Le 10 janvier 2019 marque le vingt-sixième anniversaire de la fête du Vodoun (Vodou) au Bénin. Cette spiritualité bâtie sur l’harmonie des éléments (l’air, la terre, l’eau et le feu) et du culte des ancêtres, vit une période de retour en Grâce dans ce pays de 11 millions d’âmes situé entre le Togo et le Nigeria. La célébration de ce culte ancestral est devenue ces dernières années un rendez-vous incontournable dans l’agenda touristique du pays, à tel point qu’il est férié depuis 1998.
Pour la vingt-sixième année consécutive, le Bénin a célébré la fête du Vodoun. Legba le messager, Kokou le guerrier, Ogoun, dieu du Fer, Mami Wata, l’illustre déesse des Eaux, ou Zangbeto, gardien de la Nuit, entre autres, sont les divinités ancestrales qui sont honorées durant toute une semaine. Ces figures tutélaires sont inhérentes à la vie des Béninois et des afrodescendants qui pratiquent cette spiritualité. La fête du Vodoun a été instituée par Nicéphore Dieudonné Soglo, président de la république du Bénin de 1991 et 1996. Au delà de l’aspect communautaire et festif, Soglo avait dès l’époque compris l’enjeu crucial que représentait un tel événement pour la renaissance africaine:
« C’est en 1990 que j’ai lancé en tant que Premier Ministre, l’idée de l’organisation annuelle d’un festival international des religions traditionnelles pas la fête du seul vaudou comme se plaise à dire certains esprits mal informés. L’idée a mûri et a pris de la consistance avec la tenue en février 1993 du festival «Ouidah 92» au cours duquel nous avons célébré ensemble avec la Diaspora, la densité et la valeur humaniste des religions traditionnelles, fondement du spiritualisme africain. Je me suis résolu à cette époque, à donner substance à cette quête permanente d’identité de l’homme noir, sur cette terre nourricière et pétrie d’histoires et de culture, de notre cher pays, parce que j’estimais qu’après quatre siècles de traite négrière et un siècle de colonisation qui avaient chosifié l’homme noir, le temps était enfin venu de revendiquer avec Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor, notre personnalité, notre dignité et notre négritude.
Car, on ne peut traîner indéfiniment une âme d’esclave et de colonisé. Nous devons être fiers de notre culture, de notre histoire, de notre peuple, de notre race. L’Afrique berceau de l’humanité et la source des origines, est une terre d’accueil, une terre de tolérance, de respect des différences… le christianisme et l’islam ont plusieurs jours de fête pour commémorer des personnalités ou des moments de leur histoire. C’est donc une question d’équité que d’accorder aux religions endogènes pratiquées par une large frange de la population béninoise, ne serait-ce qu’un jour de fête. Par conséquent, il n’y a dans la démarche d’instaurer ce jour de fête aucun défi, encore moins une animosité contre d’autres religions. Pourtant, c’est malheureusement ce que certains ont voulu y voir, en se lançant dans de vives critiques contre la fête du 10 janvier et son initiateur que je suis. Or, il s’agissait tout simplement d’une démarche de reconnaissance de nos valeurs traditionnelles. »
« Mets-toi à l’aise et sers-toi de ce dont tu as besoin dans la nature » serait l’une des définition du terme « Vodoun ». Ou encore « Ce qu’on ne peut élucider, la puissance efficace ». Le Vodou s’articule autour de deux représentations sexuées: Mawu ( féminin) et Lissa (masculin). Mawu et Lissa ont eu quatorze enfants dotés de pouvoirs surnaturels dont : Chango, le dieu du tonnerre; Nana Bouloukou, la déesse de la terre, de la nuit et ses mystères; Mami Wata, divinité des eaux. On peut tenter d’expliquer ce découpage par un passage symbolique entre les deux univers: celui des vivants (le palpable) et celui des morts (le spirituel); entre le Dieu suprême et les humains. Les Vodoun incarnent des éléments et des phénomènes de la nature. A l’instar des religions dites révélées, le Vaudou conçoit qu’un Dieu (au-dessus des autres dieux) est créateur de l’univers.
Selon l’ancien président, la quête d’identité de l’homme noir procède d’une exigence de devoir de mémoire. En cela, cette dernière est toujours d’actualité. Car, aucun homme ne peut avoir confiance en lui-même ni se considérer comme acteur de son histoire et du développement de son pays s’il ne se reconnaît pas dans sa culture, s’il n’est pas fier de son identité. Le Vaudou, originaire du royaume de Danhomè (actuels Togo et Bénin), n’est pas précisément né à Ouidah. Pourtant, c’est de là que ce culte de l’invisible et des esprits de la nature s’est exporté en Louisiane, au Brésil, en Haïti, pour compter aujourd’hui 50 millions de membres à travers le monde. C’est la raison pour laquelle bon nombre d’afrodescendants des Caraïbes et des Amériques font le déplacement jusque dans cette ville pour se reconnecter à leur terre d’origine, acquérir des connaissances, pratiquer les rites spirituelles et honorer les Vaudouns. La Santería, l’Obeah, le Vaudou Haïtien ou encore le Candomblé témoignent de la puissance de la transmission de cette forme de spiritualité. Cela en dépit du déracinement et de la répression. Cette fête est donc aussi l’occasion pour les curieux de venir découvrir une spiritualité contemporaine et intemporelle. Car le Vaudou, comme tous les cultes, a la particularité de se célébrer essentiellement en communauté. En effet, un Hounnon ou une Mambo appelés aussi Vaudounon (prêtre et prêtresse Vaudou) ne sont rien sans les Vaudounsi (adeptes) et vice-versa.
Un petit tour d’horizon de quelques divinités, bien que le panthéon Vodoun compte environs 300 divinités:
Xêvioso ou Shango est une divinité du ciel qui se manifeste par la foudre. Symbolisé par une double hache, il est le dieu justicier qui châtie les voleurs, les menteurs, les malfaiteurs.
Sakpata ou chakpana est le dieu de la terre. Si craint que les gens n’osent pas prononcer son nom. C’est la divinité qui propage la variole.
Dan est le serpent. Il se manifeste à travers l’arc-en-ciel. Il peut aussi se présenter sous la forme d’un homme et combler de richesses ceux qui l’accueillent bien.
Gou est la divinité des forgerons, des chasseurs et de tous ceux qui manipulent le fer ou les armes en fer. C’est un dieu représenté par un amas de ferrailles. Il protège mais il peut également punir par des accidents sanglants.
Lègba /Elegbara ou Eshu est le Dieu de la croisée des chemins, la divinité Vaudou du désordre de la méchanceté, de l’intelligence et de la ruse. Il remplit des fonctions et des rôles bien souvent contradictoires qui ne sont pas sans rappeler le dieu de la mythologie grecque Hermès.
À ces divinités majeures, s’ajoutent des divinités secondaires.
Excellente fête du Vodoun à ceux qui le pratiquent !