Queen Sugar, une étude afro-sociologique par Oprah Winfrey et Ava Duvernay

Queen sugar est une série afro-américaine qui, au-delà de faire écho aux mémoires de l’esclavage à travers les champs de cannes à sucre, traite des problématiques existentielles que traversent la population noire américaine à travers les caractéristiques des personnages. Y sont abordées les difficultés d’insertion professionnelle ou encore la toxicomanie. Ces multiples composantes affirmées ou suggérées tout au long des épisodes, font de Queen Sugar une série riche qui mérite qu’on s’y attarde.

Deux ans après le film relatif à la marche éponyme pour les Droits Civiques « Selma », Ava Duvernay et Oprah Winfrey continuent de tisser les racines de leur fructueuse collaboration à travers le projet « Queen Sugar ». Ces deux militantes font parler d’elles à travers leur activisme et leurs engagements auprès de la communauté noire-américaine. Une association puissante et nécessaire à bien des niveaux, car il s’agit là d’une production For Us by us. L’occasion de nous raconter sous notre propre prisme comme personne à part nous-mêmes ne peut le faire, et de porter nos messages sous un angle positivement profond.

L’idée originale de Queen Sugar

Pour la petite histoire, Queen Sugar est l’adaptation de l’œuvre littéraire de la romancière africaine-américaine Natalie Baszile, publiée en 2014. Lors d’une retraite d’écrivains, Baszile s’applique à lire les prémices de son roman devant ses collègues. Parmi eux, est présent le rédacteur en chef du magazine « O » de Oprah Winfrey, qui adhère immédiatement à l’intrigue. Quelques mois plus tard, Oprha Winfrey Network (OWN) négocie l’accord pour transformer le livre en série télévisée. Ava Duvernay, réalisatrice de son état et à l’origine de plusieurs œuvres telles que Selma ou Le 13ème amendement, s’occupe de la réalisation, tandis qu’Oprah Winfred prend les commandes de la production. Le premier épisode est diffusé le 6 septembre 2016.

Le synopsis

Au cœur de la Nouvelle Orléans, dans la Louisiane profonde, une fratrie composée d’un frère et de deux sœurs, reprend l’exploitation de canne à sucre de 800 hectares que leur lègue leur père, décédé d’une crise cardiaque. Un défi colossal pour ces trois adultes qui n’ont pas de connaissance en la matière, mais qui souhaitent pourtant honorer l’héritage du patriarche. Ils devront faire face à de nombreuses problématiques, le plus souvent fortuites. L’intérêt de cette série ne réside pas seulement dans la difficulté de la gestion d’une telle affaire, mais dans la manière dont ces personnages affrontent chaque jour les difficultés de leurs existences respectives et comment ils vont devoir rester unis malgré tout.

Rutina Wesley
Crédit photo: Los Angeles Times

La fratrie est composée comme suit : Nova Bordelon (Rutina Wesley), journaliste, militante pour les droits des noirs et guérisseuse, dont la vie privée est complexe.  Charley Bordelon-West (Dawn-Lyen Gardner), femme d’affaires de Los Angeles, qui évolue dans un univers de grand confort, mariée à un célèbre basketteur dont elle est l’agent et mère d’un adolescent.  Ralph-Angel Bordelon (Kofi Siriboe), jeune homme sensible et réservé, tout juste sorti de prison et père d’un jeune garçon, qui entretient des rapports chaotiques avec son amour de jeunesse. Trois personnages que tout oppose mais qui vont pourtant devoir se mettre ensemble pour perpétuer leur terre et leur nom.

Dawn-Lyen Gardner et Nicholas Ashe, son fils dans la série
Source: Twitter Dawn-Lyen Gardner

Les Bordelon font face à une famille blanche redoutable, dont les ancêtres sont unis aux leurs depuis les temps sombres de l’esclavage. Le combat le plus important qu’ils ont à mener sera leur opposition à ces propriétaires condescendants et les conséquences qui en découlent. Poussée par ce désir de changer définitivement la donne et de marquer son temps, Charley remporte le pari audacieux de devenir la première femme noire à posséder un moulin pour la transformation de la canne dans le Sud des États-Unis, et signe par cet acte l’émancipation des fermiers noirs.

Kofi Siriboe
Crédit photo: Afrovibes radio Houston

Les personnages qui entourent les protagonistes campent eux aussi des rôles cruciaux dans cette intrigue. Pour exemple, Violet Bordelon (Tina Lifford), la tante, fait figure de mère pour ces trois orphelins. Remy Newell, un fermier qui était proche de Bordelon père, conseille et aiguille Charley dans ses décisions.

Pourquoi Ava Duverney et Oprah Winfrey ont-elles pris la décision de porter à l’écran cette œuvre littéraire ?

On connaît l’engagement d’Oprah winfrey pour sa communauté. Personne ne démentira le fait qu’il s’agit d’une femme pugnace qui a su franchir toutes les barrières raciales et surmonter ses drames personnels pour arriver où elle en est aujourd’hui. Oprah Winfrey représente plus à travers ses actes qu’à travers ses paroles, la combativité pour accéder à la réussite. Journaliste, animatrice télé surtout connue pour son talk show The Oprah Winfrey Show qui a remporté plusieurs prix, et qui est devenu le programme le plus vu de l’histoire de la télévision jusqu’à son dernier épisode le 25 mai 2011.

Oprah Winfrey
Crédit photo: Los Angeles Times

Elle est également productrice et actrice nommée aux oscars, classée comme étant l’africaine-américaine la plus riche du XXème siècle. Bref, une femme d’affaires hors pair présente sur tous les fronts, qui possède un bagage hors du commun. L’une de ses phrases de prédilection est : « Au lieu de se demander pourquoi cela m’arrive, il est plus profitable de se demander, que puis-je en tirer ». Une phrase qui à elle seule démontre l’état d’esprit positif d’Oprah Winfrey. Depuis son premier rôle en 1985 dans « La Couleur pourpre » de Steven Spielberg, la reine du talk-show est apparue dans quelques films et séries qui lui tiennent à coeur, dont « Beloved » de Jonathan Demme, ou plus récemment dans « Le Majordome », »Selma » et la série Greenleaf, qu’elle co-produit également.

On connaît aussi plus récemment Ava Duvernay, réalisatrice de talent, à la tête du projet cinématographique « Selma », sorti en 2014 qui retrace la marche historique du Dr Martin Luther King pour le droit de vote pour tous les citoyens dans la ville de Selma; et du 13ème amendement, documentaire puissant qui fait état des origines de l’incarcération de masse des afro-américains.

« Quand nous avons vu la première coupe d’Ava, nous savions tout de suite que nous voulions une deuxième saison. Nous pensons que les spectateurs vont se connecter avec les personnages en couches profondes et l’histoire puissante, et nous sommes ravis de pouvoir partager avec eux la coupe du réalisateur d’Ava la première nuit sans interruption. Nous sommes fiers d’être un réseau qui soutient la vision créative d’un cinéaste.  » A déclaré le président d’OWN, Erik Logan, dans un communiqué de presse.

La troisième saison de Queen Sugar est actuellement en cours de réalisation et est, à n’en pas douter, une œuvre intellectuelle militante qui a de beaux jours devant elle.

Mis à part Shonda Rhimes, qui s’applique à placer des femmes noires dans des rôles importants et solides, on assiste ces derniers temps à la naissance de projets artistiques élaborés par des personnes d’origine africaine à Hollywood. C’est le cas par exemple de Daheli Hall co-scénariste de « Angry black women » (les femmes noires en colère), une série de 2016 qui dénonce entre autre, le non-accès aux oscars pour les acteurs et actrices noir(e)s.

Les scénaristes de la web-série « Angry Black Women » Haj House et Daheli Hall

Les deux militantes africaines-américaines que sont Oprah Winfrey et Ava Duvernay et qui ont choisi de parler à leur peuple à travers les médias, le font de façon magistrale et permettront, espérons-le, d’ouvrir les portes d’Hollywood à de nombreux réalisateurs et acteurs noirs sur les écrans.

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