« Venue des bas-fonds du « Deep South », une nouvelle lueur illumine le Monde le 26 janvier 1944 : Angela Yvonne Davis. Elle deviendra flamme, embrasera une population entière, portant le combat sur tous les fronts, n’ayant qu’un seul but : Justice et Egalité pour tous, Liberté pour son peuple »
Angela voit le jour à Birmingham en Alabama. Elle est confrontée dès son plus jeune âge au racisme et à l’oppression au sein de son quartier au surnom révélateur de « Dynamite Hill ». La ségrégation raciale est toujours en vigueur, c’est une période de troubles politiques majeurs. Ses parents, tous deux enseignants et activistes communistes, l’élèvent dans l’idée philosophique et politique de la contestation et la résistance. Elle participe déjà à 12 ans au boycott d’une compagnie de bus pratiquant la ségrégation.
En 1958, à 14 ans, Angela obtient une bourse pour étudier à New York à l’« Elizabeth Irwin High School » qui dispose d’un programme aidant des élèves noirs du Sud à poursuivre leur scolarité. Ce lycée privé est surnommé « Little Red School House » en raison de son attachement ostentatoire aux mouvements politiques de gauche. Angela y fréquente les enfants de leaders communistes, dont Bettina Aptheker qui écrira en 1975 un livre sur elle. Elle est recrutée par le « Youth Communist Group » (Jeunesses Communistes).
Son baccalauréat en poche, Angela part étudier en 1961 à l’université de Brandeis, dans le Massachusetts où elle rencontre le philosopheHerbert Marcuse (1) qui deviendra son mentor. Elle part étudier en France de 1963 à 1964. Elle est à Biarritz quand lui parvient l’annonce d’une attaque à la bombe contre l’église de sa ville natale : quatre enfants qu’elle connaît personnellement sont tués (des camarades de classe de la petite Condoleeza Rice marquée à jamais par ce drame). Angela est cruellement touchée par cet attentat, symptôme d’un racisme enraciné dans le sud des Etats-Unis, où une vie noire ne vaut rien.
Angela étudie ensuite à Paris à la Sorbonne, et enfin en Allemagne à l’université Goethe où elle suit les cours de Theodore Adorno (2).Ces différents séjours d’étude à l’étranger lui ont permis d’une part de découvrir le militantisme en France aux côtés des algériens et en Allemagne auprès des jeunesses socialistes, et d’autre part d’approfondir ses connaissances de la tradition philosophique du marxisme.
Forte de ces expériences, Angela décide de rentrer aux Etats-Unis afin de mettre ses théories en pratique, et combattre pour son propre peuple, le peuple noir.
Activisme radical et notoriété
En 1968, après avoir obtenu son doctorat, Angela Davis est devenue enseignante à l’université de San Diego. Elle commence à militer au sein du parti communiste et des Black Panthers (3) ; elle s’investit totalement dans la vie de la communauté noire en proie aux rafles incessantes de la police raciste (3).
Dans un Etat où lynchages et exécutions sommaires sont devenus banals, s’engager dans la défense des droits civiques implique de risquer sa vie quotidiennement et de s’attirer les foudres du gouvernement, qui surveille désormais Angela de très près. Elle est témoin de l’assassinat de trois de ses amis sur le campus, et peu de temps après, elle est dénoncée comme communiste par un de ses étudiants. Elle est renvoyée par la direction de l’université, exhortée par Ronald Reagan alors gouverneur.
Dans ce contexte survint l’événement qui marquera à jamais l’existence d’Angela Davis : le 7 août 1970, une prise d’otages est organisée pour tenter de faire évader George Jackson, un membre des Black Panthers condamné à vie à l’âge de dix-huit ans pour avoir volé 70$. Quatre personnes trouveront la mort ce jour là, et trois autres seront grièvement blessées.
Etant membre du comité de soutien de George Jackson, Angela est accusée par le FBI d’avoir fourni les armes nécessaires à cette opération : elle devient la troisième femme de l’Histoire à être inscrite sur la liste des personnes les plus recherchées par le FBI, la fameuse « Most Wanted List ». Angela Davis passe deux mois à fuir et se cacher, sa notoriété se forge et s’accroît durant cette période comme l’atteste sur de nombreuses maisons une pancarte : « Angela notre sœur, tu es la bienvenue dans cette maison ».
La panthère noire est finalement arrêtée le 13 octobre, accusée de meurtre et de kidnapping. Elle est placée en détention provisoire ; elle restera seize mois au « Women’s Detention Center » de New York. L’opinion publique internationale se mobilise pour la soutenir : entre autres John Lennon et Yoko Onoenregistrent la chanson « Angela », les Rolling Stones écrivent pour elle « Sweet Black Angel »,Jacques Prévert lui dédie un poème (4) et 100 000 personnes manifestent à Paris pour obtenir sa libération, Louis Aragon et Jean-Paul Sartreà leur tête. Angela est finalement libérée sous caution.
Elle attendra le 4 juin 1972 pour être acquittée de toutes les charges qui pèsent contre elle par un jury entièrement blanc, au cours d’un procès ultra médiatisé qui mettra à jour la machination fomentée par le FBI.
Une légende est née.
Une détermination toujours intacte.
Aujourd’hui à 61 ans, Angela Davis est toujours non pas une réformatrice, car des réformes ne suffiraient pas selon elle à améliorer le Monde, mais une vraie révolutionnaire.
Son principal combat est la lutte pour l’abolition de la peine de mort aux Etats-Unis (5), et contre le système carcéro-industriel. En effet dans ce pays l’industrie pénitentiaire est une source intarissable de profit pour le gouvernement et les sociétés privées qui la gèrent.
Elle n’est malheureusement plus aussi populaire que dans les années 70 parce que les mass médias l’ont oubliée et que la communauté noire, son principal soutien, lui tient rigueur de son opposition à la « Million Man March » organisée par Louis Farrakhan (Nation of Islam) en 1995 (6).
En effet, féministe dans l’âme, Angela ne pouvait que s’opposer à un mouvement qui refusait aux femmes le droit de manifester. Son geste a été récupéré et déformé par Farrakhan qui a profité de l’occasion pour répandre l’idée selon laquelle l’homosexualité de l’ex-Black Panther serait à l’origine de cette contestation. Angela Davis s’est effectivement engagée dans la lutte pour les droits des gays, comme elle l’a fait pour toutes les minorités. Elle n’a jamais réellement démenti ni confirmé le fait d’être lesbienne.
Mais peu lui importent ses nombreux détracteurs, Angela est et restera une guerrière infatigable, constamment en action contre l’injustice, comme le démontre sa présence à de nombreux événements autour du Monde : manifestation contre la guerre en Irak, soutien à Mumia Abu Jamal (5), forum social européen, la liste est longue…
Sa vie entière a été dévouée à sa cause, à notre cause. Elle continue également à répandre son message au travers de ses livres et des cours de « consciousness » (éveil de la conscience) qu’elle dispense à l’université de Santa Cruz en Californie.
Son credo : au lieu d’inculquer des connaissances pré fabriquées, il faut encourager le développement de l’esprit critique :
« D’une conscience authentique de l’oppression naît la nécessité, clairement perçue par un peuple, d’abolir l’oppression. L’esclave qui tend à cette perception claire découvre vraiment le sens de la liberté. Il sait ce que signifie la disparition du rapport de maître à esclave. » Angela Davis parle, Editions sociales, Paris, 1971
Le docteur Davis a lutté toute sa vie et continue de lutter contre toute forme de discrimination. Son vœu le plus cher est de réussir à faire partager son combat au grand public afin que nous vivions dans un monde plus juste. Angela Davis nous appelle tous à être conscients de notre propre pouvoir, et à prendre notre destin en mains.