Burundi : la pratique du tambour traditionnel interdite aux femmes

Pierre Nkurunziza, le controversé président du Burundi, a établi un contrôle stricte autour de la pratique du célèbre rituel de tambours du pays (karyenda) , en interdisant les batteurs féminins et en limitant la tradition sacrée aux événements officiels.

Un décret émanant de la présidence du Burundi, en date du 20 octobre dispose désormais :

« [Qu‘]il est strictement interdit aux personnes de sexe féminin de battre le tambour. En accompagnement au jeu du tambour, elles peuvent néanmoins exécuter les danses folkloriques féminines accompagnant les tambours ». [1]

Bien que traditionnellement, la pratique du tambour soit dominée au Burundi par les hommes, de nombreux groupes de percussions féminins ont vu le jour au cours des dernières années. Suite à ce décret, tous les groupes cherchant à réaliser des « spectacles culturels » devront être enregistrés auprès du ministère de la Culture et ne seront plus autorisés à se produire en dehors des cérémonies officielles sans l’autorisation dudit ministère. En effet, le décret dispose également que :

« Toute exhibition d’une troupe de tambourinaires en dehors des cérémonies officielles, requiert l’autorisation du ministre ayant la culture dans ses attributions. Cette autorisation est notamment exigée lors des cérémonies de mariage, dot, de naissance, de remise de diplôme et autres.«  [2]

File:Flag of Burundi (1962-1966).svg
Le drapeau du Royaume du Burundi comportait la karyenda en son milieu.

Les Tambours royaux du Burundi (ou Ingoma z’umwami wi Burundi) sont le principal symbole du Burundi et de ses Mwami (rois). Cet instrument disposait d’un statut semi-divin et l’on prétendait que le Mwami interprétait les battements de la karyenda (nom du tambour principal) afin de régner sur ses sujets. Lorsque le Burundi a obtenu son indépendance à l’égard de la Belgique en 1962, la karyenda était symboliquement présente sur le drapeau national ainsi que sur ses armoiries entre 1962 et 1966. Ce n’est qu’avec l’avènement de la Republika y’Uburundi (la République du Burundi en Kirundi) que celui-ci fut remplacé.

Femmes burundaises en représentation de danse traditionnelle

Si l’on s’en tient à la coutume, les chants et danses folkloriques les plus importants ont régulièrement été joués dans le but d’exalter les vertus de la royauté. Un grand festival, le festival du sorgho, était d’ailleurs l’occasion de battre la karyenda dans un grand déferlement de faste, de festivités et de danses pour le plus grand plaisir de la cour royale. Ce genre d’expressions culturelles est malheureusement devenu de plus en plus rare, depuis la chute de la monarchie en 1966, mais surtout après le massacre des Hutu en 1972.

tambours traditionnels
Batteurs burundais traditionnels. (Andreas31)

En tant qu’objets sacrés, les tambours étaient beaucoup plus que de simples instruments de musique. Les événements royaux majeurs, tels que les couronnements, les funérailles et les mariages étaient annoncés via les tambours. Le battement des tambours marquait aussi certains rites, comme lorsque le soleil se levait le matin ou se couchait le soir. 

Les tambours survivants

Malgré les nombreuses crises burundaise, les Tambours royaux du Burundi sont restés très populaires et imposent toujours le respect. Les anciennes familles gardiennes des tambours se mobilisent afin de garder vivaces ces anciennes traditions comme le démontre la vidéo suivante :

En outre, le décret présidentiel, signé le 20 octobre, stipule que si un organisateur obtient l’autorisation de faire jouer des batteurs lors d’une manifestation, il doit verser au Trésor une somme égale à 245€ (500 000 francs burundais). Cette somme devra être payée quotidiennement si jamais le groupe se produit à l’étranger. Un frein considérable à la promotion de cet art de premier plan.

VOUS AIMEREZ AUSSI :

https://nofi.fr/2017/02/veritable-origine-terme-bamboula/35909

Notes et références

[1] Article 1 du décret n° 100/196 du 20 octobre 2017 portant règlementation de l’exploitation du tambour aux niveaux national et international

[2] Article 5 du décret n° 100/196 du 20 octobre 2017 portant règlementation de l’exploitation du tambour aux niveaux national et international

[3] Le Mwami est le titre en et en Kirundi, en Kinyarwanda, chez les Nande et les Bashi, les Luhya au Kenya ainsi que diverses autres langues africaines, comme le Tonga (Zambie/Zimbabwe). Ce terme qui est généralement traduit par roi peut se référer à :

  • Le roi du Burundi
  • Le roi du Rwanda
  • Aux chefs traditionnels des royaumes des provinces du nord-kivu, du sud-kivu et du Maniema en République Démocratique du Congo
  • Aux chefs traditionnels des « Bantu Botatwe » (3 peuples) de Zambie (à savoir, les Ila, les Lenje et les Tonga)
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

News

Inscrivez vous à notre Newsletter

Pour ne rien rater de l'actualité Nofi ![sibwp_form id=3]

You may also like