Par Ana Wa Walo. Tshibwabwa Mua Bay-Kamba, nous raconte comment elle a créé Kabibi magazine. Kabibi veut dire jeune femme en Swahili, c’est aussi la magnifique jeune femme noire dont Papa Wemba tombe amoureux dans le film « La Vie Est Belle ». Les jeunes femmes en couverture et dans les pages du magazine sont une déclaration d’amour à la beauté noire dans toute sa splendeur. Nous n’avons pas peur d’utiliser le mot qui fait peur à certaines marques !*
En novembre 1960 Patrice E. Lumumba écrivait à sa femme Pauline une dernière lettre.
« L’histoire dira un jour son mot, mais ce ne sera pas l’histoire qu’on enseignera à Bruxelles, Washington, Paris ou aux Nations Unies, mais celle qu’on enseignera dans les pays affranchis du colonialisme et de ses fantoches. L’Afrique écrira sa propre histoire et elle sera au nord et au sud du Sahara une histoire de gloire et de dignité. Ne me pleure pas, ma compagne. Moi je sais que mon pays, qui souffre tant, saura défendre son indépendance et sa liberté. Vive le Congo ! Vive l’Afrique ! »
Ces paroles font écho aujourd’hui en Afrique et dans sa diaspora lorsque l’on voit tous ces entrepreneurs fondateurs de médias, d’évènements qui permettent de raconter nous-mêmes notre histoire. Peut-être cela a inspiré la fondatrice du magazine Kabibi qui après avoir vécu en France, est rentrée à Kinshasa pour fonder un magazine féminin de qualité Made In Africa. Tshibwabwa Mua Bay-Kamba, nous raconte comment elle a créé Kabibi magazine.
Comment a commencé l’aventure Kabibi ?
L’aventure Kabibi a démarré en 2009 lorsque je suis rentrée en République Démocratique du Congo, mon pays. J’étais installée en France depuis plus de 20 ans, ma situation professionnelle était plutôt pas mal, mais j’avais conscience d’avoir atteint le fameux plafond de verre, et surtout je voulais monter ma propre boîte, première difficulté, dans un secteur que tout le monde disait en déclin, la presse, sur une niche dite « ethnique », terme qui ne me parlait pas. J’avais déjà senti lors de mes précédents voyages en Afrique que tout était à faire, et qu’on pouvait être les pionniers dans des tas de domaines déjà saturés en Europe. La presse féminine tout particulièrement était inexistante au Congo. J’ai été la première surprise par la rapidité avec laquelle j’ai pu monter ce projet. J’ai trouvé un financement en un mois pour me lancer, un imprimeur en Afrique du Sud en deux jours, tous les supermarchés et les kiosques du centre-ville et de la périphérie de Kinshasa ont accepté de distribuer le magazine.
Le premier numéro de Kabibi était en vente trois mois après mon arrivée. Après il a fallu gérer la logistique, car au Congo et en Afrique en général, les choses les plus simples peuvent devenir terriblement compliquées, car on travaille toujours entre le formel et l’informel. Rien n’est jamais tout à fait carré dans l’un comme dans l’autre. De plus ce numéro et les neuf autres suivants étaient gratuits, car je voulais faire découvrir le magazine au plus grand nombre. Du coup il a fallu trouver rapidement des annonceurs pour faire tourner la boîte. Au début je faisais tout, la rédaction, le marketing, le commercial, la distribution, puis avec l’engouement suscité par le magazine les choses se sont structurées. On a commencé par distribuer dans les deux Congo, puis on s’est développé, et aujourd’hui nous sommes présents en Europe, Dom Tom, la Réunion et dans plusieurs pays africains.
Quelle est la ligne éditoriale du magazine ?
Notre ligne éditoriale, c’est notre marque de fabrique, en démarrant sur un marché local on a compris tout le potentiel d’un positionnement « made in Africa ». Il se passe beaucoup de choses sur le continent actuellement, et ce n’est pas qu’une tendance marketing. Après il faut être capable de saisir et comprendre ces transformations, pour sortir des stéréotypes habituels ou du folklore de surface. Il y a des pays qui émergent plus vite que d’autres, et dans des domaines très différents. Mais globalement le lifestyle des Africains change en matière de mode, de beauté, de culture et de consommation. C’est un équilibre subtil entre les influences d’un monde globalisé, d’une culture panafricaine et de tendances locales. C’est ce que nous essayons de montrer, de traduire et de donner à apprécier.
http://nofi.fr/2015/06/entretien-avec-michael-kamdem-monsieur-roots-magazine/18933
Quelle est la différence avec les autres magazines féminins ?
Nous ne mettons pas en avant des beautés idéalisées, froides et inaccessibles sur papier glacé. « Kabibi » veut dire « jeune fille » ou « petite femme » en swahili. Nous célébrons donc la « All African Girl », la « African Girl next door », c’est-à-dire la jolie fille de tous les jours, que l’on croise chez sa copine, à la fac ou dans les nombreuses rues des capitales africaines, et dont la coquetterie est à tout épreuve. C’est dans cet esprit que depuis 4 ans nous avons lancé le concours Kabibi Cover chaque année nous offrons la possibilité à une jeune femme africaine de la faire la couverture du magazine. Ce concours rencontre un grand engouement car ceux-sont les internautes qui décident grâce à leurs votes.
Je pense que beaucoup de membres de la Diaspora africaine et des afro descendants en général en ont besoin, du moins, ils y sont sensibles. Donc on essaie de leur donner ce swagg made in Africa, de leur proposer une autre esthétique, une vision, de l’inspiration, des perspectives. Il ne suffit pas de dire qu’on veut montrer l’Afrique autrement, on n’est pas dans la revendication, ni le besoin de prouver quoique ce soit, on est dans les faits. Ce continent est beau, il faut juste bien regarder. Nos shooting font également partie de notre ADN, nous réalisons nos shooting à Kinshasa, Abidjan, Johannesburg, Bruxelles et Paris. Pour nous faire des shooting en Afrique est une volonté pour montrer la beauté du continent. Nous attachons autant d’importance aux articles, nous traitons de sujets de société qui intéressent les femmes africaines et afro-descendantes. Dans chaque numéro nos lectrices et lecteurs peuvent découvrir des portraits d’entrepreneurs, artistes, personnalités africaines et de la diaspora. Des rétrospectives des Fashion week africaines et des événements sur le continent et en Europe.
Chaque couverture du magazine est une ode à la beauté noire. Pour le numéro 39 actuellement en kiosque nous avons collaboré avec l’illustratrice Nicholle Kobi. Nous aimons collaborer avec Nicholle car par son art elle met en valeur les femmes noires. En une phrase Kabibi est le magazine de la femme africaine fièrement made in Africa !
Où peut-on trouver Kabibi ?
Le magazine est disponible en kiosque sur notre site internet vous pouvez trouver le kiosque le plus proche de chez vous. Vous pouvez également l’avoir en digital via notre application disponible sur Applestore et Google Play.
http://www.kabibimag.com/nous-trouver/
https://www.facebook.com/KABIBIMAG/videos/1903200856363681/
https://www.facebook.com/KABIBIMAG/videos/1872479962769104/
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*Aujourd’hui encore, certaines grandes marques ont peur du mot « Noir », comme l’a dernièrement démontré l’enseigne SEPHORA avec sa gamme « ethnique ».
Par Ana Wa Walo.