Le Burundi a officiellement quitté la Cour Pénale Internationale

Le Burundi devient la première nation à quitter la Cour pénale internationale.

« Republika y’Uburundi » (la République du Burundi en kirundi) est devenue vendredi 27 octobre 2017 le premier pays à quitter la Cour Pénale Internationale (CPI) prétendument fondée pour juger les dirigeants (souvent des Africains) qui se seraient rendus coupable de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d’agression et autres crimes de guerre.

Le gouvernement de Pierre Nkurunziza s’est félicité de cet événement « historique » qui intervient un an après le jour où Bujumbura a officiellement informé l’ONU qu’elle quittait la juridiction pénale universelle permanente.

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Le président de la République du Burundi, Pierre Nkurunziza.

À cette occasion, Willy Nyamitwe, le porte-parole du bureau présidentiel burundais a déclaré :

« La CPI s’est révélée être un instrument politique et une arme utilisée par l’Occident pour asservir (…) C’est une grande victoire pour le Burundi car il a défendu sa souveraineté et sa fierté nationale ». [1]

Il est vrai qu’il a été de nombreuses fois reproché à la CPI sa partialité et d’être une arme entre les mains de l’impérialisme occidental qui ne punirait que les dirigeants d’États pauvres du sud tout en ignorant volontairement les crimes commis par des États plus riches et plus puissants. Ce sentiment s’est d’ailleurs exprimé en Afrique, notamment par ses chefs d’État qui semblent être la seule « cible » de la Cour qui prétend pourtant avoir un mandat international. Ainsi, jusqu’en janvier 2016, les 9 situations sur lesquelles la CPI enquêtait se trouvaient dans des pays africains.

Néanmoins, pour Lambert Nigarura, le président de la Coalition burundaise pour la CPI, cependant :

« La décision de retirer le Burundi du Statut de Rome intervient à un moment où la machine continue de tuer impunément au Burundi (…) Aujourd’hui, la justice burundaise, comme on l’appelle, a perdu le contact avec la vie. Il est devenu un simple outil de répression de toute voix dissidente. » [2]

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Rappelons que le Burundi connaît depuis quelques années une crise politique de grande ampleur. En effet, depuis cette date, des manifestations ont lieu dans le pays afin de protester contre la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat.

Pierre Nkurunziza avait été élu à la magistrature suprême du Burundi en 2005, puis réélu en 2010. Le 25 avril 2015, ce dernier avait annoncé sa candidature pour un troisième mandat consécutif. Cette candidature sera validée par la Cour constitutionnelle créant une véritable controverse. Légalement, Nkurunziza ne pouvait prétendre à ce mandat supplémentaire du fait que les Accords d’Arusha [3] statuent dans l’article 7 que :

« [Le président] est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels. » [4]

L’article 96 de la Constitution du Burundi, quant à lui, dispose que :

« Le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois ». [5]

Cette entorse à la suprématie de la Constitution provoquera une vague de manifestation dans le pays, la fuite de près de 250 000 Burundais, et la mort d’au moins 22 autres. S’en suivront une tentative avortée de coup d’État le 13 mai 2015 ainsi que plusieurs meurtres, visant des personnalités politiques ou militaires, de l’opposition ou même du camp présidentiel.

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Les nombreuses exactions du régime Nkurunziza vaudront au président illégitime l’ouverture d’une enquête par la Cour Pénale Internationale en avril 2016. Ainsi, il est aisé de comprendre que ce retrait du statut de Rome [6] puisse sans doute avant tout être un moyen grossier de se dérober à ses responsabilités.

Toutefois, des responsables de la CPI ont déclaré qu’une enquête préliminaire lancée par le procureur en avril 2016 sur d’éventuels crimes contre l’humanité dans le pays d’Afrique centrale se poursuivrait et que :

« Le retrait du Burundi n’affecte pas la compétence de la cour en ce qui concerne les crimes qui auraient été commis pendant la période où il était un État membre, à savoir jusqu’au 27 octobre 2017. » [7]

Par conséquent, la juridiction de la Haye devrait encore coller au basque du « président » du pays de l’impeke [8]

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https://nofi.fr/2017/02/lunion-africaine-p-de-la-cour-penale-internationale/35836

Note et références

[1] « Burundi becomes first nation to leave international criminal court« , theguardian.com, publié le 28 octobre 2017

[2] « Burundi becomes first nation to leave ICC« , rfi.fr, publié le 27 octobre 2017

[3] Les Accord d’Arusha pour le Burundi signé le sous l’égide de Nelson Mandela sont une tentative de mettre un terme à la Guerre civile burundaise débutée en 1993.

[4] Accords d’Arusha

[5]  Loi n°1/010 du 18 mars 2005 portant promulgation de la Constitution de la République du Burundi.

[6] Le Statut de Rome est le traité international qui a créé la Cour pénale internationale. Il a été adopté à la Conférence de Rome organisée par l’ONU, qui s’est déroulée du au .

[7] « Now that Burundi Has Left the ICC, Other African Countries Likely to Follow« , africanexponent.com, publié le 31 octobre 2017

[8] L’impeke est une bière de sorgho emblématique de la culture burundaise.

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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