Jean-Bedel Bokassa, ou Bokassa Ier, fut l’empereur auto proclamé de la Centrafrique de 1976 à 1979. Atteint par la fièvre du pouvoir, il eut malheureusement à sa disposition une terre assez riche pour assouvir son amour du faste et ses extravagances. Vif, rusé et impitoyable, il a assujettit son peuple, au gré de ses caprices. Un despote résolu et aveuglé par son avidité qui entraînera dans son sillon, les promesses d’une République souveraine, entièrement libre et autonome
Enfance et éducation
Il naît le 22 janvier 1921, dans le village de Bobangui, à l’est de la capitale centrafricaine. Son père, le chef de village Mindogon Mgboundoulou se rebelle contre les autorités coloniales et libère des esclaves dans les plantations de coton. Remettant ainsi en question le travail forcé alors en vigueur, il est arrêté, condamné à la peine de mort, et exécuté sur la place du village le 13 novembre 1927. Dès l’âge de six ans, Jean-Bedel se retrouve donc orphelin de père, puis de mère, une semaine plus tard, lorsque celle-ci se donne la mort. Il sera élevé par son grand-père.
Poursuivant son éducation au sein de l’école de la mission catholique, il renonce à la carrière de prêtre voulue par les missionnaires, et s’engage dans l’armée coloniale en mai 1939. En tant que sergent dans les forces françaises libres, Bokassa participe au débarquement et à la bataille du Rhin, en France. Après cela, il poursuit ses études secondaires dans une école militaire du Sénégal, à Saint-Louis, puis de nouveau en France à Châlons-sur-Marne. Envoyé au front en Indochine et en Algérie, il rentre, décoré de la Croix de guerre et de la Légion d’honneur et termine sa carrière comme capitaine de l’armée française. Détaché du bataillon, il est chargé de travailler à la constitution d’une nouvelle armée centrafricaine, de la former et de l’encadrer. Plus tard, il quitte les troupes françaises et intègre celles de la Centrafrique en tant qu’officier supérieure.
De l’armée à la tête du pays
La République Centrafricaine est proclamée le 1er décembre 1958. Le pays accède à son indépendance le 13 août 1960. David Dacko, cousin de Jean-Bedel Bokassa, en devient le président, grâce au soutient de la France. La dictature se met en place et Bokassa prend du grade : colonel, conseiller militaire puis, chef d’état-major en 1964. Dacko commet l’erreur stratégique de se rapprocher de la Chine, en pleine période de guerre froide. La France se détourne de lui, au profit de son chef d’Etat-major et cousin, Bokassa…
En 1965, le chef des gendarmes ainsi que certains de ses hommes, tentent un coup d’état. Ils prévoient de renverser Dacko et aussi d’arrêter et de faire emprisonner Bokassa. Ce dernier, endossant, en apparence, son rôle de garde de la République, promet de déjouer le fourbe projet, mais, il n’en sera rien. Au contraire, opportuniste, il profite de la situation et la tourne à son avantage en renversant lui-même David Dacko. Il accède au pouvoir le 31 décembre 1965, qu’on appellera le « Coup d’Etat de la Saint-Sylvestre ».
Le 2 avril 1968, avec le Tchad et le Congo Kinshasa, il participe à la création de l’Union des Etats d’Afrique Centrale (UEAC). Favorable à un retour aux travaux de la terre, il impose une réforme agraire dès 1970, condamnant la bourgeoisie et la corruption et insistant sur la valeur du travail manuel.
Jean-Bedel Bokassa est soutenu par la France, en dépit du régime despotique et violent qu’il impose aussitôt qu’il accède à la présidence. En mars 1969, il est officiellement reçu par le Général de Gaulle à Paris, qui voit en lui un allié (un pion) quant à la défense de ses intérêts et, l’exploitation tolérée des mines d’Uranium centrafricaines à Bakouma. Pourtant francophile devant l’éternel, Bokassa n’en perd pas moins de vue son objectif qui est de perdurer au pouvoir jusqu’à sa mort. Il est Prêt à toutes les sournoiseries pour atteindre ce but : il se proclame président à vie le 2 mars 1972, puis maréchal le 19 mai 1974. Entre-temps, Bokassa remanie son gouvernement et y intègre le poste de Premier Ministre, qu’il donne à une femme, Elisabeth Domitien, première femme africaine à occuper cette fonction en Afrique le 2 janvier 1975.
En 1976, afin de s’attirer les faveurs et l’argent du colonel Kadhafi, il se convertit à l’islam en 1976 et devient Salah Eddine Ahmed Bokassa. La même année, il dissout le gouvernement et le remplace par le Conseil de la révolution centrafricaine, auquel il intègre son cousin déchu et jusqu’alors emprisonné, David Dacko, comme conseiller.
Le 4 décembre 1977, Bokassa s’auto-sacre Empereur de la Centrafrique. Fanatique de Napoléon Bonaparte, qu’il voit comme le plus grand homme de tous les temps, il organise une cérémonie fastueuse, fastidieuse et grotesque : 5 000 invités, triés sur le volet sont conviés au palais des sports de Bangui. Aucun chef d’état africain ne sera présent, seul le Premier ministre de l’île Maurice fera le déplacement. Le reste des convives présents sont des européens, et surtout, des français comme Robert Galley, ministre de la coopération… De plus, la France participe activement à cette parodie de sacre : La réplique de la tunique de Napoléon Ier que Bokassa enfile pour l’occasion, a été conçue par les bons soins du couturier Pierre Cardin. Le vêtement était en toile épaisse, fourré à la peau d’hermine blanche, orné de broderies en fils d’or et de pierres précieuses. Cardin s’occupera également des autres pièces de la garde-robe impériale. Le sculpteur Olivier Brice façonne le trône, n’omettant pas d’y intégrer le symbole de l’aigle, symbole de Napoléon Ier. Le joaillier Claude-Arthus Bertrand confectionne la couronne d’or pur, sertie de 7 000 carats de diamants. 60 000 bouteilles de champagne et de vin de Bourgogne ; 10 000 pièces d’orfèvrerie ; 600 smokings et 200 uniformes sont envoyés. Le Haras national du Pin (Normandie) fournit, sur ordre de l’Elysée, les huit chevaux qui tirent avec grand peine le carrosse d’or et de bronze servant à promener l’empereur dans les rues de Bangui. Deux d’entre eux mourront et le cortège poursuivra sa procession en limousine… Tous ces artisans français contribuèrent au succès des festivités grâce à l’entremise du politicien Jean-Pierre Dupont. Le coût de cette soirée serait estimé à environ 100 millions de francs français de l’époque, dont une grande partie provenait de l’aide financière libyenne. Il exigea auprès de la France, que le service cinématographique de l’armée française réalise le film de son intronisation, pour ses archives personnelles. Ce qui fut fait.
La chute du régime Bokassa
Bokassa est désormais « Empereur de Centrafrique par la volonté du peuple centrafricain, uni au sein du parti politique national : le MESAN (Mouvement pour l’évolution sociale de l’Afrique noire). C’est à partir de là qu’il apparaît aux yeux du monde comme un mégalomane, d’autant qu’il prétend vouloir l’instauration d’une monarchie constitutionnelle, afin de se démarquer des autres états africains, d’instaurer l’unité et d’imposer le respect au monde entier. Mais en réalité, le régime n’est ni plus ni moins qu’un sinistre totalitarisme.
Pourtant, à partir de 1979, les choses se gâtent. Bokassa, qui n’a jamais été très populaire auprès de ses maîtres français perd peu à peu le contrôle du pays. Les relations entre la Centrafrique et la France s’étant dégradées davantage depuis la consternante démonstration de mégalomanie de Bokassa. Ce dernier lui reproche également d’avoir considérablement diminué ses aides financières.
La même année, Bokassa réprime une manifestation lycéenne dans un bain de sang. Le massacre se poursuivra en prison, pour les quelques jeunes incarcérés et l’empereur y participera lui-même. Dans la nuit du 20 septembre 1979, alors que Bokassa se trouve en Libye, la France lance l’opération CABAN. Un coup d’état militaire orchestré par le gouvernement au cours duquel l’empereur est renversé et son cousin déchu, l’ex-président David Dacko réhabilité. Il proclame la fin de l’empire et la deuxième République de Centrafrique, soutenu par les généraux français et leurs armées, ainsi que celles de leurs alliés africains.
Vient s’ajouter à cela l’affaire des diamants, révélée le 10 octobre 1979 par la presse française (Le canard enchaîné) et jettent officiellement l’opprobre sur les relations françafricaines. Bien qu’elles soient d’usage depuis toujours. Néanmoins, le fait qu’un tel échange soit révélé au grand jour entre Valéry Giscard d’Estaing alors président de la république, oblige l’Europe à se désolidariser et prendre expressément position contre Bokassa. Il est ici question de plusieurs plaquettes de diamants gracieusement offertes à VGE entre 1973 et 1979. En conséquence, ce dernier perdra la présidentielle de 1981. Destitué, Bokassa se réfugie d’abord à Abidjan en Côte d’ivoire, où il passe quatre ans, après quoi il s’exile en France dans son château d’Hardricourt. Ses biens, dont les reliques de son couronnement, seront progressivement saisis par la justice française à cause des dettes qu’il a cumulées.
Décès et réhabilitation de l’Empereur
Condamné à mort par contumace, il retourne malgré tout à Bangui en 1986 où il est arrêté. Quatre chefs d’accusation pèsent sur lui : trahison, meurtre, détournement de fond et cannibalisme. Lors de son second procès, qui se tient le 12 juin 1987, la condamnation à mort est confirmée, les charges pour cannibalisme sont abandonnées. Pourtant, sa peine se transforme en prison à perpétuité, puis en seulement 10 ans d’emprisonnement en février 1988. Son avocat est le français George de Geouffre de La Pradelle. Le président de l’époque, André Kolingba, le gracie en 1993, trois ans avant sa mort. Le 3 novembre 1996, Jean-Bedel Bokassa succombe à une crise cardiaque, à l’âge de 75 ans. Il est inhumé dans son palais de Berengo. Le président François Bozizé le réhabilite dans tous ses droits le 1 er décembre 2010, en symbole de la proclamation de la République Centrafricaine (1er décembre 1958). Toutefois, dans les esprits, il demeure l’Empereur Bokassa Ier de Centrafrique, tortionnaire orgueilleux et francophile invétéré.
On lui connaît 18 femmes et 40 enfants dont Prince Charlemagne, Prince Jean-Bedel, Prince Saint-Cyr et Prince Saint-Sylvestre…