Le 1er Février 2018, la République Démocratique du Congo a accordé l’exploitation de trois concessions forestières d’environ 650 000 hectares à deux compagnies d’exploitation forestière chinoises. Cette décision intervient alors qu’en 2016, l’autorisation avait été annulée par le ministre précédent, Matata Ponyo.
Le « second poumon » de la planète
Les forêts de la République Démocratique du Congo couvrent une superficie estimée à 1.280.042 km2, soit près de 55% du territoire national. La seconde plus vaste forêt tropicale de la planète, après l’Amazonie, est celle du bassin du fleuve Congo. Ses forêts s’étendent du Cameroun à la République Démocratique du Congo, en passant par le Gabon, la République du Congo, la République centrafricaine et la Guinée équatoriale. Ces étendues immenses représentent sur une superficie supérieure à trois fois la France, et constituent le quart des forêts tropicales restant sur terre. La forêt équatoriale de la RDC, que l’on nomme le « second poumon de la planète », est l’une des plus grandes forêts naturelles intactes. La richesse de sa biodiversité, son rôle crucial pour atténuer le réchauffement climatique, ainsi que son stock de plus de 8 % du carbone mondial, sont autant de raisons qui font de sa préservation, une cause vitale pour l’humanité.
Plus d’un million d’humains vivent en forêt ou à ses abords et en dépendent directement. Après l’Afrique du Sud, la RDC possède la flore la plus riche du continent, avec plus de 11.000 espèces de plantes, 415 espèces de mammifères, 1.117 espèces d’oiseaux et près de 1.000 variétés de poissons d’eau douce. Gorilles, bonobos, chimpanzés, éléphants de forêts et okapis sont parmi les espèces les plus emblématiques de cette extraordinaire biodiversité.
L’espoir de préservation
La RDC a signé un accord fin 2015 avec la CAFI ( Initiative pour la Forêt de l’Afrique centrale), devant mener à un financement de 200 millions de dollars pour la lutte contre la déforestation et la dégradation des zones forestières du pays. La CAFI rassemble six pays d’Afrique centrale ( Cameroun, République centrafricaine, RDC, Guinée équatoriale, Gabon et Congo-Brazzaville), l’Union européenne, la France, l’Allemagne, la Norvège et le Royaume-Uni, coordonnés par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), la Banque mondiale et la FAO (Organisation des Nations unies pour l’ alimentation et l’agriculture). En 2016, l’ancien ministre Matata Ponyo avait annulé l’autorisation de l’exploitation des 650 000 hectares, honorant la stratégie de Réduction de la déforestation et de la dégradation des forêts (REDD +) adoptée en 2012.
La désillusion
Contre toute attente, le 1er février le gouvernement vient d’autoriser deux compagnies d’exploitations forestières chinoises: la Fodeco ( Forestière pour le développement du Congo) et la Somifor ( Société la Millénaire forestière), à travailler sur trois concessions, en violation du moratoire sur les licences d’exploitations forestières industrielles.
Selon la responsable de Greenpeace en RDC, Irène Wabiwa Betoko, la décision du gouvernement d’autoriser l’exploitation de 650 000 hectares de forêt par des entreprises chinoises viole la loi congolaise:
« Aujourd’hui nous parlons d’une décision du ministre qui réhabilite trois contrats qui ont été annulés par son prédécesseur parce qu’ils étaient jugés illégaux, non seulement car il enfreint les lois congolaises, mais il viole aussi le moratoire. Le ministre n’était pas autorisé au regard de la loi de pouvoir réhabiliter ces titres parce que le moratoire concerne non seulement l’attribution du nouveau titre, mais aussi la réhabilitation », a-t-elle affirmé.
De son côté, le ministère de l’Environnement a annoncé le 20 février 2018 avoir rétabli les concessions forestières à deux entreprises à capitaux chinois, attestant que le moratoire sur l’octroi de nouvelles concessions forestières acquis en 2002 par un arrêté ministériel n’aurait jamais dû être adopté:
« Ce sont des concessions qui existaient et qui étaient déjà attribuées. Mais par mauvaise lecture de la loi ou des textes réglementaires, il y a eu les prédécesseurs qui ont fait annuler cette attribution. Et après, il y a eu des recours de la part de ce concessionnaire et nous nous sommes rendus compte la concession n’était pas concernée par le moratoire. Voilà pourquoi nous avons décidé de lever cette annulation », s’est-il défendu.
Du point de vue environnemental, le ministre atteste qu’il n’y aura « aucune » conséquence: « L’exploitation industrielle du bois est légale, et même encouragée, si cela se fait dans les normes », assure Amy Ambatobe.
Pourtant, deux de ces concessions forestières empiètent sur les 145 000 km2 de tourbières (zones humides capables de stocker au moins 30 milliards de tonnes de carbone) découvertes en 2017. Les scientifiques craignent que l’exploitation de ces forêts ne libère dans l’atmosphère de grandes quantités de gaz à effet de serre.
«Toute opération d’exploitation forestière à grande échelle, en particulier dans les tourbières, est susceptible de causer des émissions massives de gaz à effet de serre. Les donateurs comme la Norvège ou la Banque mondiale vont devoir réévaluer si les programmes REDD en RDC sont crédibles et s’ils doivent être soutenus», a déclaré Simon Counsell, Directeur exécutif de la Rainforest Foundation UK.
De fait, en plus d’une potentielle catastrophe environnementale et d’une dégradation d’un patrimoine précieux, le premier ministre Bruno Tshibala et son ministre de l’Environnement Amy Ambatobe, sont susceptibles de perdre les 200 millions de dollars du CAFI, dont devait bénéficier la RDC.
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