Chengbundyeh est le nom donné aux temples-palais des Bamileke de l’ouest du Cameroun. D’une hauteur de 25 à 30 mètres, il était autrefois présent dans chaque chefferie de la région.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
A cause de l’influence occidentale et de ses critères de civilisations, de nombreux Afro-descendants cherchent désespérément pour se convaincre de l’existence de civilisations en Afrique subsaharienne, des traces d’architecture monumentale. Qu’il s’agisse ou non d’un critère valable d’évaluation de la ‘civilisation’, il existe pléthore de cas d’architecture monumentale dans cette région du monde. Un exemple de ceux-ci se trouve chez les Bamiléké du Cameroun.
Art et architecture chez les Bamilékés de l’ouest du Cameroun
S’ils sont bien connus hors de leur communauté pour leur supposée réussite économique, les Bamilékés de l’ouest du Cameroun sont connus des historiens de l’art comme d’excellents sculpteurs et architectes. Leur matériau de prédilection dans ces deux domaines est sans conteste le bois. C’est d’un brillant assemblage entre la sculpture et l’architecture que résulte d’ailleurs l’un des plus remarquables ouvrages d’art et d’architecture d’Afrique.
Le Chengbundyeh
Dans de nombreuses langues bamiléké, cheng est le mot pour ‘case’. Traditionnellement, il fait référence, chez les dignitaires, à un type d’architecture bien déterminé.
Quatre parois construites avec des tiges de palmier-raphia sont couverts d’un toit en forme de cône recouvert de paille. Traditionnellement, l’importance du dignitaire dans la société pouvait être mesurée par la grandeur de l’édifice et le détail apporté à ses décorations. Ces dernières pouvaient notamment être composées de piliers et de portes sculptées en bois.
Qu’ils s’agissent de ces derniers ou des murs, ils sont réalisés de manière séparée à terre par des spécialistes de l’assemblage de tiges de palmier-raphia et des sculpteurs de bois. Les parois sont constituées de plusieurs épaisseurs de tiges superposées horizontalement et verticalement. Elles sont ensuite attachées aux piliers d’angles quant à eux faits en bois. Le plafond était également construit à partir de plusieurs couches de branches de palmier raphia, les deux premières formant un carré et la troisième dépassant la largeur des parois du bâtiment et le placement des piliers pour protéger ceux qui s’y trouvent des intempéries.
Ce n’est qu’ensuite qu’ils sont assemblés pour donner lieu à l’architecture que l’on connaît. A la tête de la société se trouve le chef ou Fo(n). Son pouvoir est évidemment traduit dans l’aspect de son Cheng qui se devait d’être le plus grand et le plus décoré de toute la chefferie. Son nom, Chengbundyeh signifie littéralement « la case heureuse » ou « la case de la chance ». Ce type de constructions, dont le spécimen le plus fameux est aujourd’hui celui de Bandjoun, mesurait de 25 à 30 mètres de haut et longue et large de 20 mètres.
Le chengbundyeh, qui sert à la fois de lieu de résidence du souverain, du lieu où il rendait les décisions de justice, et d’une sorte de temple où étaient accomplis certains rituels religieux, daterait chez les Bamileke d’u 17ème siècle au plus tard. Traditionnellement, il se retrouvait dans toutes les chefferies bamiléké. Avec la colonisation et les différents conflits armés qui ont touché l’ouest du Cameroun toutefois, ce type de constructions a souvent cédé sa place à une architecture plus inspirée de l’Europe. Certaines chefferies traditionnelles bamiléké, comme Bafut et Bandjoun continuent toutefois à préserver, avec un acharnement faisant fi des intempéries et des incendies, cette forme d’architecture qui par son caractère monumental et par bien d’autres choses encore, fait la fierté de l’Afrique et de sens enfants à travers le monde.
Références
Louis Perrois & Jean Paul Notue / Rois et sculpteurs de l’Ouest Cameroun: la panthère et la mygale
www.museumcam.org/bandjoun/creation.php