Le pass en Afrique du Sud était une sorte de passeport interne imposé aux hommes noirs avant et durant le régime de l’apartheid. Cet outil de ségrégation interdisait à ses possesseurs de se déplacer hors des lieux du pays dans lesquels ils étaient autorisés à rester. A plusieurs reprises dans l’histoire, des activistes sud-africains ont protesté contre ce symbole du colonialisme et de la ségrégation en le brûlant symboliquement en public.
Le pass
A partir de la fin du 18ème siècle, les populations africaines de l’actuelle Afrique du Sud subirent des lois les forçant à porter sur eux des sortes de passeports internes : les pass. Ces documents attestaient auprès des autorités coloniales de leur identité et des zones de résidence auxquels ils étaient cantonnés. Franchir ces dernières, ou simplement voyager sans pass relevait du crime. D’un autre côté, le pass avait été conçu pour exploiter les Africains natifs. Leurs mouvements restreints en faisaient une main d’oeuvre toujours disponible et contrôlable pour le colon. Très vite, le pass devint un symbole de l’apartheid à brûler symboliquement pour les Africains soucieux de retrouver leur liberté.
Les campagnes anti-pass
1919
En 1919, environ 3000 Africains natifs manifestèrent devant le bureau des Pass de Johannesbourg. Ils y laissèrent en guise de protestation des sacs remplis de pass. Les forces de l’ordre attaquèrent et blessèrent de nombreux manifestants qui ne ripostèrent pas, décidés à agir de manière non-violente. Les manifestations non-violentes continuèrent durant plusieurs jours et s’épuisèrent alors que les protestataires furent condamnés à des amendes, à de la prison, à des châtiments corporels et à des travaux forcés. La loi fut maintenue.
1952
En 1952 fut organisée la campagne de défiance contre les lois injustes par l’African National Congress. A cette occasion, des dizaines de milliers de personnes manifestèrent en contrevenant volontairement aux lois jugées injustes, sachant volontairement qu’elles allaient se faire arrêter. Parmi ces défiances, on trouvait notamment l’action de brûler le pass, considéré comme le symbole de la servitude des Sud-Africains sur leurs terres.
Les organisateurs et participants à ces manifestations espéraient ainsi que le trop grand nombre de manifestants incarcérés forcerait les autorités coloniales à accepter leurs revendications. Au delà des incarcérations, des manifestants furent ainsi brutalisés par les forces de l’ordre souhaitant les décourager.
1960
Les manifestations allaient toutefois se poursuivre durant la décennie. En 1960, lors d’une manifestation contre le port du pass, plusieurs milliers de manifestants noirs se rendirent devant le poste de police de Sharpeville où des officiers tirèrent de manière indistincte sur eux, faisant au moins 69 morts et 180 blessés.
En réaction à cette tragédie, Albert Luthuli, le président de l’ANC, fut le premier à brûler son pass et à inciter les autres à faire de même. Albert Luthuli fut arrêté et condamné à payer une amende alors que Robert Sobukwe, le Président du Pan African Congress, également organisateur de campagnes de destruction de pass, fut condamné à trois ans de prison.
Avec l’état d’urgence et la répression qui allaient suivre, l’ANC et le PAC allaient être interdits et ne survivre que dans la clandestinité. Incarcérées, les figures publiques de ces campagnes comme Mandela ou Sobukwe allaient payer de leur liberté le maintien de la flamme de l’espoir chez leurs compagnons de lutte contre la servitude. Une lutte qui, des décennies plus tard, allait déboucher sur une victoire avec l’abrogation du pass en 1986 ; une victoire que les soldats qui s’étaient préparés à mourir pour leur cause comme Sobukwe ou Luthuli, décédés plus tôt n’auront toutefois jamais connu.