Fondé par les ancêtres des actuels Wolofs sur le territoire de l’ancienne Sénégambie, l’empire de Djolof est un des grands états musulmans médiévaux d’Afrique de l’Ouest.
Par Sandro CAPO CHICHI / Nofipédia
Origines
Les origines de l’empire de Jolof restent floues.On s’accorde généralement pour les faire remonter au 13ème siècle. Selon la tradition, la fondation de cet état serait à mettre au crédit du légendaire Ndiadiane Ndiaye. Fils d’un musulman venu de l’orient, parfois décrit comme descendant du calife almoravide Abou Bakr et d’une femme locale, Ndiadiane Ndiaye aurait accédé au trône au détriment d’un de ses frères, devenant le premier roi du Waalo, avant de fonder un autre état, celui de Djolof. Ce serait à sa cour qu’aurait été créé la langue wolof, un mélange de celles des différentes populations présentes à sa cour. D’un point de vue historique, ces faits sont contestables. Il est très répandu que des dynasties du monde se réclament d’un ancêtre venant du lieu d’origine de leur religion. C’est le cas de la dynastie solomonide en Ethiopie ou de la dynastie des Oba du Bénin qui ont probablement créé ces filiations pour asseoir leur légitimité. De même, le mythe de la création d’états contemporains par une même personne ou par des frères est fréquent et semble indiquer une création a posteriori utilisée pour justifier pour hériter de la légitimité d’un état contemporain et prestigieux. On trouve notamment ces cas de figure chez les empires de Bénin et d’Oyo (actuel Nigéria) dont les deux dynasties auraient été fondées par Oranmiyan, fils d’Oduduwa, l’homme le plus proche de Dieu selon la religion yoruba. Toutefois, l’Islam n’aurait que superficiellement pénétré le territoire du Djolof.
La fondation des royaumes de Waalo et de Djolof, dont on a pu estimer qu’elle daterait du 13ème siècle ou du début du 14ème siècle aurait suivi une plus vieille culture, celle des Jaa Oogo, fondée par des Peuls ou des Wolofs. Dès l’époque de la fondation du Djolof, on trouve d’impressionnants tumuli sur le territoire de Djolof et plus précisément dans la ville de Rao, peut-être capitale de Djolof, située à vingt kilomètres au sud de la ville de Saint Louis. Ces sites ont livré de nombreux ornements en fer, en argent en laiton et en or. C’est de ces tumuli et de cette période, très peu fouillés, que fut trouvé le plus célèbre objet du Djolof, le pectoral en or, actuellement exposé au musée national de Dakar.
L’expansion
D’abord présent aux alentours du fleuve Sénégal dans la région du Waalo, la dynastie des Ndiaye se serait étendue jusqu’au bassin sénégambien dans la région du Djolof. Des traditions précisent que le nom de celle-ci proviendrait de Djolof Mbeng, qui aurait été le nom du roi malinké vaincu par Ndiadiane Ndiaye. L’Empire de Djolof allait ensuite intégrer les états du Bawol et du Cayor qui comprenait des populations wolof, sérères et malinké. La conquête du Bawol aurait été réalisée sous le règne de Ndiadiane Ndiaye par l’intermédiaire de son beau-frère Demba Geey. C’est probablement aussi à cette période qu’aurait été conquis le Cayor. C’est en revanche à la fin du 14ème ou au début du 15ème siècle qu’auraient été conquis les territoires sérères du Siin et du Saluum et dans la première moitié du 15ème siècle qu’aurait été conquise la rive nord de la Gambie.
Les rapports avec l’Empire de Mali
Selon l’épopée de Soundjata qui raconte la fondation de l’Empire de Mali, le Djolof aurait été conquis par le Mali. L’empereur malinke Soundjata Kéïta aurait envoyé son général Tiramagan Traoré conquérir le Djolof après que son empereur ait insulté Soundjata, refusant de lui vendre des chevaux. Chez les traditions des populations malinké de Sénégambie se souvenant d’avoir immigré dans la région après sa conquête par le Mali, le nom de Tiramakan Traoré est généralement inconnu et il est possible que l’épopée de Soundjata ait abusivement crédité le règne de ce dernier au 13ème siècle de la conquête d’un état aussi important que le Djolof alors qu’elle aurait probablement eu lieu plus tard. Le Djolof aurait en tous cas reconnu l’autorité de Mali tout en gardant une certaine autonomie. L’influence de cette conquête sur le Djolof aurait notamment laissé des traces avec l’emprunt de titres de chefs malinké comme fara ou faren, l’adoption de la lignée patrilinéaire, ou l’influence linguistique au niveau de la syntaxe qui avait notamment fait dire à un linguiste que le wolof était la langue de la famille atlantique la plus ‘mandéisée’.
Rencontre avec les Européens
Dans la deuxième moitié du 15ème siècle, les populations de l’Empire de Djolof sont les premières d’Afrique noire à être entrées en contact avec des explorateurs portugais. Les premiers d’entre eux étaient arrivés entre 1444 et 1446 sur les côtes de la Sénégambie. Ils allaient d’abord se livrer à des rapts avant, à la suite d’une résistance des populations locales, de convaincre celles-ci de participer aux débuts de la traite négrière. Vers 1455 da Mosto, un voyageur portugais rapporte déjà que l’empereur de Djolof vendait des esclaves aux Chrétiens comme il le faisait aux populations arabo-berbères. D’autres Européens comme les Espagnols et les Français allaient progressivement apparaître dans la région. Djolof allait principalement s’enrichir de chevaux et d’armes. A cette époque, le trône du Djolof avait été récupéré par un souverain originaire du Waalo qui avait conquis la région méridionale du Nammandiru. L’un de ses descendants aurait été un roi nommé Cukuli mentionné par les Portugais. Une trentaine d’années plus tard, le Buurba aurait été un roi puissant appelé Biram. Assassiné, sa mort allait entraîner une compétition pour le pouvoir entre son fils ou frère, le prince héritier Jyeleen et un autre prétendant. Elle allait tourner à l’avantage du second et le premier allait voyager au Portugal en 1488 pour obtenir le soutien du roi du Portugal par qui il allait être officiellement reçu et à qui il allait faire allégeance. Il allait se convertir au christianisme en échange de troupes portugaises lui permettant de conquérir le trône de Djolof et d’entretenir des liens commerciaux privilégiés avec les Européens dont bénéficiaient davantage des états côtiers comme le Cayor et le Siin. Les Portugais allaient par cet accord obtenir le droit de construire une forteresse près du fleuve Sénégal, espérant s’offrir une présence stratégique dans la région. Le projet tombera toutefois à l’eau lorsque Jyeleen allait être assassiné par l’Amiral portugais responsable du voyage.
Les états du Cayor et du Siin allaient s’enrichir et se renforcer, affaiblissant l’autorité du Buurba. Le second, sous la conduite du roi sérère Mbegane Nduur allait conquérir l’état du Saluum alors sous domination de Djolof à la fin du 15ème ou au début du 16ème siècle. Avant cela, un chef peul, Koli avait conquis le Tekrour, frontalier de Djolof avant, peut-être, de s’emparer de l’état du Nammandiru, autrefois sous dépendance de Djolof. En 1549, lors de la bataille de Danki, le Djolof allait être vaincu par le Cayor sous le leadership d’Amari Ngoone Sobel, fils du Damel (roi) Dethié Fu Njoogu Faal. Apportant le tribut au Buurba de Djolof Lele Fuli Fakk qui l’ignora pendant une semaine, Amari Ngone Sobel s’en alla irrité. Après le départ du prince de Cayor, le Buurba se lança à sa poursuite où il fut tué lors d’une embuscade tendue par Amari Ngone Sobel. La mort de Lele Fuli Fakk allait entraîner la déclaration d’indépendance du Cayor par rapport au Djolof, puis de fait une émancipation de toutes les anciennes provinces de Djolof. Cela allait sonner la fin du puissant empire de Djolof, qui si il allait survivre sous la forme d’un royaume jusqu’au 19ème siècle n’allait plus être, avec le Cayor, le Waalo et du Bawol l’un des quatre royaumes wolofs.
Pour en savoir plus :
Le Grand Jolof : XIIIe-XVIe siècle / par Jean Boulègue