle a été adopté le 31 mai 1910.

[2] Le terme Coulour Bar ou « barrière de couleur » renvoi la pratique empirique de la discrimination raciale qu’utilisait les britanniques dans leurs anciennes colonies.

[3] le Bill of Right ou Déclaration des Droits est un texte imposé en 1689 à Guillaume III et Marie II. Ce texte définit les principes de la monarchie parlementaire en Angleterre.

[4] Le Natives Land Act de 1913 qui sera plus tard appelé le Bantu Land Act puis Black Land Act était une loi du Parlement d’Afrique du Sud visant régir l’acquisition des terres. Le Natives Land Act réservait 7 % du territoire aux populations noires et leur interdisait de posséder des terres ailleurs que dans les « scheduled native areas« .

[5] L’African National Congress est fondée le 12 janvier 1912 à Bloemfontein.

[6] Le Massacre de Sharpeville fait référence la répression policière qui eut lieu le 21 mars 1960 à Sharpeville, un township de la ville de Vereeniging dans le Transvaal en Afrique du Sud.

[7] « Umkhonto we Sizwe – timeline« , publié le 29 Avril 2013.

[8] « Nelson Mandela`s Statement from the Dock at the Rivonia Trial« publié le 21 janvier 2015.

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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