Si les poupées existent depuis l’Antiquité, les premières poupées noires, « Black dolls » commercialisées n’ont vu le jour qu’à partir de 1820.
Les Black Dolls : Une aide à la construction identitaire
Issu du mot latin « Pupa » signifiant « petite fille », les poupées permettent aux jeunes filles de se créer des partenaires de jeu depuis l’Antiquité. Héroïne, demoiselle en détresse, petite sœur, hôte de « tea party », on peut trouver une centaine de déclinaisons à l’utilisation de celles-ci. Les poupées ont donc un rôle symbolique dans la vie des enfants. Car à cet âge là, ils sont en plein développement de leur personnalité.
À 2 ans l’enfant commence à se découvrir lui même, à prendre conscience de qui il est. Il va ensuite découvrir l’autre, par la socialisation commençant dans la cellule familiale. Durant cette période l’enfant a besoin de s’identifier pour se construire. C’est donc tout naturellement qu’il va se tourner vers ses jouets pour l’y aider. Mais comment une poupée peut-elle être un vecteur pour la construction de l’identité s’il n’en existe pas à l image de l’enfant en question?
Car si les poupées existent depuis l’Antiquité, les premières poupées noires, « Black dolls » commercialisées n’ont vu le jour qu’à partir de 1820. Année où l’esclavage était encore d’actualité et représentait un des enjeux socio-politiques importants des États-Unis.
Composées de papier mâchés, ces poupées étaient confectionnées en Allemagne; centre de l’industrie de la fabrication de poupées et de jouets de l’époque. L’Allemagne exportait ces poupées vers plusieurs continents.
Toutefois, on pourrait se demander quels étaient les destinataires et à quelles fins ? Puisqu’en ces temps d’esclavage les enfants noirs n’avaient certainement pas le temps de jouer à la poupée. Les seules potentielles destinataires seraient donc les jeunes maitresses qui auraient symboliquement dans leurs caisses à jouets, une représentation de leur environnement social.
Alors que l’esclavage prenait fin et que la ségrégation faisait surface, les poupées de porcelaines noires firent leur apparition. Venant ainsi remplacer les poupées en papier mâchés, celles-ci ne résistant pas à l’eau.
Le test de Kenneth Clark
Dans les années 1950 dans une Amérique encore dirigée par des lois ségrégationnistes, le psychologue Kenneth Clark a mené une étude sociologique afin de mettre en évidence l’image qu’avaient d’eux-même les enfants afro-américains. Pour ce faire, il a disposé deux poupées sur une table. Une noire et une blanche. Il a ensuite posé une série de questions à des enfants afro-americains.
Avec quelle poupée ils aimeraient jouer? Ou encore, quelle poupée était la plus jolie? la plus gentille? la plus méchante? la plus moche? Puis enfin, laquelle leur ressemblait? Il s’avère que la grande majorité des enfants préféraient jouer, à cette époque, avec une poupée blanche. Elle leur semblait « plus belle », « plus gentille ». Pourtant, tous ces enfants avaient reconnu ressembler à la poupée noire, poupée qui d’après eux était « la plus moche » et « la plus méchante ».
Pourtant, plusieurs compagnies américaines comme Madame Alexander ou Horsman Dolls avaient déjà entre 1910 et 1930, commencé à produire des poupées noires.
Malgré la popularité naissante de ces poupées noires au XXème siècle, les résultats de cette expérience sont paradoxaux. Pourquoi un enfant noir rejetterait-il une poupée noire? Cela nous ramène à une question identitaire. Vraisemblablement, l’environnement socio-culturel influence l’enfant dans son propre processus d’identification. Cette époque ségrégationniste a donc eu un impact indéniable renforçant ainsi un complexe d’infériorité chez l’Homme noir au point d’altérer la construction identitaire des plus jeunes.
Shani, la Barbie noire
On peut tout de même soupçonner un éveil des consciences suite cette expérience, puisque de grandes entreprises de jouets comme Mattel ont commencé à comprendre l’enjeu de la diversité ethnique sur leurs produits. En 1967, Mattel lance sa première Barbie noire : Francie. Elle lancera ensuite en 1991 : Shani plus typée. Puis quelques années plus tard la ligne : So in style.
Aujourd’hui, la société semble avoir compris que la poupée joue un rôle prépondérant dans le processus de construction de l’identité de l’enfant. Aussi de nos jours plusieurs poupées existent: de différentes couleurs, de différentes tailles, de différentes origines. L’artiste Kay Black a même créé des poupées atteintes de maladies génétiques comme l’Albinisme et le Vitiligo. Toutes ces poupées à la peau, aux yeux, aux formes et aux cheveux différents, ont pour but de montrer à toutes les jeunes filles d’aujourd’hui que la beauté est multiple.