Découvrez l’impact et la portée du discours emblématique de Malcolm X au sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine, où il a plaidé pour l’unité africaine et la lutte contre l’injustice.
La deuxième Conférence des chefs d’État de l’Organisation de l’Unité Africaine, qui s’est déroulée du 17 au 21 juillet 1964 au Caire, a marqué un moment historique pour Malcolm X. Cet événement lui a fourni une plateforme internationale pour exposer les injustices subies par les Afro-Américains et solliciter le soutien de ses frères africains.
Dans son discours poignant, Malcolm X a souligné les liens indissolubles unissant l’Afrique à sa diaspora et a appelé à une solidarité transcontinentale face à l’oppression. Voici une traduction de son appel vibrant aux dirigeants africains, les exhortant à reconnaître et à agir contre les souffrances endurées par les Noirs aux États-Unis.
L’appel à l’unité et à la justice de Malcolm X au sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine
L’Organisation de l’Unité Afro-Américaine m’a envoyé afin d’assister à cette conférence historique du Sommet africain en qualité d’observateur pour représenter les intérêts de 22 millions d’Afro-Américains dont les droits humains sont violés quotidiennement par le racisme des impérialistes américains.
L’Organisation de l’Unité Afro-Américaine a été créé par un échantillon représentatif de la communauté afro-américaine d’Amérique et elle est inspirée par la lettre et par l’esprit de l’Organisation de l’Unité Africaine.
De même que l’Organisation de l’Unité Africaine a appelé tous les dirigeants africains à submerger leurs différences et à s’unir sur des objectifs communs pour le bien commun de tous les Africains, l’Organisation de l’Unité Afro-Américaine a appelé les dirigeants afro-américains à noyer leurs différences et de trouver des zones d’accord dans lequel nous pouvons travailler dans l’unité pour le bien de l’ensemble des 22 millions d’Afro-Américains.
Étant donné que nous étions 22 millions d’Africains, qui sont maintenant en Amérique, non pas par choix, mais seulement par un accident cruel dans notre histoire, nous croyons fermement que les problèmes africains sont nos problèmes et que nos problèmes sont des problèmes africains.
Nous croyons aussi qu’en tant que chefs des États africains indépendants, vous êtes les bergers de tous les peuples africains, qu’ils soient encore ici, sur le continent, ou qu’ils aient été éparpillés.
Certains dirigeants africains à cette conférence ont laissé entendre qu’ils ont assez de problèmes ici sur le continent mère sans ajouter le problème Afro-Américain.
Avec tout le respect dû à vos positions estimés, je dois vous rappeler que le Bon Berger laissera 99 brebis en sécurité à la maison pour aller au secours de celui qui est perdu et tombé entre les griffes du Loup l’impérialiste.
Nous autres, en Amérique, sommes vos frères et sœurs depuis longtemps perdus, et je suis ici pour vous rappeler que nos problèmes sont vos problèmes. Alors que les Afro-Américains «se réveillent» aujourd’hui, nous nous trouvons dans une terre étrangère qui nous a rejetés et, comme le fils prodigue, nous nous tournons vers nos frères aînés pour nous aider. Nous prions pour que nos supplications ne tombent pas dans des oreilles sourdes.
Nous avons été emmenés de force, enchaînés depuis ce continent mère et avons désormais passé plus de 300 ans en Amérique, souffrant des formes les plus inhumaines de tortures physiques et psychologiques imaginables.
Au cours des 10 dernières années, le monde entier a vu nos hommes, femmes et enfants être attaqués et mordus par des chiens policiers vicieux, brutalement battus par les matraques de la police, et arrosé par des tuyaux d’eau à haute pression qui déchiraient les vêtements de nos corps et la chair de nos membres.
Et toutes ces atrocités inhumaines nous ont été infligées par les autorités gouvernementales américaines, la police elle-même, sans aucune autre raison que celle de chercher la reconnaissance et le respect accordé aux autres êtres humains en Amérique.
Le gouvernement américain est incapable ou peu disposé à protéger les vies et les biens de vos 22 millions de frères et sœurs afro-américains. Nous sommes sans défense, à la merci des racistes américains qui nous assassinent à volonté uniquement parce que nous sommes noirs et d’origine africaine.
La semaine dernière, un éducateur afro-américain non armé à été assassiné de sang froid en Géorgie; Quelques jours auparavant, trois artisan des droits civils ont complètement disparu, peut-être même assassinés, eux aussi, uniquement parce qu’ils enseignaient à notre peuple dans le Mississippi comment voter et comment sécuriser leurs droits politiques.
Nos problèmes sont vos problèmes. Nous vivons depuis plus de trois cents ans dans cette tanière de loups américains racistes, dans la crainte constante de perdre la vie et d’être mis en pièces. Récemment, trois étudiants du Kenya ont été confondus avec des Noirs américains et ont été brutalement battus par la police de New York. Peu de temps après, deux diplomates d’Ouganda ont également été battus par la police de New York, qui les a pris pour des Noirs américains.
Si les Africains sont brutalement battus en visitant les États-Unis, imaginez les souffrances physiques et psychologiques reçues par vos frères et sœurs qui y vivent depuis plus de 300 ans.
Notre problème est votre problème. Peu importe combien d’indépendance africaines arrivent ici sur le continent mère, à moins que vous ne portiez votre robe nationale en tout temps quand vous visitez l’Amérique, vous pouvez être confondu avec l’un de nous et subir les mêmes mutilations psychologiques et physiques qui sont des événements quotidiens dans notre vies.
Vos problèmes ne seront jamais complètement résolus tant et à moins que les nôtres ne soient résolus. Vous ne serez jamais pleinement respectés tant que nous ne serons pas respectés. Vous ne serez jamais reconnus comme des êtres humains libres tant que nous ne serons pas aussi reconnus et traités comme des êtres humains.
Notre problème est votre problème. Ce n’est pas un problème noir, ni un problème américain. C’est un problème mondial, un problème pour l’humanité. Ce n’est pas un problème de droits civils, c’est un problème de droits de l’Homme.
Nous prions pour que nos frères africains ne se soient pas libérés du colonialisme européen pour être vaincus et dominés par le dollarisme américain. Ne laissez pas le racisme américain être «légalisé» par le dollarisme américain.
L’Amérique est pire que l’Afrique du Sud, parce que non seulement l’Amérique est raciste, mais elle est aussi fourbe et hypocrite. L’Afrique du Sud prône la ségrégation et pratique la ségrégation. Elle, au moins, pratique ce qu’elle prêche. L’Amérique préconise l’intégration et la pratique la ségrégation. Elle prêche une chose et en pratique trompeusement une autre. L’Afrique du Sud est comme un loup vicieux, ouvertement hostile à l’humanité noire. Mais l’Amérique est rusée comme un renard, amicale et souriante, mais encore plus vicieuse et mortelle que le loup.
Le loup et le renard sont tous les deux des ennemis de l’humanité, tous deux sont des canins, qui humilient et mutilent leurs victimes. Tous deux ont les mêmes objectifs, mais ne diffèrent que par des méthodes.
Si l’Afrique du Sud est coupable de violer les droits humains des Africains ici sur le continent mère, alors l’Amérique est coupable de pires violations des 22 millions d’Africains sur le continent américain. Et si le racisme sud-africain n’est pas un problème domestique, alors le racisme américain n’est pas lui aussi un problème domestique. Nous exhortons les États africains indépendants à nous aider à porter notre problème devant les Nations Unies, au motif que le gouvernement des États-Unis est moralement incapable de protéger la vie et les biens de 22 millions d’Afro-Américains. Et au motif que la détérioration de notre situation devient définitivement une menace pour la paix mondiale.
Par frustration et désespoir, nos jeunes ont atteint le point de non retour. Nous n’avons plus la patience et ni l’intention de tourner l’autre joue. Nous revendiquons le droit à la légitime défense par tous les moyens nécessaires et nous nous réservons le droit de maximiser les représailles contre nos oppresseurs racistes, quelles que soit l’adversité à la quelle nous ferons face.
Nous sommes bien conscients que nos efforts futurs pour nous défendre en ripostant ; en confrontant la violence à la violence, oeil pour œil et dent pour dent ; pourrait créer le type de conflit racial en Amérique qui pourrait facilement se transformer en une violente guerre de race mondiale sanglante. Dans l’intérêt de la paix et de la sécurité mondiales, nous prions les chefs d’États africains indépendants de proposer une enquête immédiate sur notre problème à la Commission des droits de l’homme des Nations Unies.
Un dernier mot, mes frères bien-aimés à ce Sommet africain: «Personne ne connaît mieux le maître que son serviteur». Nous sommes serviteurs en Amérique depuis plus de 300 ans. Nous avons une connaissance approfondie de cet homme qui s’appelle « Oncle Sam ». Par conséquent, vous devez tenir compte de notre avertissement. N’échapper pas au colonialisme européen pour être encore plus asservi par le dollarisme américain fourbe et «amical».
Que les bénédictions d’Allah sur la santé et la sagesse soient sur vous tous.
~ Malcolm X
L’héritage intemporel de Malcolm X : un phare de justice et d’unité africaine
Le discours de Malcolm X au sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine demeure, des décennies plus tard, un témoignage puissant de la lutte incessante pour la justice sociale et l’unité africaine. En articulant avec éloquence les liens profonds entre l’Afrique et sa diaspora, Malcolm X a non seulement mis en lumière les injustices subies par les Afro-Américains, mais a également posé les fondations d’une solidarité transnationale qui continue d’inspirer les mouvements de libération à travers le monde.
Nous vous invitons chaleureusement à plonger plus profondément dans l’univers fascinant de Malcolm X, l’histoire des droits civiques, et le pan-africanisme sur notre site Nofi.media. À travers une riche sélection d’articles, d’analyses, et de récits, découvrez les luttes, les triomphes, et les enseignements de ces mouvements qui ont façonné non seulement l’histoire africaine et afro-américaine, mais aussi le cours de la justice sociale à l’échelle mondiale.