Pacte de sang : un rituel panafricain à la base de la révolution haïtienne

La tradition associe la cérémonie du Bois-Caïman (1791), considérée comme l’acte déclencheur de la révolution haïtienne, au rituel dit du pacte de sang. Ce rituel provient très vraisemblablement d’Afrique où sa pratique est bien attestée.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr

Selon la tradition haïtienne, aux alentours de la nuit du 21 août 1791, s’est déroulée la cérémonie du Bois-Caïman. Orchestrée par le célèbre Dutty Boukman, elle est considérée comme l’acte fondateur de la révolution haïtienne qui conduira, en 1804 à l’indépendance de l’île. Au sein de cette cérémonie, un rituel a particulièrement marqué la mémoire collective. Il s’agit du pacte de sang. Consistant à lier jusqu’à la mort ses participants, le pacte de sang du Bois Caïman aurait vu le sacrifice d’un cochon noir et de la consommation de son sang par les conjurés qui allaient désormais jurer fidélité à leur cause.

Pacte de Sang
La cérémonie du Bois Caïman par l’artiste haïtienne Nicole Jean-Louis

Dans les révoltes d’esclaves du reste de la Caraïbe, ce type de rituel impliquant la consommation d’une boisson composée de sang animal ou humain est aussi attesté. C’est le cas à Antigua en 1735-1736 et en 1795 et 1816 en Jamaïque.

En Haïti même, le sacrifice de cochons est associé aux divinités d’Afrique centrale, regroupées sous le nom générique de ‘Petro’.

D’après l’historien britannique Robin Law, il serait le plus vraisemblable que le rituel de consommation du sang soit originaire de la région du royaume de Dahomey, dont les populations étaient les plus nombreux parmi les Ouest-Africains durant la révolution haïtienne et à cause de similitudes dans la pratique. A Dahomey, la pratique, utilisée par exemple par le roi Ghezo avec son allié brésilien Francisco Félix de Souza lors de leur coup d’état a été immortalisée par le romancier Paul Hazoumé dans le titre de son roman ‘Le Pacte de Sang au Dahomey (1937)’. Il y était aussi pratiqué pour sceller la fidélité d’époux.

Contrairement à ce que Law affirme, la pratique semble bien documentée chez des populations d’Afrique Centrale, notamment dans les actuels Angola et République Démocratique du Congo.

Chez les Akans du Ghana, la pratique est aussi attestée au 17ème siècle, notamment chez les Akwamu. Au Nigéria, il est aussi attesté chez les Igbo, qui l’ont probablement transmis à Old Calabar. Dans cette dernière, le pacte de sang pratiqué par des esclaves pour mettre fin aux abus de leurs maîtres, comme le sacrifice humain auxquels ils pouvaient être sujets aux funérailles de leurs chefs. Ainsi, en Afrique comme en Amérique, des hommes et des femmes africains et afro-descendants ont utilisé, comme symbole de leur solidarité le sang qui les unissait au delà des barrières meurtrières du commerce triangulaire.

Références

Robin Law / On the African background to the slave insurrection in Saint-Domingue (Haïti) in 1791: The Bois Caiman ceremony and the Dahomian ‘blood pact’

Léon de Sousberghe / Pactes de sang et pactes d’union dans la mort chez quelques peuplades du Kwango

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