Le look de Rihanna en couverture de l’édition de novembre 2017 de Vogue Arabia n’a pas été digéré par tout le monde.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
Dans un article précédent, j’ai mis en évidence la longue tradition d’artistes noirs rendant au hommage à la reine Nefertiti d’Egypte. J’y intégrais, parmi d’autres, la chanteuse de la Barbade Rihanna, qui arborait sur son corps, un tatouage à l’effigie de Nefertiti.
A l’époque de la rédaction de cet article, bien que la question du caractère négro-africain de l’Egypte ancienne soit déjà très controversé, aucun reproche n’avait été fait à travers les médias envers ces artistes noirs pour avoir personnifié la fameuse reine africaine. Mais en octobre 2017, la situation a changé.
En 2017, Rihanna a renouvelé son hommage à Nefertiti, posant en couverture de l’édition Arabia du célèbre magazine de Vogue où sa photo est accompagnée de la mention ‘Rihanna rend hommage à Nefertiti’. Contrairement à précédemment, cet hommage fut contrebalancé par des accusations d’ ‘appropriation culturelle’ envers Rihanna issues des réseaux sociaux et relayées par d’influents médias.
L’appropriation culturelle
Entre temps en effet, l’expression d’appropriation culturelle a fait son entrée sur la scène médiatique. Initialement un concept scientifique parfaitement valable désignant l’utilisation et le rattachement hors-contexte et sans autorisation de pratiques d’une partie non-privilégiée de la société par sa classe dominante, le terme a depuis largement perdu de sa substance. Pour beaucoup, le terme est ainsi devenu un synonyme de plagiat ou d’inspiration auprès d’un artiste noir. Ainsi, par exemple, une artiste comme la -talentueuse, là n’est pas la question- créatrice de mode sénégalaise Sarah Diouf a pu se permettre d’accuser la marque de luxe Yves Saint Laurent d’ ‘appropriation culturelle’, reprochant à cette dernière d’avoir volé le design d’un de ses modèles de sacs pourtant parfaitement intégré dans les codes, les normes et les tendances de la mode occidentale et que Diouf n’aurait jamais pu créer si elle n’était pas rentrée dans le moule culturel de cette dernière ( et que des créateurs blancs auraient pu inventer en se basant sur des modèles de sacs ‘occidentaux’ déjà existants).
Dans la même veine, Kim Kardashian, déguisée en Aaliyah pour Halloween 2017 s’est vue accuser d’ ‘appropriation culturelle’ sur les réseaux sociaux, bien que le costume de la regrettée icône du R’n’B ne soit nullement d’une spécificité culturelle afro-américaine criante.
Baby Girl Aaliyah pic.twitter.com/5GUHkNJgNi
— Kim Kardashian (@KimKardashian) October 29, 2017
L’expression d’appropriation culturelle est donc devenue à tort une manière de criminaliser le fait de s’inspirer, pour une personne issue d’une autre catégorie ethnique, d’un artiste noir, même si ceux-ci évoluent exactement dans le même contexte culturel. L’utilisation abusive de l’expression par des Afro-Américains a entraîné un retour de bâton, avec d‘autres minorités les accusant à leur tour d’appropriation culturelle.
Nefertiti, une icône de l’Egypte, de l’Afrique, du monde noir, du monde arabe ou de la ‘diversité’?
This November Rihanna pays homage to Queen Nefertiti: https://t.co/Qy7ZN5aJ3e pic.twitter.com/dcQqiC4xi7
— Vogue Arabia (@VogueArabia) October 27, 2017
Plusieurs observateurs, d’ailleurs souvent américains, ont dénoncé le choix de Rihanna de rendre hommage à Nefertiti. Certaines ont rappelé que celle-ci n’était pas égyptienne mais de la Barbade. D’autres se sont défendus de telles accusations, affirmant que Nefertiti était noire comme les Egyptiens anciens.
La rédaction du magazine Vogue Arabia a quant à elle justifié son choix par les propos suivants:
« Nous consacrons ce numéro à des femmes fortes et dynamiques qui sont en train de changer le monde. Rihanna, notre star en couverture, est l’une d’entre elles. Elle est non seulement l’une des icônes pop les plus célèbres de tous les temps, façonnant l’industrie du divertissement avec ses chansons puissantes et son sens unique du style, mais elle est également une défenseuse de la diversité. »
Si peu d’Egyptiens modernes semblent s’être insurgés contre ce photoshoot de Rihanna en Nefertiti, on peut s’attendre à ce qu’à l’avenir, eux aussi soient atteints d’une hystérie similaire à ceux de certains Américains, forçant les personnages de leur histoire antique à être joués par des citoyens égyptiens, indépendamment du phénotype qu’ils ont pu partager avec d’autres peuples. Espérons donc que cette sur-utilisation
du terme d’appropriation culturelle ne vienne empiéter sur le problème déjà ardu de la représentation de personnages historiques issus des minorités par des acteurs leur ressemblant.