Dans les ouvrages et médias occidentaux, l’Afrique noire est souvent présentée comme ayant pratiqué l’esclavage avant le contact avec les Européens. Si cela n’est pas faux, on manque souvent de rappeler que le statut de l’esclave en Afrique noire précoloniale était loin d’être comparable, dans sa cruauté et dans le statut de ses victimes, à l’esclavage dans les colonies européennes et en Amérique.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
Ainsi, au 17ème siècle, en Afrique centrale et au royaume de Kongo notamment, le moine capuchin Giacinto Brugiotti da Vetralla, cité par l’historien américain John Thornton, décrivait les esclaves locaux comme n’étant des esclaves que de nom en raison « de leur relative liberté et de la diversité des tâches qui leur étaient assignées ». Thornton poursuit en rapportant que les esclaves africains étaient souvent employés en tant qu’administrateurs, que soldats, que conseillers du roi, jouissant ainsi d’une grande liberté de mouvement et de styles de vie comparables à celui de l’élite ». Il ajoute qu’ils n’étaient souvent pas traités différemment des paysans cultivateurs et étaient l’équivalent, dans leur fonction, des paysans libres et des ouvriers en Europe. L’auteur rappelle également qu’à Kongo, le terme d’esclave, nleke, était le même utilisé pour signifier ‘enfant’, cela impliquant probablement que celui-ci était considéré et traité comme un membre de la famille.
On retrouve cette conception en Afrique de l’Ouest, notamment en Sénégambie pré-coloniale. Décrivant le traitement enviable des esclaves en Afrique pré-coloniale comparativement aux Amériques, le négrier britannique Francis Moore, cité par l’historienne Sylviane Diouf, a rapporté dans les années 1730, à propos des Mandingues de Gambie que
« Certains Mandingues possèdent de nombreux esclaves dans leurs maisons et s’en réjouissent. Ils vivent si bien et dans de si bonnes conditions qu’il est parfois difficile de différencier les esclaves de leurs maîtres et maîtresses ».
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D’autres témoignages européens cités par Moore et Diouf rapportent qu’au Sénégal, les esclaves étaient « très bien traités, mangeaient avec leurs maîtres, travaillant avec eux et étant aussi bien habillés qu’eux à un tel point qu’il était impossible de les distinguer des hommes libres », qu’il n’avait jamais été donné à l’un d’entre eux « de voir un fouet ou un quelconque autre instrument de torture utilisé sur cette partie de la côte » et qu’il ne pensait pas, selon les enquêtes qu’il avait menées, que les esclaves étaient traités avec sévérité. »
Références
Sylviane Diouf / Servants of Allah
John Thornton / Africa and Africans in the Making of the Atlantic World, 1406-1680