Plusieurs semaines sont passées depuis le déferlement de l’ouragan Irma sur les îles du nord. Depuis le 6 septembre dernier, Irma a laissé un chantier à ciel ouvert, emportant avec lui plus de 80 % du paysage insulaire. Les habitants reprennent peu à peu le cours de leurs existences, en traitant en priorité la reconstruction de leurs habitations avec du matériel de fortune, ne permettant pas de supporter un nouvel ouragan. Alors que l’étape de déblaiement est loin d’être achevée et que les décharges absorbent encore des tonnes de déchets engendrés par l’ouragan, quel a été le rôle des assureurs pour permettre aux sinistrés de repartir de zéro ?
La haute saison touristique censée accueillir les personnes fortunées s’étalant de décembre à avril n’aura sûrement pas lieu. L’heure n’est toujours pas aux réjouissances pour les insulaires mais à la reconstruction de leur cadre de vie.
Officiellement et selon Bernard Spitz, Président de la FFA (Fédération Française de l’Assurance) : « La mobilisation des assureurs est pleine et entière aux côtés des sinistrés, des secouristes et des services de l’État. C’est de cette solidarité et de cet engagement professionnel dont j’ai voulu témoigner aux habitants de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, en participant à la délégation conduite par le Président de la République. » La FFA, travaillerait en étroite collaboration avec le Comité des Assureurs Antilles-Guyane (CAAG). Au vu des circonstances exceptionnelles dans lesquelles sont plongées les deux îles, ces deux entités auraient décidé d’étendre sur le temps leurs mesures, pour permettre aux assurés sinistrés de rebondir et ce, sans pénalités de franchise :
- Avances : tout assuré dont la résidence principale est inhabitable recevra une avance immédiate de son assureur pour faire face à ses besoins urgents.
- Pillage chez les particuliers : tout particulier assuré contre le vol, s’il est victime de pillage, bénéficiera de cette garantie, hors application des conditions d’effraction ou d’agression qui y sont généralement liées.
- Déblayage des véhicules : le coût du transport des véhicules assurés, endommagés sur la voie publique sera pris en charge dans tous les cas par son assureur.
Pour rappel, les assureurs se sont déjà engagés le 8 septembre à :
- Autoriser les déclarations de sinistres par tous moyens : téléphone, Internet, lettre simple.
- Accepter les déclarations de sinistres au-delà du délai réglementaire de 10 jours à partir de la déclaration de l’état de catastrophe naturelle, et ce jusqu’au 15 octobre prochain.
- Être compréhensif quant aux moyens d’attester des dommages. La facture est la règle contractuelle mais compte tenu des circonstances tout autre justificatif (photo, témoignages, …) pourra être présenté.
Mais officieusement, malgré l’état de catastrophe naturelle décrétée, la constitution des dossiers d’indemnisation est lente, et à la mi-novembre, dans la plupart des cas, les experts et les assureurs ne sont pas encore venus visiter les sinistrés pour commencer à entrevoir un début de solution. Les riverains déblaient encore et aucune grue à l’horizon, preuve que l’étape de la reconstruction n’a pas encore débuté. Quand beaucoup de personnes sont encore tributaires des hébergements d’urgence (salles de classe, hôtels…) et que d’autres se trouvent dans l’obligation d’installer des baches en guise de toitures, les autorités et les professionnels de l’assurance restent à l’écart de toutes actions concrètes contrairement à ce qui a été annoncé.
Selon un article des Échos, datant du mois de septembre : « Pour les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélémy, le coût des dommages assurés a, lui, été évalué à environ 1,2 milliard d’euros par la Caisse Centrale de Réassurance (CCR). Cette estimation « recouvre les dommages aux habitations, aux véhicules et aux entreprises (dont leurs pertes d’exploitation) qui sont couverts par le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles », précise le réassureur public français. Il s’agit d’un des plus importants sinistres liés à une catastrophe naturelle depuis la création du régime en 1982″
Et il ajoute plus loin : « Avec la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour Saint-Martin et Saint-Barthélémy, les dégâts subis par les logements, les véhicules, les commerçants, les artisans, les entreprises ou les biens des collectivités locales seront pris en charge dès lors qu’ils sont couverts par un contrat d’assurance dommages. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde dans les Antilles, où le taux de pénétration de l’assurance est moins élevé qu’en métropole. Une partie importante des pertes assurées sera supportée par CCR, du fait de ses contrats avec ses clients assureurs ».
Pourtant, un problème de fond subsiste : selon le consultant en évaluation de préjudices, Jean-Marc Vassards, lui-même propriétaire d’une maison à ST-Barthélémy, les compagnies d’assurances dans les régions et les collectivités ultramarines n’appliquent pas les mêmes règles en matières d’assurance en cas de catastrophes naturelles que dans l’hexagone ; car depuis 1982, la loi garantie une assurance contre les catastrophes naturelles qui dépend automatiquement de la garantie d’incendie, ce qui en somme, signifie que l’assureur n’est pas en mesure de refuser d’assurer ce risque.
En France, l’assurance catastrophe naturelle est égale, en terme de remboursements que celle concernant l’incendie, mais ce n’est pas le cas dans les territoires d’Outre-mer. À ST-Barthélémy, une maison garantie pour l’incendie à 1,5 millions € le sera pour les catastrophes naturelles à hauteur de 200 000 €, pour une maison garantie à 5 ou 6 millions €, elle sera garntie à 600 000 € environ. Il s’agit d’un abus des compagnies d’assurances. ST-Barthélémy et ST-Martin ne sont pas prioritaires pour Paris, de part leur statut de collectivités locales. En somme, pour changer la donne, seul l’État peut agir. Tout le monde n’est donc pas logé à la même enseigne, selon l’endroit où a lieu la catastrophe.
« Il peut transformer l’état de catastrophe naturel en événement exceptionnel qui, là, garantit un remboursement à hauteur de la valeur des biens. Par ordonnance, il peut aussi demander aux assureurs d’indemniser au-delà des garanties prévues dans les contrats. Mais l’État doit corriger cette situation qui établit une discrimination entre les TOM et le reste du pays. N’oublions pas que chaque assuré paie 12,5% des primes incendies au titre des catastrophes naturelles. »
Durant le 20h de TF1, en date du 4 novembre, l’envoyé spécial annonce que pour soutenir les sinistrés les plus défavorisés, l’état devrait octroyer une aide exceptionnelle allant jusqu’à 900 € par foyer sous forme de cartes prépayées, près de 3000 personnes devraient en bénéficier.
En attendant que toutes ces mesures prennent concrètement formes, les insulaires composent avec la situation en faisant preuve de sens pratique et tentent de redonner un visage à l’île encore ravagée.
Sources :
Ouragan Irma : quelles indemnisations pour les victimes ?
Journal télévisé de TF1 du 04 novembre 2017 (20h)
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