Le programme en 10 points du Black Panther Party for Self-Defense

Le programme en 10 points (The Black Panther Party for Self-Defense Ten-Point Platform and Program), est la ligne directrice du Black Panther Party. Il énonce les idéaux et le mode de fonctionnement de l’organisation noire révolutionnaire.

Ce document fut rédigé en 1966 par les fondateurs du Black Panther Party, Huey P. Newton et Bobby Seale, dont l’idéologie se situait à la croisée du marxisme et du nationalisme noir. Tous les membres du Party devaient respecter et pratiquer activement le programme, de manière quotidienne. Le programme en 10 points fut publié le 15 mai 1967 dans le deuxième numéro de l’hebdomadaire du parti, The Black Panther. Par la suite, l’ensemble des 537 numéros qui suivirent contenaient le programme intitulé « What We Want Now! »

Programme en 10 points
Huey Newton (à droite) et Bobby Seale, fondateurs du Black Panther Party, au siège du parti à San Francisco. © Ted Streshinsky

Le programme en 10 points se divise en deux sections :

  • la première, intitulée « What We Want Now!« , décrit ce que le Black Panther Party attendait de ce qu’il décrivait comme les leaders racistes de la société américaine.
  • La seconde section, intitulée « What We Believe« , expose la philosophie du Party et les droits que les Afro-Américains auraient du, depuis longtemps, obtenir mais qui étaient (et sont toujours) niés. Il est structuré de la même manière que le Bill of Rights [1] des États-Unis de la Constitution des États-Unis.
Programme en 10 points
Un lieutenant de la police d’État, Ernest Holloway, attrape le bras d’un membre du Black Panther Party alors qu’il tente de le repousser au Capitole avec un fusil dans la main gauche. Le lieutenant voulait seulement le prévenir de ne pas causer de troubles à l’intérieur. © Bettmann

« What We Believe » réclame ce qui est considéré par le Black Panther Party comme un remboursement pour les injustices commises contre la communauté noire. Par exemple, le point 3 déclare :

« Nous croyons que ce gouvernement raciste nous a volé, et aujourd’hui, nous exigeons le remboursement de l’arriéré de la dette impayée de deux mules et de 40 acres qui furent promis il y a un siècle en compensation de l’esclavage et du meurtre massif des Noirs. Nous accepterons le paiement en espèces qui sera distribué à toutes nos communautés. »

Selon les leaders du Black Panther Party, la communauté noire avait été privée depuis bien trop longtemps de ses droits, et pour Bobby Seale et Huet P. Newton, la seule manière d’y remédier était de rembourser ce qui leur avait été dérobé durant l’inique période de l’esclavage.

Programme en 10 points
Photo hautement symbolique de Huey P. Newton circulant aux côtés du programme en 10 points. Il portait le bonnet noir des Black Panthers, incliné sur le côté, couvrant l’oreille droite, et vêtu de l’uniforme standard des membres de l’organisation.

D’une importance primordiale pour le Black Panther Party, le programme en 10 points égrainait les « besoins physiques et tous les principes philosophiques » auxquels les militants aspiraient. A ce sujet, Huey Newton déclarait que cela n’avait rien de nouveau mais que le programme du Party était quelque chose que « les Noirs ont exprimé depuis plus de 100 ans depuis la Proclamation d’émancipation et même avant« . Le Black Panther Party for Self-Defense Ten-Point Platform and Program s’inspirait d’ailleurs du Muslim Program de la Nation of Islam, écrit par Elijah Muhammad dans son livre Message to the Blackman in America (1965) qui lui aussi exprimait les désirs, les besoins et les croyances que la communauté noire pouvaient lire et intégrer facilement. [2]

Voici la traduction du Black Panther Party for Self-Defense Ten-Point Platform and Program pour Nofi : 

What we want now !/Ce que nous voulons maintenant !

  1. Nous voulons la liberté. Nous voulons le pouvoir de déterminer la destinée de notre Communauté Noire.
  2. Nous voulons le plein emploi pour notre peuple.
  3. Nous voulons que cesse le pillage de la communauté noire par les Blancs.
  4. Nous voulons des logements décents, aptes à abriter des êtres humains.
  5. Nous voulons l’éducation pour notre peuple qui exposerait la véritable nature décadente de la société américaine. Nous voulons une éducation qui nous apprenne notre véritable histoire et notre rôle dans la société actuelle.
  6. Nous voulons que tous les hommes noirs soient exemptés du service militaire.
  7. Nous voulons une fin immédiate aux meurtres et aux brutalités de la police.
  8. Nous voulons la liberté pour tous les Noirs détenus dans les prisons et pénitenciers fédéraux, d’État, de comté et municipaux.
  9. Nous voulons que tous les Noirs, lorsqu’ils comparaissent devant un tribunal, soient jugés par un Jury composés de leurs pairs, ou par des gens issus de leurs communautés noires, comme le stipule la Constitution des États-Unis.
  10. Nous voulons de la terre, du pain, des logements, un enseignement, de quoi nous vêtir, la justice et la paix, et comme notre objectif principal : un plébiscite supervisé par l’Organisation des Nations Unies se déroulant dans la « colonie » noire, et auquel ne pourront participer que des sujets noirs « colonisés », afin de déterminer la volonté du peuple noir quant à sa destinée nationale.
programme en 10 points
Les Black Panthers se rendant à une conférence de presse à New York pour protester contre le procès d’un de leurs membres, Huey P Newton. © MPI

What we believe/Ce que nous croyons

  1. Nous croyons que les Noirs ne seront pas libres tant qu’ils ne pourront pas décider de leur propre destinée.
  2. Nous croyons que c’est la responsabilité du gouvernement fédéral de fournir à chacun un emploi ou un revenu garanti. Nous croyons que si les hommes d’affaire américains ne veulent pas nous garantir le plein emploi, alors les moyens de productions doivent leur être retirés et placés entre les mains de la communauté, ainsi les gens de cette communauté pourront s’organiser et employer tous ses membres et leur donner un mode de vie haut de gamme.
  3. Nous croyons que ce gouvernement raciste nous a volé, et aujourd’hui, nous exigeons le remboursement de l’arriéré de la dette impayée de deux mules et de 40 acres qui furent promis il y a un siècle en compensation de l’esclavage et du meurtre massif des Noirs. Nous accepterons le paiement en espèces qui sera distribué à toutes nos communautés. Les Allemands aident aujourd’hui les Juifs en Israël à titre de réparation du génocide de leur peuple. Les nazis tuèrent 6 millions de Juifs. Les racistes américains ont pris part au massacre de plus de 50 millions de Noirs ; voilà pourquoi nous considérons que notre requête est bien modeste.
  4. Nous croyons que si les propriétaires blancs ne fournissent pas de logements décents à la communauté noire, alors le logement et la terre devront être transformé en coopératives ainsi, avec l’aide du gouvernement, nous pourrons construire des logements décents pour les gens.
  5. Nous croyons en un système éducatif qui donnera à notre peuple la connaisse de lui-même. Si un homme n’a pas la connaissance de sa position dans la société et dans le monde, alors il n’a qu’une faible chance de s’intéresse à quelque chose d’autre. 
  6. Nous croyons que les Noirs ne devraient pas être forcés de se battre dans le service militaire pour défendre un gouvernement raciste qui ne nous protège pas. Nous ne combattrons ni ne tuerons d’autres gens de couleur dans le monde qui, comme les Noirs, sont persécutés par le gouvernement raciste blanc américain. Nous nous protégerons nous-mêmes contre la brutalité et la violence exercées par la police et les militaires racistes, par tous les moyens nécessaires. [3]
  7. Nous croyons qu’il est de notre devoir de faire cesser la brutalité policière contre nos communautés noires en s’organisant en groupes d’autodéfense noirs destinés à défendre la communauté noire de la brutalité et de l’oppression de la police raciste. Le second amendement de la Constitution des États-Unis d’Amérique donne le droit de porter des armes. Nous pensons donc que les Noirs doivent s’armer eux-mêmes pour l’autodéfense.
  8. Nous croyons que tous les Noirs devraient être relâchés des innombrables prisons parce qu’ils n’ont pas été jugé en toute justice et en toute impartialité.
  9. Nous croyons que les tribunaux devraient s’en tenir à la Constitution des États-Unis afin que les Noirs soient jugés équitablement. Le 14 ème amendement de la Constitution des E.U. donne à tout homme le droit d’être jugé par ses pairs. Un pair est une personne d’un milieu économique, social, religieux, géographique, historique, identique et de même origine raciale. Pour le juger, la Cour devra être forcée de sélectionner un jury dans la communauté noire d’où provient l’accusé noir. Nous avons été, et nous sommes toujours jugés par des jurys composés uniquement de Blancs qui n’ont aucune compréhension de la mentalité du Noir moyen dans la Communauté.
  10. Quand au cours de l’Histoire humaine, il devient nécessaire pour un peuple de rompre les liens politiques qui l’assujettissait à un autre, et de se faire parmi les puissances du monde, la place de nation indépendante à part entière à laquelle lui donnent droit les lois de la nature et du Créateur. Le respect des opinions d’autrui exige que ce peuple fasse connaître les raisons qui l’ont poussé à la rupture. Nous tenons pour vérités premières que les hommes naissent égaux ; qu’ils ont été pourvus par le créateur de certains droits inaliénables parmi lesquels la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Que pour sauvegarder ces droits, des gouvernements ont été institués parmi les hommes, qui détiennent leurs pouvoirs légitimes du consentement des gouvernés ; que chaque fois qu’un type de gouvernement s’avère aller à l’encontre de ces fins, il est du droit des hommes de le modifier ou de l’abolir, et d’instituer un nouveau gouvernement reposant sur des principes tels, et organisant ses pouvoirs d’une manière telle, qu’il paraisse plus en mesure d’assurer leur sécurité et leur bonheur. La prudence, bien sûr, exige que les gouvernements depuis longtemps établis ne soient pas changés pour des raisons futiles et éphémères ; et l’expérience montre effectivement que l’homme est plus enclin à souffrir, lorsque les maux sont supportables, qu’à user de son droit pour changer la situation à laquelle il est habitué. Mais quand une longue suite d’abus et d’usurpations, poursuivant invariablement le même objectif, montre la volonté d’un gouvernement à exercer un despotisme absolu à l’encontre de l’homme, il est de son droit, il est de son devoir, de détruire un tel gouvernement et de se donner de nouveaux garants pour sa sécurité future.
Programme en 10 points
Des membres du Black Panther Party manifestent devant le Palais de justice un mois après que 21 membres n’aient été accusés de complot contre des magasins de la ville, un poste de police et un chemin de fer, à New York. © Jack Manning/New York Times Co.

VOUS AIMEREZ AUSSI :

https://nofi.fr/2016/11/les-programmes-de-survie-du-black-panther-party/33102

Notes et références

[1] Le Bill of Rights (ou déclaration des droits) est composé des 10 premiers amendements à la Constitution des États-Unis.

[2] Elijah Muhammad ~ « The Muslim Program« , www.noi.org

[3] Le Black Panthers Party avait gagné en puissance au cours de la guerre du Vietnam. C’est pour cette raison que la section «What we believe» comprenait également que les Noirs soient exemptés du service militaire.

 

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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