Robert L. Johnson, l’incontournable homme d’affaires

Tout le monde connait Black Entertainement Television (BET), la première chaîne américaine de divertissement noire de l’histoire moderne. Derrière ce succès entrepreneurial et communautaire au départ, se cache l’homme d’affaires Robert Louis Johnson qui en fut le fondateur, président et directeur exécutif avant de la revendre au groupe Viacom. Ce milliardaire a rendu cette chaîne incontournable en proposant des programmes originaux et des clips en avant-première, ouvrant ainsi les portes d’un juteux « marché noir ». Cette initiative en a aussi fait le premier africain-américain le plus riche, avant qu’il ne soit détrôné par Oprah Winfrey. Retour sur un parcours inspirant.

Né le 8 avril 1946 dans le Mississippi, Robert Louis Johnson est le neuvième enfant d’une fratrie de dix enfants. Il grandit dans l’Illinois et y étudie jusqu’à l’Université, où il obtient une maîtrise en affaires internationales de la Woodrow Wilson School of Public and International Affairs de l’Université de Princeton, à la fin des années 1960. Très tôt, Robert Johnson se lance dans les affaires. Après avoir occupé des postes à la Washington Urban League et à la Corporation for Public Broadcasting, il devient le secrétaire de presse de l’Honorable Walter E. Fauntroy, délégué du Congrès du District de Columbia et pasteur de l’église baptiste de Washington DC. Entre 1976 et 1979, Johnson occupe le poste de vice-président des relations gouvernementales pour la National Cable & Telecommunications Association (NCTA), une association professionnelle qui représente plus de 1 500 sociétés de câblodistribution. Il siège également dans divers conseils d’administration tels que: US Airways, Hilton Hotels Corporation, General Mills, United Negro College Fund… Après avoir démissionné de son poste de lobbyiste de l’industrie du câble, Robert L. Johnson et sa femme Sheila décident de lancer leur propre réseau de télévision par câble. Très vite, Johnson obtient un prêt de 15 000 $ et un investissement de 500 000 $ du dirigeant des médias, John Malone, pour démarrer son affaire. Le réseau, baptisé Black Entertainment Television (BET), est lancé le 25 janvier 1980. Initialement diffusé deux heures par semaine comme un bloc de programmation sur Nickelodeon, la gamme du réseau se compose de vidéos musicales et de rediffusions de sitcoms populaires noirs. BET deviendra une chaîne à part entière en 1983.

Le fondateur de BET Robert Johnson –
© theundefeated.com

Succès fulgurant et changement de statut de la chaîne BET

En 1988, BET lance un programme d’information nommé BET News, avec Ed Gordon comme point d’ancrage.Par la suite,  Gordon anime d’autres programmes et émissions spéciales sur BET, tels que Black Men Speak Out: The Aftermath, en relation avec les émeutes de Los Angeles en 1992, ainsi qu’un débat télévisé récurrent, nommé Conversations avec Ed Gordon, qui reçoit le NAACP du meilleur journaliste/présentateur dans la catégorie information et débat télévisé en 1996. La même année, BET accueille un nouveau talk-show: BET Tonight.  Tavis Smiley ,en tant qu’hôte pilote les débuts du programme, avant d’être remplacé par Ed Gordon en 2001. En 1991, le réseau devient la première société de télévision contrôlé par une personne noire et à coté en bourse à New York. À partir de la fin des années 1990, le réseau s’élargit, avec le lancement des réseaux câblés numériques tels que BET Jazz, qui programme essentiellement les musiciens de jazz noirs.

Le présentateur Ed Gordon –
© adweek.com

Quelques années plus tard, Johnson conclut une joint-venture avec Starz, propriété de John Malone (un accord passé entre deux ou plusieurs entreprises qui acceptent de poursuivre ensemble un but précis pour une durée limitée), dans le but de lancer un service multiplex de la chaîne premium, proposant des films afro-américains, appelé BET Movies. Plus tard, le service sera rebaptisé Black Starz. Viacom (propriétaire de Showtime et rivale de Starz) rachète l’entreprise BET, connue sous le nom de Starz in Black pour trois milliards de dollars. C’est ainsi que Robert L. Johnson devient  l’afro-américain le plus fortuné de l’histoire. En contre-partie, le réseau perd son statut d’entreprise afro. En 2005, Johnson se retire du réseau, remettant ses titres de président et chef de la direction à l’ancienne vice-présidente de BET, Debra L. Lee.

Debra L. Lee © alvinailey.org

En 2007, le réseau lance deux autres réseaux chaînes musicales: BET Hip-Hop et BET Gospel. Des émissions de télé-réalité voient également le jour: Baldwin Hills ou encore Hell Date. Les shows Sunday Best et Hip Hop vs America y sont également diffusés. Le président de BET, Reginald Hudlin, démissionne du réseau le 11 septembre 2008. Il est remplacé par Stephen Hill, qui est également vice-président exécutif de la programmation musicale et des talents. BET a annoncé en mars 2010 qu’Ed Gordon serait de retour sur le réseau pour accueillir « une variété de programmes d’informations et de promotions ». La même année, Stephen Hill se retire de la présidence de la programmation et est remplacé par interim par Connie Orlando.

Robert Louis Johnson, un homme d’affaires aguerri

Parmi les principaux prix reçus par Johnson, on retrouve le prix du Temple de la renommée du Broadcasting & Cable Magazine (1997); Le prix Grand Tarn de la CTAM; Le 20/20 Vision Award de Cablevision Magazine qui le classe parmi les vingt personnes les plus influentes de l’industrie du câble; un prix d’image NAACP; Le Prix des bons gars du Caucus politique national des femmes; un prix Distinguished Alumni de l’Université de Princeton; et le Prix du président de l’Association nationale des télécommunications et du câble. Johnson a investi dans plusieurs entreprises commerciales et organisations notables. Il est aussi le premier afro-américain à être le principal propriétaire d’une franchise d’une des ligues majeures du sport américain; il mène le groupe qui détient les Bobcats de Charlotte, une nouvelle franchise de la NBA, dont l’activité commence en 2004. Jusqu’en décembre 2006, il détient également les Sting de Charlotte de la WNBA, la ligue féminine de la NBA. Faute d’acquéreur, l’équipe est dissoute le 3 janvier 2007. Johnson s’est également impliqué dans la politique. En 2007, il a organisé une tournée des chefs d’entreprise afro-américains au Liberia. Ce voyage a conduit à la création du Liberia Enterprise Development Fund, un fonds d’investissement doté de 8 millions de dollars à destination du Libéria. Johnson a publiquement appelé à un soutien afro-américain de ce pays, sur le modèle du soutien juif à Israël. En 2008, il se détache de Back Obama lors de la primaire du parti démocrate pour soutenir d’Hillary Clinton. Un décision pour laquelle il recevra de nombreuses critiques.

Robert Johnson et l’ancienne présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf © emansion.gov.lr

Robert Johnson n’est plus milliardaire en dollars. Néanmoins, il pèse encore quelques 550 millions de dollars, ce qui en ferait le troisième Noir le plus riche des États-Unis après Oprah Winfrey et Tiger Woods. La dévaluation de son statut est due à la baisse du cours de la bourse de ses investissements dans la télévision (Viacom, CBS), ainsi qu’à ses investissements dans le sport, l’hôtellerie et la banque. Pourtant, l’entrepreneur ne s’arrête pas là. Fin 2006, il crée Our Stories Films, une entreprise de films basée à Los Angeles dans laquelle il s’associe au controversé Harvey Weinstein, qui possède sa propre entreprise, The Weinstein Company. 175 millions de dollars sont investis par JPMorgan Chase dans Our Stories. Son fonds d’investissement privé est partiellement financé par Carlyle Group. En 2011, Our Stories a sorti le long métrage de comédie romantique Jumping the Broom. La société se concentre sur des films destinés aux familles et au public afro-américain. Une aventure qu’il pourrait seul. En effet, elle qui fut sa compagne de 1969 à 2002, mère de ses deux enfants et co-fondatrice de BET, Sheila Johnson, divorce un an après la vente du réseau à Viacom. Elle a épousé le juge qui présidait la procédure de divorce. Sheila Johnson est aujourd’hui  la présidente des Mystics de Washington, une équipe dans la même division que celle dirigée par son ex-mari.

Sheila Johnson
Crédit photo: Washington business journal

Bien que Johnson ne soit plus aux commandes du réseau, le noyau BET Network est le pionnier du divertissement noir à l’américaine. Sa programmation de 24 heures destinée aux consommateurs afro-américains, à l’origine, touche aujourd’hui plus de 65 millions de foyers américains et plus de 90% de tous les foyers câblés noirs. Cette même stratégie novatrice a évolué pour devenir une technologie de pointe de câble numérique via des canaux tels que BET On Jazz, BET International, BET Classic Soul, BET Hip-Hop, BET Gospel, et bien d’autres.

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