L’assassinat de Martin Luther King

Le 4 avril 1968 à Memphis dans le Tennessee, le militant afro-américain pour la lutte des droits civiques et Prix Nobel de la paix Martin Luther King était assassiné. Retour sur le contexte précédant et suivant cet événement majeur de l’histoire des Etats-Unis.  

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.media

Menaces et tentatives de meurtres avant 1968

Avant sa mort en 1968 et à cause de son engagement dans la lutte pour les droits civiques, Martin Luther King était la cible fréquente de menaces de mort, voire d’atteintes  sa vie. En 1956 et en 1957 par exemple, à cause de son leadership récemment acquis dans le boycott des bus de Montgomery, sa maison avait été  attaquée à la bombe, la première à coup sûr par des membres du Ku Klux Klan. L’année suivante, King frôla la mort après avoir été poignardé, lors d’une dédicace à New York par Izola Ware Curry, une Noire américaine souffrant de troubles psychiques.

assassinat de Martin Luther King
En 1963, lors d’une manifestation non-violente à Birmingham (Alabama) contre la ségrégation, sa chambre d’hôtel et la maison de son frère furent attaquées à la bombe. L’année suivante, le chalet de plage loué par Martin Luther King à St. Augustine en Floride fut l’objet d’un attentat. L’objectif était de l’intimider dans sa participation au mouvement dit de St-Augustine qui luttait contre la ségrégation raciale dans les écoles locales.

Outre le Ku Klux Klan, se trouvait aussi derrière les menaces adressées à l’endroit de King le FBI, dont nous avons traduit une lettre récemment mise à jour et particulièrement édifiante à ce propos.

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Le premier voyage à Memphis

Fin mars 1968, Martin Luther King se rendit à Memphis dans le Tennessee pour soutenir une grève conduite par des éboueurs noirs se plaignant de leurs salaires et de leur disparité avec celle de leurs superviseurs, tous blancs. Par exemple, si on devait annuler une après-midi de travail  à cause du temps, on payait les superviseurs un jour entier de salaire. Les travailleurs ne recevaient en revanche qu’une compensation égale à deux heures de travail, le tout en plus de leur salaire de deux dollars par jour seulement.

La manifestation à laquelle King participa ne se passa pas très bien. A cause de son avion, il arriva sur place en retard. Des émeutes et la mort d’un homme marquèrent la fin de la manifestation.

L’assassinat de Martin Luther King

Une semaine plus tard, Martin Luther King revint à Memphis. Une nouvelle fois, il arriva en retard à cause de menaces d’attentat à la bombe contre son avion. A Memphis, il donna, dans la soirée du 3 avril et devant quelques milliers de personnes, un discours désormais connu sous le nom de ‘Je suis allé jusqu’au sommet de la montagne’.

Lire aussi : Le discours ‘Je suis allé jusqu’au bout de la montagne’ de Martin Luther King

Le lendemain, King passa une grande partie de la journée dans son hôtel, où un membre de son entourage, Andrew Young, décrira King comme extrêmement détendu. King s’apprêtait à dîner avec des membres de son entourage.

Assassinat de Martin Luther King
Jesse Jackson, Martin Luther King et Joseph Lowery, sur le balcon de l’hôtel la veille de l’assassinat de King

Alors que ses proches, dont un certain Jesse Jackson descendaient les marches de l’hôtel, King resta sur le balcon. C’est alors qu’il fut victime d’un coup de feu qui l’atteint à la mâchoire. Une heure plus tard, Martin Luther King était déclaré mort à l’hôpital Saint Joseph de Memphis.

La recherche de l’assassin de Marin Luther King

Au moment de l’assassinat, des résidents d’une maison d’hôte proche de l’incident virent un homme fuir les lieux et les quitter au volant d’une mustang blanche. On trouva aussi un sac contenant des jumelles, des vêtements et un fusil avec des empreintes digitales. L’après-midi de l’assassinat, un dénommé John Willard avait réservé une chambre mais avait demandé à en obtenir une autre. La chambre qu’il accepta possédait une vue sur l’hôtel de King. On identifia l’acheteur des jumelles et du fusil retrouvés dans le sac comme un certain Harvey Lowmeyer. L’achat se serait produit dans un magasin très proche de la ville de Birmingham.

James Earl Ray, le tireur

A Memphis, la veille de l’assassinat, un certain Eric Starvo Galt, un résident de Birmingham conduisant une mustang blanche avait loué une chambre d’hôtel. L’étude des empreintes digitales trouvées sur le fusil permit au FBI de remonter jusqu’à James Earl Ray, un prisonnier s’étant évadé d’un pénitencier du Missouri. Harvey Lowmeyer, Eric Starvo Galt et John Willard étaient tous trois des pseudonymes de James Earl Ray. C’est avec un autre pseudonyme, celui de Ramon George Sneyd, que Ray fut arrêté en juin en Grande-Bretagne, pays qu’il avait rejoint le mois précédent en provenance du Canada et qu’il s’apprêtait à quitter pour la Belgique.

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James Earl Ray

Lors de son extradition, quelques jours après avoir avoué le meurtre, Ray fit savoir par le biais de son avocat que le véritable assassin de Martin Luther King, dont il était toutefois le complice, était un dénommé Raoul. Il l’aurait selon lui rencontré à Montréal l’année précédente. En 1969, il plaida coupable dans l’assassinat de Martin Luther King et fut condamné à 99 ans de prison sans procès. En demandant un procès, il aurait risqué la peine de mort en cas de culpabilité déterminée par un jury. Jusqu’à sa mort en 1998 en prison, James Earl Ray a clamé son innocence.

Une motivation raciste?

Quelques mois avant l’assassinat, Ray s’était renseigné pour immigrer en Rhodésie du Sud qui pratiquait alors une politique de ségrégation raciale. Après l’assassinat, il souhaitait immigrer en Angola pour y combattre comme mercenaire dans la guerre coloniale qu’y effectuaient les Portugais. Selon Philip Melanson, ces choix de destination seraient à mettre en parallèle avec le fait qu’il aurait assassiné un leader noir. Il aurait ainsi pu être mieux vu dans des pays aux gouvernements pour le moins hostiles à la cause noire. Peu d’éléments solides permettraient toutefois d’affirmer que Ray aurait tué King par motivation raciste.

Une implication de Loy Jowers dans la mort de Martin Luther King?

En 1997, Dexter, un des fils de Martin Luther King fit savoir, après une discussion avec Ray, que la famille du pasteur croyait en l’innocence de ce dernier. En 1993, Loyd Jowers, propriétaire d’un restaurant situé près du lieu de l’assassinat de Martin Luther King affirma à la télévision nationale avoir engagé un tueur à gages pour tuer King, répondant par là à une demande d’un mafioso local, Frank Liberto.

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Loyd Jowers (à gauche)

En 1998, la famille de Martin Luther King entama un procès au civil contre Jowers. Le jury conclut à l’unanimité à la culpabilité de Jowers et des services secrets américains dans le cadre d’un vaste complot incluant aussi la mafia. Le verdict laissa sceptique bon nombre d’observateurs. Ces derniers notèrent l’absence de preuves contredisant l’argumentation de la famille de King et de Jowers. Pour la plupart des observateurs, James Earl Ray reste le meurtrier de Martin Luther King.

Une implication du FBI?

L’ancrage de son coup de feu dans un réseau plus dense incluant notamment le FBI de J. Edgar Hoover dont le programme COINTELPRO a causé la mort de dizaines de militants noirs américains, et qui avant la mort de King le présentait comme un ennemi public majeur reste toutefois entièrement envisageable.

« Au regard du puissant discours démagogique de King. …Nous devons le considérer si nous ne l’avons pas encore fait, comme le Nègre le plus dangereux pour l’avenir de cette nation en ce qui concerne le communisme, le Nègre et la sécurité nationale. »

De violentes émeutes suivirent la mort de Martin Luther King, contrairement à sa philosophie. On y arrêta plus de 22000 personnes. 2600 personnes en sortirent blessées et 46 mortes en moins de trois semaines.

Assassinat de Martin Luther King

Le  président Johnson déclara le jour de son enterrement, le 9 avril 1968,  jour de deuil national. A cette occasion, il prononça sa propre éloge funèbre à travers une vidéo qu’il avait préalablement enregistrée pour l’occasion. Il y prédisait sa mort hâtive. En 1963, après la mort du président John Fitzgerald Kennedy, il avait confié à son épouse Coretta : « C’est ce qu’il va m’arriver aussi. Je te le dis, cette société est malade ».

Références:

Michael Eric Dyson / Fighting Death

http://www.thekingcenter.org/assassination-conspiracy-trial

Philip H. Melanson / The Martin Luther King Assassination

Gerald Posner / Killing the Dream

https://www.snopes.com/politics/conspiracy/mlktrial.asp

Ida Walker / The Assassination of Dr. Martin Luther King, Jr.

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