L’actrice américaine Tessa Thompson a évoqué les propos racistes dont elle a été l’objet après avoir recrutée pour jouer le rôle du personnage de Valkyrie dans le film inspiré de la mythologie nordique Thor : Ragnarok.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
Un vieux débat
La polémique n’est pas nouvelle. En 2010, Idris Elba, interprétait le rôle d’Heimdall, un personnage de la bande dessinée de Marvel Comics Thor. Heimdall, à l’instar de l’univers de la bande dessinée de Marvel, est inspiré de la mythologie scandinave, plus précisément du dieu Heimdallr. Ce choix avait entraîné des protestations de la part de fans de la bande dessinée ainsi que d’organisations identitaires blanches américaines, jugeant inapproprié, voire scandaleux, qu’un acteur noir incarne un dieu scandinave.
Elba avait quant à lui qualifié la polémique de ‘ridicule’, ajoutant: « Attendez, Thor est (un personnage) mythique, n’est-ce pas? Thor a un marteau qui vole vers lui quand il claque des doigts. Ca ça serait OK, mais pas ma couleur de peau? ». On ajoutera aussi que le personnage d’Elba a dans le film les yeux d’une couleur peu commune pour un être un humain, ce qui semble témoigner d’une absence de volonté de réalisme de la part des producteurs.
Tessa Thompson en Valkyrie : le retour du débat
Tessa Thompson, qui fut l’une des têtes d’affiche des films Dear White People, Creed et Selma, a à son tour intégré le casting de la franchise cinématographique Thor. Dans le film Thor : Ragnarok (2017), Tessa Thompson incarne Valkyrie, un personnage également inspirée de la mythologie scandinave et présent dans la bande dessinée originale où elle est représentée comme une femme blanche et blonde.
S’exprimant au micro de nos confrères de l’Evening Standard, Tessa Thompson a révélé avoir été l’objet de plusieurs messages violents et marqués du sceau du racisme, lui reprochant d’incarner un personnage issu de la mythologie scandinave. Tessa Thompson, dont le père est d’origine afro-panaméenne et la mère d’origine mexicaine et européenne a toutefois contrebalancé l’incident en évoquant le soutien manifesté par de nombreux fans blancs à son endroit.
Casting aveugle vs discrimination positive
A une époque où un film comme Black Panther mobilise l’enthousiasme de nombreux Afro-descendants du monde entier, on peut comprendre la controverse causée par les castings d’acteurs afro-descendants pour incarner des personnages nordiques. Certes, les Blancs d’origine européenne sont loin de manquer de modèles positifs dans tous les domaines de l’industrie du divertissement, mais nombre d’eux ont le sentiment d’être les victimes d’un racisme inversé, dont la discrimination positive serait le fer de lance.
Selon un sondage dont les résultats ont été popularisés en octobre 2017 par exemple, 55% des Blancs américains ont déclaré avoir été les victimes de discrimination à cause de leur couleur de peau.
Peu importe que l’on considère la discrimination positive comme légitime ou non, on doit admettre qu’il s’agit effectivement de discrimination, d’où le nom donné à cette pratique.
Il n’est toutefois pas impossible qu’une partie du public critique le choix d’Idris Elba et de Tessa Thompson pour incarner des personnages inspirés des mythes nordiques car elle voit ce casting comme une façon de remplir des ‘quotas’ d’acteurs issus de la diversité qui ne l’auraient pas mérité. Il faut toutefois comprendre que ce n’est pas le cas, du moins officiellement. Selon la production du film, il s’agirait simplement d’un casting aveugle, un procédé consistant à ne recruter un acteur ou une actrice que pour son talent indépendamment de ses caractères physiques. C’est à dire que techniquement, selon cette pratique, un acteur noir aurait pu incarner le frère biologique d’une actrice blonde aux yeux bleus. Cette pratique, courante dans le théâtre britannique, a par exemple vu David Oyelowo incarner le roi d’Angleterre Henry VI pour la Royal Shakespoeare Company en 2001.
Aussi louable que soit cette pratique du casting aveugle consistant à mettre à égalité les acteurs sur la seule base de leurs qualités, il va de soi que le cinéma, beaucoup plus regardant au niveau de la reconstruction de l’atmosphère et des décors que le théâtre où celle-ci est rudimentaire, n’est pas encore prêt à intégrer ce qu’il considérerait être des incohérences biologiques et historiques. Pour cette raison peut-être, malgré sa ligne officielle de défense, certains films hollywoodiens ne respectent pas tant leur ligne de ‘casting aveugle’. On aurait sinon vu un grand nombre de fratries de couleurs de peau différentes, ce qui n’est pas le cas. D’où peut-être cette difficulté d’une partie du public blanc à interpréter ces choix de castings comme celui de Tessa Thompson, comme autre chose que de la discrimination -positive ou non- à leur endroit.
https://www.nofi.media/2018/09/michael-b-jordan-superman-au-cinema/58201