Le gouvernement ougandais a répertorié le suicide de 38 de ses ressortissants immigrés au Moyen-Orient entre janvier et novembre 2017.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
L’affaire Mary Kibwana Kamangu
En 2016 était médiatisée la tragédie de Mary Kibwana Kamangu, une mère de famille alors âgée de 31 ans. Cette mère de famille kényane travaillant en Jordanie avait été victime d’un accident chez ses employeurs. L’explosion d’une bouteille de gaz dans la cuisine la brûla à 80%. Mary Kibwana Kamangu tenta de fuir les lieux de l’incendie mais perdit connaissance dans la salle de bain. A son réveil sur le sol, la douleur intense de ses brûlures était aggravée par des coups de pieds sur le dos et les jambes accompagnés d’insultes que lui administrait son employeuse. Ce n’est que grâce à l’humanité d’un voisin qui entendit ses cris et appela la police, que la victime fut transférée à l’hôpital. Mais ce dernier lieu fut loin de lui fournir le comportement humain que Mary Kibwana Kamangu était en droit d’y attendre.
How sad. RIP Mary Kibwana Kamangu. pic.twitter.com/sWTupkoYoc
— Mike Sonko (@MikeSonko) July 29, 2016
‘Bénéficiant’ d’un traitement rudimentaire, elle a déclaré ‘pleurer tous les jours’, demandant sans succès au personnel de l’hôpital et à ses employeurs de la renvoyer dans son pays. Ce n’est que plus d’un mois plus tard, lorsque ses employeurs comprirent qu’elle ne guérirait pas, que ses employeurs autorisèrent Mary Kibwana Kimangu à prendre l’avion pour le Kenya. Lors du vol, elle fut, pour la première fois depuis l’incident, traitée correctement. Après deux mois de traitement intensif, Mary Kibwana Kamangu décéda toutefois de ses blessures. La tragédie de la jeune femme, qui l’avait vue subir un nombre incroyable d’abus avait créé l’émotion dans tout le Kenya. Il ne s’agissait toutefois qu’un épisode récurrent des mésaventures de travailleurs domestiques de différents pays africains immigrés au Moyen-Orient.
En Ouganda
Un autre pays africain particulièrement touché par l’abus de ses ressortissants au Moyen Orient est l’Ouganda. Attirés par des offres d’emploi et de salaires plus alléchants, environ 80000 Ougandais travailleraient actuellement au Moyen Orient. En 2016, en réponse à des accusations toujours plus grandissantes de maltraitance de la part d’expatriés ougandais envers leurs employeurs, l’Ouganda a interdit à ses ressortissants de travailler comme domestiques en Arabie Saoudite et de travailler tout court en Oman.
Ces décisions n’ont toutefois pas été d’une grande utilité. La plupart des migrants s’expatrient en effet au Moyen-Orient le faisant via des réseaux illégaux de trafic d’êtres humains sur lesquels des mesures officielles n’ont que peu de portée. Et pour cause, pas moins de 65000 Ougandais travaillaient dans des emplois ‘précaires’ au Moyen Orient incluant le travail domestique. D’après l’Uganda Association of External Recruitment Agencies, ce chiffre aurait augmenté de 15000 par rapport à l’année précédente.
Une statistique encore plus inquiétante serait celle du nombre de suicides de ressortissants ougandais au Moyen Orient. Selon un rapport parlementaire (aux résultats contestés par la ministre du travail), 38 Ougandais s’y seraient suicidés entre janvier et novembre 2017. La raison probable? Des promesses d’emploi alléchants conduisant donnant lieu à des traquenards où se mêlent régulièrement violences physiques, sexuelles et psychologiques ainsi que la confiscation des passeports et des visas, le manquement au paiement des salaires et aux besoins alimentaires et hygiéniques les plus élémentaires, etc.
Pour améliorer la situation, des activistes pour les Droits de l’Homme ont invité le gouvernement ougandais à effectuer des accords avec les pays du Moyen Orient permettant à leurs ressortissants d’être protégés par ceux-ci, à défaut de l’être par les lois locales. Un autre objectif consisterait à familiariser davantage les Ougandais avec leurs droits en cas d’expatriation au Moyen Orient et aux risques encourus face aux agences auxquels ils font face dans ce cadre, dans la grande majorité des cas, au détriment de leur intégrité physique et mentale.
https://nofi.fr/2015/04/africaines-esclaves-au-koweit/16512
Pour en savoir plus :
https://www.reuters.com/article/us-uganda-gulf-domestic-workers/the-only-hope-is-to-die-suicide-soars-among-ugandan-migrants-abused-in-the-gulf-idUSKBN1DU1X0