Quand les héroïnes enfantent des combattants

Ces quatre femmes ont influencé le cours de l’histoire. De par leur engagement et leur parcours, elles ont marqué leur époque en posant des actions fortes qui ont permis de faire avancer la lutte pour l’émancipation des peuples. Militantes et mères, elles ont enfanté des progénitures à qui elles transmirent cette bravoure en héritage. Ces fils de guerrières devinrent naturellement eux-mêmes des guerriers.

1/ Nandi (vers 1760-1827) est la mère du grand et redoutable Shaka Zulu. Cette très belle femme à l’orgueil particulièrement développé, est la fille du chef de la maison des Elangeni dans le Kwazulu Natal. Senzankakhona Kajama, prince de la maison des Zulus, est séduit par sa beauté et la courtise bien qu’il ait déjà deux femmes.

Bien que Nandi ne se laisse pas facilement séduire et ne soit aucunement impressionnée par son statut de prince, elle finit par succomber à ses avances et tombe enceinte. Sous les conseils de l’entourage du prince, Nandi est rejetée. Elle retourne dans la maison des Elangeni et subit avec les siens les moqueries du peuple ainsi que la famine. Elle fuit avec ses enfants et sa mère, qui mourra durant le voyage. Sa progéniture et elle seront accueillis par Dingiswayo, chef de la tribu des Mthetwa, qui entretiendra la famille.

Dingiswayo finit par remarquer les qualités guerrières de Shaka et décide de l’aider à améliorer ses performances. Senzankakhona Kajama, son père, entend parler des aptitudes de Shaka et décide de le récupérer (uniquement lui et pas le reste de la famille) et de l’intégrer au sein de l’armée Zulu. Shaka accepte, gardant bien en tête et en coeur son désir de vengeance envers ce père qui humilia sa mère et les contraignit tous à l’exil. Il nourrit ainsi le projet d’affiner ses connaissances et ses techniques de combat dans le but de prendre le trône ultérieurement. Quelques temps plus tard,  lorsque Shaka apprend la mort de son père et l’intronisation de son frère, il s’en va défier ce dernier après avoir monter sa propre armée. Il élimine son rival et récupère le trône et fait rentrer sa mère en grâce, au palais, avec le statut de « Reine-Mère ».

2/ La Reine Ndete Yalla Mbodj (1810 – 1860), est une héroïne de la lutte contre la colonisation et une grande souveraine de Waalo, région historique du Sénégal.
Elle appartient à la famille Tédiek, qui a construit sa fortune et sa puissance sur le commerce et les échanges avec les comptoirs français, déjà bien implantés en Afrique. En 1816, la souveraine Kouly Mbaba Diop décède et Fatim Yamar, mère de Yalla et cousine de Diop récupère le trône. Lors de l’invasion des guerriers Maures, en mars 1820, Fatim Yamar prend la tête d’une troupe de femmes pour les chasser. Elles parviennent à repousser un premier assaut mais sont défaites lors du second. Fatim Yamar et de nombreuses autres femmes préfèrent opérer un suicide collectif plutôt que d’être capturées. Avant de mourir, elle fait échapper ses deux filles, Ndjeumbeut Mbodj et Ndaté Yalla. Ndjeumbeut, l’aînée, épouse le Trazar, souverain des Maures pour sceller la paix. Cette union  attire l’hostilité de la France qui ne voit rien de positif pour elle dans cette alliance et craint une mise à l’écart. Son règne dure quinze ans. Après sa mort, sa soeur Yalla lui succède. En 1847, elle tient tête aux autorités françaises en réclamant le libre passage des troupeaux conduits par les Soninkés vers la ville de Saint-Louis et en faisant prévaloir ses droits au sein du royaume Waalo. Elle finit par interdire le commerce avec les français. En 1848, Yalla donne naissance à Sidya Nadaté Yalla Diop, l’un des plus résistants contre la colonisation.
À l’âge de dix ans, Sidya Nadaté Yalla Diop, en tant qu’héritier, doit prendre le trône. Pourtant, jugé trop jeune, il est mis de côté et les français intronisent le prince Loggar Fara Peinda Madiaw Khor Diaw à sa place. Les sympathisants du jeune Sidya se battront contre le choix français. Pour semer une grande confusion, ces derniers entament de 1958 à 1959 une répression sans précédent : ils incendient plusieurs villages et assassinent plusieurs chefs locaux. Plus tard, Sidya est envoyé à Saint-Louis, à l’École des Otages des fils de chef, pour être assimilé à la culture française. Faidherbe en fait son fils adoptif et le rebaptise Sidya Léon Diop, il est nommé sous-lieutenant en 1868 à l’âge de 20 ans. Installée comme chef de canton à Nder, il prend conscience de la raison pour laquelle Faidherbe l’a pris sous son aile: en effet, son mentor voulait tuer en lui toute volonté de révolter contre les colons. Dès lors, Sidya cesse de collecter les impôts auprès de son peuple et met l’accent sur l’éducation. Il renonce définitivement à l’administration française. Allié à plusieurs résistants et à la tête d’une puissante armée, il organise une grande insurrection, combat les colons et récupère les provinces annexées. Des traîtres se lient aux français et organisent un coup d’état contre Sidya Nadate Yalla Diop. Il est capturé. Il est jugé le 17 janvier 1877 par un tribunal colonial. Diop sera déporté au Gabon, dans un asile, sur une île nommée Neugé Neugé, en pleine forêt équatoriale, à l’âge de 28 ans. Il sympathise avec des colons français qui lui font regagner le Sénégal mais, il est finalement renvoyé au Gabon. Le résistant se suicide le 26 juin 1877 à 28 ans, conscient qu’il ne reverra jamais sa terre natale.

3 / Funmilayo Ransome Kuti ( – , Nigeria),  est une enseignante et femme politique nigériane, militante des droits des femmes.

Funmilayo Ransome Kuti est l’une des leaders de sa génération. Son engagement pour l’indépendance du Nigeria, pour le droit de vote et l’émancipation économique des femmes est sans précédent. À l’issu de ses études, elle occupe un poste d’enseignante à l’école des filles d’Abeokuta. À cette période, elle abandonne ses prénoms chrétiens-Frances Abigail-pour ne conserver que son prénom yoruba, et s’attache à utiliser sa langue maternelle.

Avec Elizabeth Adekogbe, elle assure avec dynamisme la direction du mouvement pour le droit des femmes dans les années 1950. Elle fonde l’union des femmes d’Abeokuta, dont le registre d’inscription compte plus de 20 000 personnes, et qui rassemble des femmes lettrées et analphabètes. Plus tard, elle s’allie avec Margaret Ekpo, une militante de l’Est du pays, au sein de l’Union des femmes nigérianes, dont elles sont respectivement présidente et secrétaire.

Fela Kuti

En 1938!, Funmilayo Ransome Kuti donne naissance à Fela Kuti, qui deviendra le célèbre chanteur, saxophoniste, chef d’orchestre créateur de l’afro-beat et homme politique que l’on connaît. Nul doute qu’elle soit à l’origine de cette influence militante sur son fils, qui n’a cessé de critiquer ouvertement le système corrompu, à travers sa musique et des discours enflammés. Il sera de nombreuses fois arrêté et torturé. Sa mère sera défenestrée. Harcelé par la police, il s’exilera au Ghana, d’où il sera chassé l’année suivante pour avoir soutenu une violente manifestation d’étudiants qui ont trouvé en : « Zombie, oh zombie… » leur cri de ralliement contre la junte du dictateur ghanéen. Les tournées qui le mènent un peu partout en Afrique, en Europe, aux États-Unis, rencontrent partout un accueil triomphal et lui confèrent une notoriété mondiale ainsi qu’un statut d’artiste activiste panafricaniste.

4/ Afeni Shakur (9 janvier 1947 – 2 mai 2016), militante africaine-américaine, membre du Black Panther Party et de la Black Liberation Army.

En avril 1969, Shakur est arrêtée pour avoir conspiré avec d’autres membres des Black Panther dans l’élaboration d’attentats à la bombe à New York. Avec une caution fixée à 100 000 $ chacun pour les 21 suspects. Les Black Panthers décidèrent de lever l’argent de la caution en premier pour Joseph et Afeni Shakur afin que ces deux-là puissent travailler pour réunir la caution des autres. Shakur avait réussi cette mission. Après avoir lu l’histoire de Fidel Castro, elle choisi de se représenter elle-même au tribunal, disant aux autres accusés Panthers que s’ils étaient reconnus coupables, ce serait eux qui purgeraient une peine d’emprisonnement, pas les avocats. Enceinte lors du procès et condamnée à une peine de trente ans d’emprisonnement, Shakur a interrogé des témoins et plaidé devant le tribunal. Elle et les autres membres du « Panther 21 » ont été acquittés en mai 1971 après un procès de huit mois. Son fils, Lesane Parish Crooks, est né le 16 juin 1971. Il sera renommé Tupac Amaru Shakur l’année suivante, en 1972.

Durant sa carrière musicale, Tupac (16 juin 1971 – 13 septembre 1996) ne cessera de dénoncer les injustices subies par son peuple, la violence, la misère dans les ghettos. D’ailleurs, le neveu d’Assata Shakur affirme dans l’une de ses phrases très célèbre : « Je ne dis pas que je vais changer le monde, mais je vous garantis que je vais susciter le cerveau qui va changer le monde. » Tupac Shakur compte plus de 75 millions d’albums écoulés à l’international. Le magazine Rolling Stone lui attribue la 86ème place de son classement des plus grands artistes musicaux de tous les temps. Il est assassiné le 13 septembre 1996 à Las Vegas.

 

Ces femmes sont des preuves concrètes que les mères jouent un rôle crucial dans l’éducation et le développement de la conscience auprès des enfants. L’avenir d’un peuple dépend en grande partie de ce qu’elles inculquent à leurs enfants.

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