La responsabilité de la diaspora dans l’état actuel de l’Afrique

L’Afrique regorge de compétences autant manuelles qu’intellectuelles, avec une démographie supérieure à un milliard d’habitants, sans prendre en compte la diaspora éparpillée dans le monde. Toutes les conditions semblent être réunies pour mener le continent vers la réussite. Et pourtant, malgré une croissance en constante évolution, le développement est extrêmement lent, c’est sans compter sur le fait que cette croissance ne bénéficie aucunement aux natifs du continent mais aux pays prédateurs usant à tout-va des IDE (Investissements Directs à l’étranger) pour s’emparer des richesses du continent. Mais que fait la diaspora pour inverser la tendance ?

Nous sommes nombreux à nous indigner (principalement à travers les réseaux sociaux) face à l’absurdité de la situation géopolitique africaine. Nous sommes tous d’accord pour dire que la plupart des chefs d’états africains ne sont en réalité que des gardiens de boutiques pour l’oligarchie occidentale. Oui, nous l’avons tous compris. Nous ne maîtrisons plus nos territoires (de toute façon, nous ne sommes pas à l’origine de leurs créations), nous n’avons aucun contrôle sur notre économie (des billets frappés en Occident), une éducation absolument médiocre (elle n’est pas orientée vers les humanités classiques africaines), des conditions sanitaires désastreuses (pas d’eau potable dans beaucoup de zones du continent), une agriculture qui peine à décoller (le secteur emploie près de 60% de la population active mais ne participe qu’à 12% de la richesse annuelle créée sur le continent).

Pourtant, l’Afrique est un continent immense (30 millions de km2, soit 1 cinquième des terres émergées de la planète), richissime en ressources naturelles, 5% des richesses pétrolières et 30% des réserves minérales du globe terrestre. Une vaste étendue présentée hypocritement comme « le continent de l’avenir » alors qu’il est en réalité le continent du passé, du présent et du futur de cette planète, le cœur de l’humanité, le poumon de l’économie mondiale, l’essence même de l’évolution.

Première génération née en France, les jeunes Africains et Antillais actifs sont pour la majorité employés en qualité d’exécutants. Bien sûr, on compte parmi eux  des intellectuels, des chefs d’entreprises, des chercheurs, des ingénieurs, des avocats, des médecins…Mais, cette vague n’a pas encore bâti un écosystème solide et prospère. Admettons-le, participer à redonner sa grandeur à l’Afrique est un défi monumental. Si grand, que la plupart d’entre nous se complaît dans un confort matériel superficiel, use d’astuces pour exister, paraître et flatter cet égo particulièrement développé, dans un monde où nous peinons à trouver notre place. En l’occurrence, tenter de changer la donne sur le continent-mère revient à gravir une montagne dont il nous est impossible d’entrevoir le sommet et sans bénéficier de l’équipement nécessaire à cette ascension.

Lorsque nous retournons « au pays », nous avons tendance à faire miroiter aux nôtres restés sur place, une pseudo réussite dans l’hexagone, une situation financière et sociale confortable, un bonheur de façade. Néanmoins, lorsque nous regagnions nos foyers occidentaux, la réalité nous rattrape : les difficultés d’ordre économique, la misère sociale, l’isolement, les humiliations. Nous entretenons chez nos homologues africains le fantasme de l’Eldorado européen, que nous savons pourtant illusoire. Ainsi, nous détournons leur attention, et la nôtre, des véritables raisons de nos difficultés, ce qui décuple leur désir, leur besoin de partir et de nous rejoindre, quoiqu’il en coûte. La vérité, c’est que  nous leur mentons délibérément, tout en nous mentant à nous-mêmes. Nous sommes prêts à abuser de leur confiance pour exister, parce que nous ne parvenons pas à le faire en Europe, où nous sommes pourtant nés.  À l’heure actuelle nous, diaspora, formons un ensemble déséquilibré et fragile. Nous ne sommes pas en mesure d’accueillir ces parents que nous avons poussé à l’exil. Nous ne pouvons pas plus leur offrir un emploi, tant cela se révèle déjà quasi impossible pour nos semblables ici, avec lesquels on partage l’échec. Ces mensonges dont nous nous rendons coupables et dont nous ne mesurons pas la gravité, nous ne permettent pas d’avancer et nous maintiennent dans un état d’inertie.

 

La génération qui dit non…ou pas

Suite aux brimades, vexations, injustices auxquelles nos parents ont dû faire face, nous, enfants nés en France, nous sommes développés avec un complexe d’infériorité. Conscients d’avoir le droit d’aspirer aux mêmes opportunités que nos compatriotes, nous avons transformé ce sentiment en rage de réussir. Ainsi, nous avons compris l’importance de faire de longues études, d’entreprendre, de fréquenter les mêmes milieux pour se forger un réseau que nous n’avions pas dès la naissance. Pourtant, cette logique d’avoir constamment à prouver que nous méritons d’être là où nous en sommes arrivé, a renforcé le complexe.  Beaucoup d’entre nous, en France, ont peur du communautarisme. Ce mouvement pourtant naturellement humain et nécessaire pour ceux qu’on appelle minorités, est enveloppé dans un préjugé qui veut que se retrouver entre-soi, sans être en marge, implique une scission avec le reste de la population.

Les politiques et les médias diabolisent ce concept qu’ils utilisent néanmoins lorsqu’il s’agit de faire ressortir les aspects les plus négatifs, que nous aurions supposément tous en commun: « Les Noirs sont ceci »; « Ils sont comme cela »; « Ils font toujours ça ». Quand nous nous réappropriont ce concept afin de valoriser nos atouts, mettre en exergue nos difficultés et réfléchir à y remédier; se reconnecter à notre histoire, alors le communautarisme devient un problème. Nous l’avons intégré, ainsi que cette injonction à l’assimilation. Aussi, nous avons le choix entre s’efforcer de gommer notre remarquable différence ou se condamner à être rejeté de cet ensemble républicain. Ce complexe d’infériorité s’est transformé en complexe de supériorité envers nos frères et soeurs africains. C’est à eux que l’on tient désormais à prouver (mentir) que nous sommes meilleurs. Beaucoup adoptent facilement le concept de l’universalisme sans aucune analyse, une notion floue, sans profondeur et surtout très trompeuse, qui paralyse nos actions et notre volonté de nous en sortir. Elle fait partie de ces termes hypnotisants utilisés comme des armes de guerres, servant à neutraliser toute volonté d’indignation, de rébellion, d’amélioration.

https://nofi.fr/2016/06/entretien-rama-yade-candidate-a-presidentielle-2017/29849

L’inaction de nos élites

Nous comptons parmi nous bon nombre d’hommes et de femmes publiques qui bénéficient d’une aura médiatique et qui pourraient, de ce fait, dénoncer les réelles inégalités et injustices que notre communauté subit à travers le monde. Au-delà de simplement dénoncer, certains d’entre eux pourraient également faire pression sur les institutions et gouvernements compétents pour nous permettre de résorber ces inégalités. Pourtant, ce désir d’être accepté, aimé, de se justifier prend encore le pas sur le devoir de solidarité. Ils retombent dans la facilité, dans la promotion de ce qui est acceptable et même encouragé à savoir le traitement médiatique de la beauté, de la mode, la musique, le sport, le divertissement, la coiffure. Bien qu’il soit intéressant de montrer ces particularités, nous avons tendance à nous y réduire, restreignant de ce fait les ambitions à des domaines définis. Beaucoup de ceux qui se disent journalistes politiques abordent rarement le fond du problème et sinon se complaisent dans la position du sempiternel pleurnicheur en accusant l’oligarchie occidentale d’être responsable de notre condition ou en pointant du doigt les responsables politiques de nos pays ou régions, sans pour autant s’interroger sur notre propre responsabilité. Nous nous cachons aussi beaucoup derrière le savoir, ces fameux livres qui ont eu le pouvoir de nous débarrasser de notre vulnérabilité intellectuelle et qui ont rendu nos esprits plus forts. Mais nous omettons que ces savoirs n’ont pas uniquement été élaborés pour servir nos éloquences dans le cadre des salons panafricains, comme si nous étions sur un ring à affronter les nôtres, avec un verre de bissap à la main, dans une « battle » de verbes et de citations des géo-stratèges et penseurs africains. Ils existent aussi pour que nous puissions intégrer la logique des instructions qui nous sont généreusement partagées afin de les mettre en pratique dans la vie réelle.

 

En agissant comme tel, nous jouons le jeu des personnes qui nous défient depuis des centaines d’années et ne gênons aucune de leurs stratégies mises en place pour continuer de nous maintenir plus bas que terre. Nous servons tout simplement d’arrière-garde de la Françafrique et de maintien à l’anesthésie des soi-disant Départements et Régions d’Outre-mer. Nous parlons à la place de nos congénères qui eux vivent au quotidien le désastre. Nous nous approprions leurs efforts, leur faisons la leçon et les abordons, inconsciemment avec cette vision coloniale. Pire que ça, nous collaborons volontiers à pérenniser ce système en s’alliant à ces dirigeants tyranniques sous coyote de vouloir promouvoir l’Afrique, de faire notre travail ou de vouloir « aider ». Cet argent dont ils sont privés, nous le récupérons en rémunérations pour des prestations lors d’événements inappropriés, en temps de crises politiques. Oui, nous dansons sur les cadavres avec l’oligarchie, faisant passer le mépris pour de l’engagement.

Comble du ridicule, nous permettons l’existence, en France, d’un « Conseil présidentiel pour l’Afrique » afin de « mieux identifier les défis auxquels notre continent est confronté ». Une fois de plus, nous laissons les autres mettre le nez dans nos affaires et nous assister pour prendre des décisions qui concernent l’avenir de nos enfants, sans comprendre pourquoi le reste du monde ne nous prend pas au sérieux. Nous sommes tombés si bas que de nos jours, des « présidents africains » acceptent de se laisser tutoyer et ridiculiser, face caméra, par leurs homologues européens, entraînant les railleries de la jeunesse de leur pays. Nous en parlons souvent, mais n’avons pourtant pas la culture du « Faisons les choses par nous-mêmes pour faire évoluer notre condition ». Nous attendons de Dieu et des autres qu’ils nous sortent de là, alors que la solution ne viendra que de nous. A s’être perdu dans notre identité floue, nous sommes devenu le poison des populations pour lesquelles nous prétendons vouloir changer les choses.

 

Sources :

Insee

Le dessous des cartes

 

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