L’origine négro-africaine de l’Homme moderne

Selon le modèle théorique dominant « Out of Africa« , l’Homme moderne est né noir dans la région des grands lacs et a commencé a peupler la Terre il y a environ entre 50 000 à 100 000 ans. En lisant cet article, vous saurez pourquoi l’homme et la femme africaine sont les pères et les mères de l’Humanité. 

En ce début de XXIe siècle, la communauté scientifique à travers le globe s’accorde sur l’hypothèse de « l’origine africaine récente de l’Homme moderne » [1]. Selon cette théorie, l’Homme serait originaire d’Afrique de l’Est et tous les membres de la famille humaine descendraient d’un ancêtre négro-africain commun [2].

Ce consensus scientifique n’a pas toujours été une évidence. En effet, entre le XVIIe siècle la fin de la Première Guerre Mondiale nombre de « savants » occidentaux ont nié l’origine négro-africaine de l’Homme. Il s’agissait, sans doute, pour la science occidentale de justifier les crimes de l’esclavage et de la colonisation. 

Parmi les « éminents » érudits niant la théorie de « l’origine africaine récente de l’Homme moderne » nous retrouvons :

  • Le naturaliste français Georges-Louis Leclerc, Comte de Buffon (1707-1788) et l’anatomiste allemand Johann Blumenbach, qui croyaient dur comme fer qu’Adam et Ève étaient de « race blanche » ainsi que les géniteurs de l’humanité. Les autres groupes humains n’étant que le résultat d’une dégénérescence. [3] 
  • John Hunter, un célèbre chirurgien écossais (1728-1793), qui considérait que la « race négroïde«  était originellement blanche mais, qu’en raison de l’intensité du soleil, les Africains sont devenus noirs. [4]
  • Le naturaliste français et chantre du racisme scientifique, Georges Cuvier (1769-1832), qui, quant à lui considérait Adam et Ève comme caucasiens et constituant la « race originelle » de l’humanité. [5]
« Nous n’achetons des esclaves domestiques que chez les Nègres ; on nous reproche ce commerce. Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l’acheteur. Ce négoce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maître était né pour en avoir. » ~ Voltaire, Essai sur les mœurs et l’esprit des Nations

Mais il y eut aussi des scientifiques pour préférer affirmer que Blancs et Noirs n’avaient pas la même origine. On trouve parmi eux Voltaire (1694-1778), le plus connu des philosophes des Lumières (excusez du peu). L’auteur de Zadig pensait que chaque race/espèce (termes synonymes à l’époque de Voltaire) d’Homme avait une origine différente. Dans l’introduction de l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, Voltaire écrit :

« Il n’est permis qu’à un aveugle de douter que les blancs, les nègres, les albinos, les Hottentots, les Chinois, les Américains, soient des races entièrement différentes… Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses, leurs oreilles différemment figurées, la laine de leur tête, la mesure même de leur intelligence, mettent entre eux et les autres espèces d’hommes des différences prodigieuses. Et ce qui démontre qu’ils ne doivent point cette différence à leur climat, c’est que les nègres et les négresses, transplantés dans des pays les plus froids, y produisent toujours des animaux de leur espèce… » [6]

Toutes ces fables pseudo-scientifiques ne résistent cependant pas à une confrontation avec la réalité factuelle. Assurément, lorsque la science moderne a voulu retracer la genèse du genre humain, elle ne s’est pas attardée très longtemps en Europe. Comme l’explique le Dr Francois Balloux, expert en biologie évolutive, génétique, biologie humaine à l’University College London  :

« Pour tester une théorie alternative aux origines de l’homme, nous avons essayé de trouver une origine non-africaine. Nous avons simplement trouvé que cela ne fonctionne pas. Notre étude montre que les humains sont bien originaires de l’Afrique sub-saharienne. » [7]

Le Dr Cheikh Anta Diop, précurseur pour ce qui concerne l’importance et l’ancienneté de la place des Africains dans l’histoire.

L’historien, anthropologue, égyptologue de renom, Cheikh Anta Diop, héraut de l’apport de l’Afrique noire à la marche de l’Histoire mondiale, insistait, pour sa part, sur la négritude des premiers Hommes :

« Cette humanité est née sous l’Équateur sur la latitude du Kenya, c’est-à-dire sous une latitude le où flux de radiation ultraviolet est tel que tout organisme humain né de cette latitude est nécessairement pigmenté et noir. Il n’aurait pas été possible à la première humanité de survivre, si elle n’était pas pigmenté. La nature ne créant rien au hasard, donc la pigmentation à une fonction protectrice de l’organisme et protège l’organisme contre les rayons ultraviolet qui auraient détruit complètement toutes les cellules de l’organisme. » [8]

Ainsi donc, Homo Sapiens est né noir en Afrique il y a environ 200 000 ans. Ceci par est ailleurs attesté par les preuves archéologiques. À ce jour, les plus vieux ossements d’Homo sapiens connus viennent d’Afrique de l’Est. Il s’agit de l’Homo Sapiens Idaltu découvert en 1997, à côté du village de Herto, daté d’il y a 154 000 ans et d’Omo 1 et Omo 2, découverts à Kibish, en Éthiopie, en 1967 et datés quant à eux d’il y a 195 000 ans.

Représentation de Homo Sapiens Idaltu, Addis Ababa National Museum, Ethiopie

La génétique elle aussi peut aussi nous éclairer sur l’identité de l’Homme originel. Effectivement, lorsque l’on plonge dans les mystères de l’ADN du genre humain, les choses deviennent plus claires. Connaissez-vous l’Ève mitochondriale ? Non, pas celle de la Bible… Il s’agit, dans notre cas de l’ancêtre matrilinéaire la plus récente de toute la famille humaine. Selon une découverte datant de 2007 confirme l’origine africaine de l’Ève mitochondriale. Elle serait originaire d’Afrique de l’Est et aurait vécut il y a 160 000 ans. Tous les hommes quant à eux ont hérité leur chromosome Y d’un homme qui a vécu il y a 140 000 ans en Afrique et quel’on nomme l’Adam Y-Chromosomique.

En fait, Adam et Eve auraient plutôt ressemblé à ça.

Par ailleurs, une équipe de chercheurs de l’Université de Cambridge a publié dans la revue Nature les résultats de ses recherches sur la théorie de l’origine de l’Homme. Selon eux, aucun doute : Homo Sapiens est d’origine sub-saharienne (Éthiopie, Kenya ou Tanzanie). [9]

Ce n’est pas tout, la diversité génétique des Africains est aussi un indice de l’origine négro-africaine de l’humanité. C’est en tout cas ce que laisse à penser une étude réalisée en mai 2002 par des chercheurs du Département d’écologie et d’évolution de l’University of Chicago. Selon eux, il y a une plus grande diversité génétique chez les Africains que chez les eurasiatiques. Ils enfonceront le clou en ajoutant que la diversité génétique des eurasiatiques est en grande partie un sous-ensemble de celle des Africains. Étant donné qu’il n’existe pas d’autre centre de diversité génétique similaire à l’extérieur de l’Afrique, la preuve ADN constitue une preuve de plus en faveur de « l’origine africaine récente de l’Homme moderne« .

Aperçu de la diversité des populations africaines.

Andrea Manica, la chef de l’équipe, en est venu à la conclusion que :

« Plus vous vous éloignez de ce centre de diversité [l’Afrique, NDLR] où vous avez commencé, moins vous avez de diversité ». [10]

Il existe de nombreuses preuves permettant de dater l’exode mondial des Africains il y a environ 125 000 ans. En cartographiant l’apparition et la fréquence des marqueurs génétiques de nos contemporains, les chercheurs ont pu retracer où et quand les premiers hommes se sont déplacés sur la planète entière. Ces grandes migrations ont finalement mené les descendants d’un petit groupe d’Africains à occuper même les régions les plus éloignées de la Terre [11] :

  • L’Homme moderne (Négro-africain) a colonisé toute l’Afrique il y environ 150 000
    • Colonisation depuis l’Afrique de l’Est
    • Colonisation de l’Afrique Australe
  • Colonisation de l’Afrique Centrale/Ouest
  • L’Homme moderne sort d’Afrique il y à environ 80 000 ans
  • L’Homme moderne atteint le Proche-Orient il y a environ 75 000 ans via le Bab el Mandeb (Éthiopie/Yémen)
  • L’Homme moderne atteint l’Asie du Sud il y a environs 50 000 ans
  • L’Homme moderne atteint l’Australie il y a environ 46 000 ans
  • L’Homme moderne atteint l’Europe il y a environ 43 000 ans
  • L’Homme moderne atteint l’Amérique il y 23 000 ans
Carte des premières migrations humaines

Enfin, il existe un autre argument de taille allant en faveur de « l’origine africaine récente de l’Homme moderne« . C’est sans doute l’argument le plus déconcertant pour celles et ceux qui ne sont pas familiers du sujet. Il s’agit de l’apparition de la peau blanche sur Terre. Il semblerait que la leucodermie [12] ne soit survenue que très récemment (entre 6 000 et 8 500 ans)

Selon le Dr Iain Mathieson de l’Université d’Harvard, les chasseurs-cueilleurs retrouvés en Espagne, au Luxembourg et en Hongrie ne possédaient pas les gènes responsables de la peau blanche, il y a encore 8 500 ans [13]. Un autre scientifique, le professeur Alan Cooper, directeur du Centre australien pour l’ADN antique à l’Université d’Adélaïde estime que la composition génétique de l’Europe moderne s’est établie il y a 6 500 ans. Pour ce dernier : 

« La génétique montre que quelque chose autour de ce point a provoqué la disparition des signatures génétiques des populations précédentes. Cependant, nous ne savons pas ce qui s’est passé ou pourquoi. « 

Homme de Grimaldi, ancêtre des Européens. Reconstitution diffusée par la BBC en 2002.

Ces découvertes remettent l’Histoire de l’humanité en question. Alors qu’on les pensait bien plus vieux, les blancs n’auraient même pas 10 000 ans d’existence. C’est ce qu’expliquera Nina Jablonski, chercheur à l’Université de Pennsylvanie :

« Ce que nous avions imaginé était cohérent : l’émergence de la peau claire est due à un mélange de diverses populations occupant le nord de l’Europe. Ce résultat est passionnant et il prouve à quel point ces évolutions sont récentes. » [14]

Selon Dr Keith Cheng, un généticien du Pennsylvania State University College of Medicine les Européens auraient « éclairci assez récemment, peut-être il y a seulement 6 000 à 12 000 ans« . Le Dr Hans Eiberg de l’Université de Copenhague considère de son côté que tous les humains aux yeux bleus ont subi une « mutation génétique » il y a entre 6 000 et 10 000 ans. Gary Leupp, professeur d’histoire à l’Université Tufts va dans le même sens en déclarant :

« La nouvelle recherche soutient la théorie selon laquelle la propagation de l’agriculture en Europe il y a seulement environ 6 000 ans a favorisé la survie des personnes atteintes de la mutation génétique produisant une peau claire.« 

Des chercheurs de l’Université de Chicago pensent que « les gènes semblent avoir été transformés par une sélection naturelle … Au cours des 5 000 à 15 000 dernières années« . Dans son ouvrage intitulé Origin of Racial Characteristics in Man, Lodewijk « Louis » Bolk écrit :

« La peau blanche (...) a commencé à partir d’un ancêtre à la peau noire, dont la couleur des cheveux et la couleur de l’iris de sa progéniture ont été supprimées de plus en plus.« 

Pour conclure, nous pouvons affirmer qu’au vu des éléments précités (qui sont des pistes de réflexion et des clés de compréhension), il devient très compliqué (impossible ?) de nier l’origine négro-africaine de l’Homme moderne. Les parents de l’Humanité tout entière sont des africains, noirs de peau. N’en déplaise à tout ceux pour qui « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire » [15], les faits attestent qu’en réalité, l’HOMME AFRICAIN EST L’HISTOIRE !!!

Après avoir lu cet article, voici la tête que vous ferez lorsque l’on vous dira que l’Afrique n’est pas le berceau de l’Humanité

 

 

Notes et références :

[1] Homo Sapiens, de Homo signifiant « être humain » et de Sapiens signifiant « sage » est le seul représentant actuel du genre Homo. Il est l’Homme anatomiquement moderne. Sa particularité se situe au niveau de l’abondance et de la sophistication de ses réalisations techniques et artistiques, de l’importance de l’apprentissage et de l’apport culturel dans le développement de l’individu, mais aussi par l’ampleur des transformations que Homo Sapiens à opéré sur les différents écosystèmes de la planète.

[2] Liu Hua, Prugnolle Franck, Manica Andréa et Balloux François, « A geographically explicit genetic model of worldwide human-settlement history ». Aout 2006

[3] Harris, Marvin, « The Rise of Anthropological Theory: A History of Theories of Culture« . 2001

[4] Idem.

[5] Georges Cuvier, « Tableau élémentaire de l’histoire naturelle des animaux« . 1798

[6] Voltaire, « Essai sur les mœurs et l’esprit des nations« . 1756

[7] Manica, Amos, Balloux et Hanihara, « The effect of ancient population bottlenecks on human phenotypic variation », Nature, vol. 448,‎ 19 juillet 2007

[8] Dr Cheikh Anta Diop lors d’une interview vidéo enregistrée le 05 Septembre 1985 

[9] Manica, Amos, Balloux et Hanihara, « The effect of ancient population bottlenecks on human phenotypic variation », Nature, vol. 448,‎ 19 juillet 2007

[10] Idem.

[11]  « Single, Rapid Coastal Settlement of Asia Revealed by Analysis of Complete Mitochondrial Genomes« . Science, 13 Mai 2005

[12] La leucodermie correspondant à un manque ou absence de mélanine dans les couches normalement pigmentée de la peau.

[13] 84th annual meeting of the American Association of Physical Anthropologists

[14] « Il y a 8000 ans les européens avaient une peau foncée, preuve des origines africaines« . Hominidés.com, 21 Avril 2015

[15] Discours de Dakar, le 26 juillet 2007, à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar

 

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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