Muhammad Baghayogho fut un grand nom de la ville de Tombouctou durant l’apogée de l’Empire ouest-africain de Songhaï.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
Origines de Muhammad Baghayogho
D’après son élève Ahmed Baba, dont la biographie de Baghayogho reste la principale source de ce dernier, Muhammad Baghayogho naît en 1523 ou 1524. Il est issu d’une famille d’ethnie wangara. Une diaspora d’origine soninké installée dans le monde mandé, y compris mandingue, qui a joué un rôle décisif dans l’introduction de l’islam en Afrique de l’Ouest. Son père, Mahmoud ibn Abou Bakr, est un juriste et théologien réputé. Il fut nommé cadi (juge) de Djenné par l’empereur de Songhaï Ishaq I contre son gré. Il exerce cette fonction entre 1539 et 1542. Muhammad a un frère, Ahmed, né la même année que lui d’une mère différente.
Etudes
Muhammad étudie l’arabe et le droit avec son père et son oncle ainsi qu’avec Ahmad ibn Said. Tous trois des juristes réputés. Avec ce dernier, il étudie aussi les Hadith (traditions du prophète). Un autre de ses maîtres est Ahmad ibn Ahmad, père d’Ahmad Baba. Avec lui, il apprend les sources de la jurisprudence, la rhétorique et la logique. Il peut aussi être déduit qu’il a étudié bien d’autres disciplines. A savoir le Coran, la stylistique, la dogmatique, l’astronomie ou la prosodie et de nombreux auteurs appartenant à tout le monde musulman, de l’Espagne à l’Asie Centrale.
Activités
Comme son père et son grand-père avant eux, Muhammad et Ahmad refusent d’être nommés juge de la ville par l’empereur de Songhaï, qui est alors l’Askia Daoud. Contrairement à leurs aïeux toutefois, leur refus est accepté par l’empereur. Vers 1580, Muhammad et Ahmed effectuent leur pèlerinage à la Mecque avec l’oncle maternel de Muhammad. Ils s’installent ensuite, ou entre temps, à Tombouctou où Mohammed devient Imam de la mosquée Sidi Yahya, la plus prestigieuse mosquée de la ville. L’activité de Mohammed comme arbitre de disputes entre habitants de la de l’empire, célèbres (comme l’empereur) ou non, est bien documentée. Les travaux écrits de Muhammad Baghayogho, bien qu’ils n’aient pas été retrouvés, seraient des commentaires sur les erreurs de commentateurs du Mukhtasar de Khalil, un ouvrage de référence de jurisprudence islamique. Il est aussi connu pour avoir décrété de nombreuses fatwas. Après la mort d’un de ses principaux maîtres, Ahmad ibn Said en 1568, Muhammad Baghayogho se consacre en grande partie à l’enseignement dans le cadre duquel figure les disciplines qu’il a étudié. Le portrait de Baghayogho l’enseignant dressé par son brillant étudiant Ahmed Baba le présente comme un homme et en enseignant aussi humble et généreux que savant, pédagogue, philanthrope et pieux.
L’invasion marocaine de Songhaï
Après l’invasion marocaine de Songhaï, le pacha marocain Mahmoud Zarqun arrêta en 1593 tous les grands savants de Tombouctou et devant leur résistance en tuant quatorze et en déportant le reste au Maroc. Seul Muhammad Bagayogho, en raison de son association avec la mosquée Sidi Yahya réputée fondée par un Marocain, fut épargné et resta à Tombouctou. Il y consola la famille des savants déportés et organisa les funérailles de ceux tués.
Cet incident, que son élève Ahmed Baba décrit comme ‘la Grande Catastrophe’ sera le dernier contact qu’auront le maître et son élève avant la mort du premier en 1594. Le portrait émouvant dressé par Ahmed Baba à l’endroit de Muhammad Baghayogho nous permet de resituer l’impact dans l’histoire noire et du monde de celui qui fut l’un des plus grands savants d’un des plus grands centres intellectuels de son époque.
Bibliographie:
John O. Hunwick / “A Contribution to the Study of Islamic Teaching Traditions in West Africa: The Career of Muhammad Baghayogho 930/1523-24 to 1002/1594”
Andreas W. Massing / Baghayogho, A Soninke Muslim Diaspora in the Mande World
L’empire de Songhaï, un des plus vastes états de l’histoire africaine